2025 sera l’année du ninja ou ne sera pas. Entre Ninja Gaiden 4, attendu pour cette fin d’année, Shinobi: Art of Vengeance qui arrive le mois prochain et Ninja Gaiden: Ragebound qui vient de sortir ce 31 juillet sur consoles PlayStation, Xbox, Switch et PC, on dirait presque que les studios se sont donnés le mot pour nous faire secouer du Katana cette année. On commence donc cette folle série avec la proposition de The Game Kitchen, à qui l’on doit les excellents Blasphemous.
Même si l’on reste dans un univers en 2D, les équipes du studio ont choisi de se mettre en danger en nous proposant une direction artistique et une philosophie de jeu radicalement différente, tranchant (si l’on peut dire) avec leur expertise dans le Souls-like 2D, tout en faisant renaître de ses cendres une licence qu’on avait plus revu (sous cette forme du moins, la trilogie 3D de Team Ninja ayant pris une autre direction) depuis le début des années 90.
Un pari un peu fou que de faire revenir une telle licence, dans une catégorie de jeux devenue presque anachronique. Mais avec le retour en force du genre depuis quelques temps, impulsé notamment par l’avènement du jeu indépendant, c’est peut-être aussi le meilleur moment pour jouer la carte de la nostalgie et tenter de rallier un nouveau public aux jeux arcades. Alors, The Game Kitchen a-t-il réussi son pari d’allier les avancées vidéoludiques modernes à l’intransigeance des années 90 ou Ninja Gaiden: Ragebound n’est-il finalement qu’une énième réminiscence d’un genre qui n’attire plus qu’un groupuscule de vieux gamers nostalgiques ?
(Test de Ninja Gaiden: Ragebound sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
L’arcade à la maison
Pendant des années, ramener le plaisir des jeux des salles d’arcade à la maison était la promesse tenue par les studios et constructeurs. Ghost and Goblins, Space Harrier, Out-Run, Street Fighter… que des noms qui rappelleront des souvenirs aux grands enfants ayant vidé leur argent de poche dans des salles d’arcade enfumées et autres fêtes foraines pleines à craquer de bornes. Mais avec l’arrivée de consoles et PC de plus en plus puissants, ces salles ont fini par ne plus être que des reliques d’un glorieux passé, et les genres vidéoludiques qui y régnaient se sont peu à peu raréfiés.
Mais les nostalgiques que nous sommes ne sont pas uniquement joueurs. Certains sont passés de l’autre côté et il arrive, principalement du côté des développeurs indépendants, ayant une marge de manœuvre créative bien plus importante, que certains se fassent plaisir et s’offrent le droit de créer le jeu dont ils auraient pu rêver étant gamins. Et c’est précisément l’impression que nous a donné le titre de The Game Kitchen. Ninja Gaiden: Ragebound résonne comme un kif de développeurs, une lettre d’amour à une époque qui a marqué leur vie de joueur.
Alors forcément, avec le genre, on ne s’embarrasse pas d’aspects aussi secondaires qu’un scénario. Un démon veut refaire surface, un ninja qui part accomplir son devoir et des tiers qui souhaitent s’approprier ce pouvoir, et c’est parti pour les 6 à 8 prochaines heures de jeu. Pourtant, il y a bien un twist, avec une alliance contre-nature avec une kunoichi d’un clan rival et leur association (littérale) qui nous offrira quelques dialogues savoureux et surtout une palette de mouvement bien plus étendue pour notre héros.
Avec un Kenji, du clan Hayabusa, spécialisé dans le corps-à-corps, et Kumori, du clan de l’araignée, adepte de l’attaque à distance, nous avons de quoi répondre à tous les types d’ennemis. Et si les attaques, conventionnelles, de Kenji n’évolueront pas, nous aurons la possibilité de modifier, via un marchand local, celles de Kumori qui s’apparentent finalement à des attaques spéciales (venant puiser dans une jauge spécifique) dans l’arsenal du jeune Hayabusa. Quelquefois cependant, la kunoichi pourra quitter le corps de son hôte pour des phases de plate-forme courtes mais plaisantes, qui viendront varier l’expérience globale. Rien d’incroyable, mais ces passages restent des petites pastilles bienvenues pour souffler entre deux bastons.
Toujours dans un souci de personnalisation et de modernisation de l’expérience, la possibilité nous est offerte de nous équiper de bonus afin de nous faciliter la vie dans des niveaux qui fleurent bon le challenge d’antan. Récupération de vie selon le nombre de combos effectués, plus grande puissance d’attaque, une esquive plus efficace… il y en a pour tous les goûts. Grâce à ces outils, et aux checkpoints disséminés dans les niveaux, Ninja Gaiden: Ragebound peut se laisser approcher par tous types de joueurs, sans pour autant renier sa philosophie purement arcade, et c’est peut-être le meilleur choix que pouvait faire les équipes de The Game Kitchen.
