Dix-neuf ans, c’est le temps qu’il aura fallu aux amateurs des aventures 2D de Samus pour que leur rêve se réalise, dix-neuf longues années d’attente avant qu’un épisode inédit ne vienne dépoussiérer la saga. Alors oui, nous pourrions débattre de ce chiffre.
Peut-on considérer Samus Returns, le remake du second volet, comme un épisode inédit ? Après tout, il aura ajouté beaucoup à l’épisode initial. Auquel cas, que penser de Other M ? S’il était loin d’être parfait (#euphémisme), il aura quand même mis une poignée de bonnes choses sur la table. Non, le dernier (vrai) Metroid, c’est Fusion, et il date de 2002, donc ça fait bien dix-neuf ans qu’on attend Metroid Dread, un épisode spécial puisqu’il a été désigné par Nintendo comme étant le clap de fin de l’arc narratif « Metroid » de Samus.
Seulement, pendant ces années de sommeil, beaucoup de choses ont changé et le Metroidvania n’est plus l’apanage de la série de Nintendo ou de Castlevania, loin de là même. Alors que Nintendo et Konami lâchaient le terrain, des studios prometteurs se sont glissés dans la brèche pour bouleverser le genre, diversifier l’offre et redorer le blason d’un genre qui s’étouffait lentement.
Guacamelee, Axiom Verge, Bloodstained, mais surtout Hollow Knight (près de 3 millions d’unités écoulées, un chiffre qui dépasse donc les chiffres de vente de tous les Metroid 2D et même 3D), bien des jeux à la qualité indéniable et qui pourraient avoir fait de l’ombre à Samus pendant son absence. Le retour de la chasseuse de prime s’est-il trop fait attendre ?
(Test de Metroid Dread sur Nintendo Switch réalisée à partir d’un code fourni par l’éditeur)
Une formule connue, maîtrisée et même étoffée
Si dix-neuf ans se sont bien écoulés chez nous depuis Metroid Fusion, nous retrouvons notre héroïne juste après le générique de fin de ses dernières aventures. Quelques cartons pour nous rappeler son parcours (notamment son combat contre les parasites X au cœur du laboratoire spatial de la Fédération Galactique) et nous découvrons aux côtés de Samus son nouvel ordre de mission. La menace du parasite X ne serait au final pas écartée. En effet, la Fédération Galactique semble détenir des preuves que des parasites auraient survécu sur la planète ZDR. Pire encore, des robots y ont été envoyés pour faire des prélèvements ADN et ne répondent plus. Quelques chose de louche doit se passer sur ZDR.
Effectivement, les soupçons sont rapidement confirmés. À peine l’exploration de la planète débutée que notre héroïne est assaillie par un guerrier Chozo dont la force est telle que les coups qu’elle essuie désactivent ses capacités de combat. Se serait-elle jetée dans un piège ? Pour l’heure, ce n’est pas important. Oui, puisque notre héroïne ne peut s’enfuir, le chemin vers son vaisseau ayant été coupé. Autant donc prendre le temps de fouiller les entrailles de la planète à la recherche de réponses et de retrouver nos capacités perdues de manière à nous préparer aux nombreux combats qui nous attendent. Bref, la routine pour Samus.
Habitué de la série, vous aurez probablement compris que Metroid Dread marche dans les pas de cette formule qu’il a créée. Cette quête vers la réacquisition de votre arsenal guidera vos pas et vous permettra d’ouvrir de nouveaux passages, d’empocher d’autres compétences, de mettre à nu des secrets, de compléter votre mission en d’autres termes. Et sans conteste, Nintendo a misé sur le bon cheval en laissant à MercurySteam le soin de développer ce nouvel épisode.
Non seulement on ressent que le studio madrilène est à l’aise avec son sujet (déroulé de l’exploration, équilibre action/exploration), mais un coup d’œil à la carte (d’une clarté exemplaire) permet de comprendre instantanément où se rendre (bienvenu puisqu’il est facile de se perdre dans les labyrinthes plus ou moins naturels de ZDR), et ce sans indicateur précis ni explications à rallonge. Clairement, masterclass en game design !
Une mobilité à toute épreuve et de quoi la mettre au défi
Ceci dit, suivre une recette, c’est très bien, mais si les ingrédients ne se mélangent pas, le plat sera indigeste. Dans un jeu vidéo, c’est avec le gameplay que ça s’observe et force est de constater que, sur l’ensemble de la série, Metroid Dread est probablement à la pointe en ces termes. Dès les premières secondes de jeu et alors que votre armure n’est plus que « peau de chagrin », Samus reste extrêmement mobile et capable. Son agilité, revue à la hausse, rend l’exploration plus plaisante que jamais. Glissade, wall-jump, tout est mis en œuvre pour que votre parcours dans ZDR s’opère sans heurts ni ralentissements, ce que corrobore d’ailleurs la réactivité de la chasseuse de prime et la fluidité du titre qui conserve ses soixante images par seconde à tout instant.
