Ce n’est plus une nouveauté pour grand monde, en vieillissant et à mesure que les années passent, on se rend compte de la nature imparfaite de l’être humain. Si on a tous des exemples à donner pour le justifier, même les plus jeunes lecteurs qui arriveront sur cette page, celui qui nous vient directement à l’esprit dans le contexte de la critique d’un jeu, c’est celui des biais de jugement.
Mais si, vous savez, c’est ce qui nous force à penser que 2020 est l’année la plus pourrie de tous les temps, qu’un type moche est foncièrement mauvais et donc, qu’un jeu qui mise tout sur la plastique de ses héroïnes n’a rien de mieux à proposer… Et pourtant, c’est ainsi qu’arrive Neoverse Trinity Edition.
Et difficile de le nier, les trailers de ce titre ne vendent pas grand-chose, quelques combats, quelques zooms grossiers sur les fesses de ses protagonistes, on ne peut pas dire que sa communication soit béton… Un constat bien triste qui ne rend pas franchement hommage à ce jeu de cartes croisé Rogue-lite, un titre qui, selon nous, a les cartes en main pour filer des sueurs froides au champion de ces genres : Slay the Spire.
(Test de Neoverse Trinity Edition sur Switch réalisé à partir d’un code fourni par l’éditeur)
Jouer cartes sur table
Comme annoncé dans l’introduction, Neoverse Trinity Edition est un jeu de cartes Rogue-lite et, comme il en est coutume apparemment avec ce genre de jeu, il démarre avec une certaine brutalité. Après un écran d’accueil sommaire qui nous présente sa diégèse en deux, trois mots (fin de l’humanité, monde en ruine et tous les autres clichés du genre) puis nous avoir présenté les trois héroïnes par le biais d’une courte vidéo, vous êtes plongé directement dans le premier combat (à deux ou trois pressions du bouton « A » près). Des explications ? Qui a besoin de ça en 2021, on se le demande ?
Alors, ce n’est une surprise pour personne ayant joué à Slay the Spire (faute d’autre comparatif en mémoire), mais le jeu vous laisse comme on laisse un chien sur le bord de l’autoroute en été : sans repère. Si on vous fait bien comprendre par le biais de quelques petits textes qu’il vous faut sélectionner vos cartes pour maximiser votre attaque et votre défense en fonction des circonstances, même en revendiquant que de nombreux softs nous prennent aujourd’hui un peu trop par la main, on n’aurait pas été contre un petit tutoriel. Naturellement, votre premier run devrait se terminer assez rapidement avec un goût amer en bouche.
Ceci dit, ce serait malheureux de quitter le jeu aussi rapidement, d’autant que cette tentative devrait avoir commencé à dévoiler une partie de ses secrets. En terminant les combats et en accumulant petit à petit les gains, le jeu nous dévoile les ficelles et les possibilités de son gameplay ainsi que les différents challenges, une richesse insoupçonnée au premier abord et qui se voit multipliée rapidement à mesure que l’on débloque les autres personnages (pour la première partie, vous n’avez accès qu’à un personnage).
Une main de maître !
Une fois votre mode de jeu sélectionné, vous allez devoir affronter quinze à vingt ennemis d’affilée avec un boss tous les cinq affrontements. À chaque palier, un choix parmi trois options s’offre à vous, vous permettant de choisir entre des missions simples ou plus complexes, chacune accompagnée d’un lot dont la qualité dépend du niveau de difficulté sélectionné. Ces missions, une fois remplies, vous apporteront d’autres bonus non négligeables tels que des soins, des cartes supplémentaires, des consommables et de l’argent, bref, de quoi offrir à votre personnage de meilleures chances de survie.
En parlant de personnages, tous trois disposent de trois jeux différents, chacun représentant les talents d’un archétype de RPG (Naya est la voleuse/assassine, Claire est paladin/chevalier noir et Helena est invocatrice/mage). Si les decks sont très pauvres en début de partie, à mesure que des cartes rejoignent votre jeu, vos possibilités s’accroissent et vous permettent de nouvelles approches stratégiques.