Relever les défis
Ainsi, dans une optique de pouvoir en offrir aux joueurs de tous niveaux, Ninja Gaiden: Ragebound propose une large variété de défis, allant du très simple jusqu’à ceux réservés aux maestros de la manette. De base, chaque niveau nous propose diverses missions annexes. Atteindre un objectif de temps, de victime et de combo, terminer le stage sans mourir, effectuer une action particulière… toutes ces réalisations, en plus de la collecte des crânes et scarabées (servant de monnaie au marchand) détermineront un rang.
Un classement qui n’intéressera sans doute que les joueurs avides de challenges corsés puisqu’il n’impacte en rien l’avancée dans l’histoire, mais ils permettent d’ajouter à moindre frais quelques heures de durée de vie pour prolonger le plaisir. Mieux encore, les plus acharnés pourront même s’équiper quelques malus et tenter d’atteindre le rang S++ sur tous les niveaux et ainsi gagner le droit de fanfaronner avec un classement parfait sur chacun d’eux.
Et bien sûr, que serait un jeu d’arcade sans ses boss de fin de stage. Ici, et à une ou deux exceptions près, ils se sont révélés excellents. Pas toujours simples à aborder, surtout en progressant dans l’aventure, mais toujours très bien designés. Une approche qui rappellera, en un sens, ce qui a été fait sur Blasphemous, avec des monstres qui peuvent nous dézinguer en quelques coups mais qui s’apprennent finalement assez vite, leurs mouvements étant lisibles et esquivables, même par réflexe, tant tout répond au quart de tour.
Nous avons d’ailleurs envie de donner une mention spéciale au mode difficile, à débloquer après avoir terminé le jeu une première fois, qui ne se contente pas seulement de nous reproposer les mêmes niveaux avec « juste » des ennemis plus forts. Les niveaux changent aussi et certains boss deviennent de véritables défis à relever. Et puis il faut aussi compter avec un bestiaire encore plus étendu (déjà qu’en mode normal, il y en a un grand nombre) et mieux armé pour nous dessouder.
Pour autant, malgré tout cette richesse et cette modernité, Ninja Gaiden: Ragebound conserve ses racines et garde encore quelques stigmates d’une époque où l’idée était de nous faire mourir afin de remettre une pièce dans la machine. À ce titre, il pourrait apparaître comme « injuste » la mort instantanée lors d’une chute dans le vide ou quelques défis juste là pour s’arracher les cheveux.
Aussi, on pourra regretter que cette richesse ne se retrouve pas dans le level design global. Les niveaux se parcourent agréablement, d’autant que la direction artistique est réussie, mais l’ensemble manque de folie. On avance, on grimpe, on se suspend, mais au final, c’est plus ou moins toujours la même approche, et les rares niveaux cassant cette monotonie sont bien trop rares et courts pour que la donne change complètement. Dommage.
D’un bout à l’autre, nous avons adoré les moments passés sur Ninja Gaiden: Ragebound. Il nous rappelle une époque aujourd’hui révolue, où le jeu d’arcade était roi, tout en modernisant une formule qui, sans cela, aurait difficilement prise aujourd’hui. Ainsi, même les joueurs les moins habiles pourront personnaliser leur aventure, grâce à des bonus qui peuvent certes parfois déséquilibrer l’expérience, mais qui la rende surtout accessible à tous.
Et puis les joueurs les plus expérimentés pourront aussi y trouver des défis à la hauteur de leurs skills et tenter de décrocher le fameux S++ dans tous les niveaux d’un mode difficile réfléchi indépendamment de l’expérience standard. Alors bien sûr, celui qui cherche simplement à boucler le jeu en ligne droite risque de se retrouver déçu après avoir atteint les crédits en une poignée d’heures, mais il sera du même coup passé à côté du plaisir simple de l’arcade et de son époque où le scoring était roi et où c’était aussi par la répétition qu’un titre dévoilait l’intégralité de la mortelle partition.
Tout n’est pas parfait. Les niveaux auraient pu être plus nombreux, plus variés ou au design plus décomplexés, mais Ninja Gaiden: Ragebound reste une formidable ode au jeu d’arcade des années 90, une aventure magique au gameplay peaufiné dans ses moindres pixels. On a ragé, comme étant gamin, devant l’insurmontable (certains défis étant particulièrement corsés), mais on s’est surtout abreuvé jusqu’à la dernière minute de ce shoot de nostalgie, en attendant notre seconde (qu’on espère aussi bonne) dose à la fin du mois avec Shinobi: Art of Vengeance.