Naturellement, comme pour tout jeu de cartes, les decks se divisent en cinq catégories de cartes triées par couleur, une pour les cartes d’attaque, défensives, les instantanées et les constantes. La cinquième catégorie concerne les entraves qui sont généralement générées par vos ennemis. Enfin, chacune de ces cartes a un prix à payer en mana donc à vous de prendre en compte tout les paramètres avant d’ajouter une carte à votre jeu.
Une fois les mécaniques de base appréhendées et après avoir compris que vous pouvez vous adapter à vos adversaires puisque leurs prochaines actions sont constamment affichées à l’écran (permettant par ailleurs l’ajout astucieux d’un système de parade et d’attaque qui consiste à jauger attaque et défense au point près pour des bonus), il faut se rendre compte de l’évidence : Neoverse Trinity Edition est extrêmement addictif.
La boucle de gameplay est extrêmement satisfaisante et on prend un réel plaisir à enchaîner les affrontements et les parties les unes après les autres d’autant que, même en sélectionnant le même personnage plusieurs fois, entre la variété des ennemis et l’aléatoire des cartes et récompenses, chacune partie semble fraîche. Vraiment sympa !
Le Royal Flush à une carte près…
Bon, on va attaquer les points qui blessent. On a beau dire que nous trouvons généralement que le gameplay est le point crucial de n’importe quel jeu, il faut l’admettre ici, l’absence d’histoire n’est pas le seul point pour lequel s’attacher à Neoverse Trinity Edition est difficile sur le long terme. Si on note l’existence des modes « chasseur » et « univers transcendé » qui proposent des variations du mode principal (notamment par l’introduction d’handicaps), au final, ces modes ne font guère plus que débloquer des costumes racoleurs…
Décevant donc de reprendre le même gameplay, les mêmes monstres (malgré la variété), les mêmes décors et la même musique pour des enjeux limités à une fois, le temps de débloquer ces tenues…
On pourrait aussi ajouter qu’on ne s’attendait pas en 2020/2021 à des graphismes aussi… pauvres. Si la direction artistique n’est déjà pas bien fouillée, les graphismes au mieux « utilitaires » du soft rapprochent plus le jeu de l’ère PS3/Xbox 360 que du passage à la new-gen…
Ce n’est pas moche, hein, mais les fans de HD (voire de 4K) et les amateurs de technique grinceront des dents face à certains modèles et ils n’auront pas fini de pleurer quand ils noteront que les couleurs bavent et que les textures dégueulent dans le peu de cinématiques que le jeu a à proposer…
On se consolera en notant que pour un jeu à 20 euros, non seulement il dispose d’une boucle de gameplay assez excitante, mais il propose un peu de challenge, un jeu de cartes assez complet avec des personnages plutôt charismatiques (malgré l’absence totale d’introduction), et que le jeu est intégralement en français. On aurait apprécié pouvoir y jouer en tactile en mode nomade (parce que oui, la console s’y prête un peu quand même), mais on digresse.
On s’attendait à un jeu facile à démolir, une boucle vide qui reposerait sur une esthétique beaufasse façon « fan-service nippon », il n’en est rien. Neoverse Trinity Edition est une bonne surprise. Si on pourra toujours se plaindre de l’absence de mode histoire, de ces nombreux bugs graphiques, de la lourdeur de l’UI et de sa désuétude en termes esthétiques, les joueurs qui sauront s’accrocher dans la violence de ses mécaniques pourront trouver un titre complet et complexe, généreux en défis autant qu’en récompenses.
Cependant, ça reste dommage qu’avec une boucle de gameplay aussi satisfaisante, le jeu n’ait pas pris le soin de contextualiser une quelconque forme de progrès avec un scénario et des enjeux ou même un glossaire à remplir pour afficher les différents ennemis affrontés et vaincus ou alors les cartes un jour eues en main… Neoverse Trinity Edition est un jeu bien qui, avec un peu plus d’efforts, aurait pu être très bon.