Cette flexibilité et la réactivité inédite de Samus jouent aussi un rôle majeur lors des affrontements. Comme dans Samus Returns, le combat est plus présent que jamais dans Metroid Dread, justifiant du coup aussi le retour du contre. Cependant, à l’image de la mercenaire, ce mouvement s’est aussi notablement assoupli, permettant maintenant de bloquer les attaques en pleine course (le contre bénéficiant alors d’élan) et même depuis la boule morphing, de quoi vous laisser une chance de vous défendre en toutes circonstances. Ajoutez alors à ceci le retour des capacités Aeions (permettant notamment de découvrir les murs brisables ou de vous téléporter sur de courtes distances) et on comprend pourquoi la belle est aussi redoutée.
Attention quand même, il serait zélé de vous croire invulnérable. Vous ne l’êtes pas et le jeu vous le rappellera souvent. Un constat : Metroid Dread, sans être insurmontable, est plutôt coriace. Les environnements sont hostiles : il n’est pas rare que des mobs vous retirent des jauges de vie complètes ou que des pièges punissent sèchement vos erreurs. Les boss aussi, assez nombreux, vous mèneront la vie dure en cognant comme des bourrins, vous forçant à apprendre leurs palettes de coups pour y répondre avec justesse.
Votre salut se trouve dans l’apprentissage des contrôles puisque chacune des touches ou presque est mise à l’usage et qu’il vous faudra souvent additionner les commandes pour vous en sortir. Des contrôles un peu casse-tête dans un premier temps, mais qui, une fois maîtrisés, vous procureront un plaisir palpable, notamment après avoir démonté un boss difficile ou en débloquant les nombreux secrets.
Et c’est d’autant plus vrai dans les phases d’infiltration. Les vedettes de ce volet sont les E.M.M.I., les robots envoyés par la Fédération Galactique que nous évoquions plus haut, tombés aux mains de l’ennemi. Ces automates indestructibles (en tout cas avec l’arsenal basique de Samus) parcourent des zones délimitées par des portes singulières à votre recherche. Si détectée, la chasseuse devient proie. Les E.M.M.I. vous chasseront jusqu’à ce que vous leur échappiez ou qu’ils vous attrapent avec, à la clé, une mort quasi-assurée.
C’est à cause de ces moments, extrêmement intenses et excitants, que Metroid Dread porte son nom (« dread » veut dire « effroi ») et ça le fait. Ça le fait d’autant plus qu’on se sent fier d’avoir échappé à ces monstres mécaniques grâce à la souplesse des contrôles ou en réussissant un contre. Non, on confirme, la souplesse du gameplay est un chef-d’œuvre.
Aucune ombre au tableau ?
Oui, nous sommes indéniablement sous le charme de ce Metroid Dread. C’est simple, selon nous, le jeu coche une à une les cases des attentes qu’un fan de la série pourrait avoir et le fait même intelligemment en distillant de manière inattendue certaines des compétences cultes de l’héroïne. Le game design, la jouabilité, etc. Manette en main, il est possible de ressentir le temps passé par les équipes à réfléchir le jeu et le temps passé par ses concepteurs à le laisser germer dans leurs esprits et cette sensation est délicieuse.
Ne parlons même pas du rythme frénétique auquel on débloque les compétences qui en font l’un des épisodes les plus gratifiants en termes de rythme, le tempo étant franchement soutenu au point de ne pas vouloir lâcher la manette jusqu’à complétion.
Et pourtant, non, Metroid Dread n’est pas parfait. Nous pourrions même dire que pour chacun de ses points forts, quelqu’un pourrait y trouver un point faible. Déjà, la difficulté. Si le jeu est difficile, comprenez dans ce cas « stimulant » et non pas « impossible », il se pourrait que se refaire en boucle un boss pendant vingt ou trente minutes puisse agacer certains joueurs (et que diront ces mêmes joueurs en découvrant le boss de fin…).
Bien entendu, la difficulté globale n’est pas la seule en cause dans cette situation, mais aussi la quantité de contrôle à maîtriser puisqu’il est aisé, surtout lors des premiers affrontements, de se mélanger les pinceaux dans le feu de l’action. Le genre de plaisir qu’un joueur pourra également revivre face aux E.M.M.I.
Et en parlant d’E.M.M.I. justement, nous soulignions plus tôt à quel point les rencontres avec ces robots étaient excitantes au début du jeu, c’est surtout parce que sept rencontres reposant sur le même concept, ça peut lasser. Effectivement, les rencontres avec ces robots reposent toujours sur le même schéma.
Chaque zone de la carte abrite un E.M.M.I. En explorant une zone pour la première fois, il vous faudra d’abord échapper à l’automate afin de récupérer l’amélioration vous ouvrant l’accès au mini-boss à détruire, ce dernier vous octroyant une arme temporaire pour éliminer votre opposant. Bis repetita. Ce boss est toujours le même et seul le nombre de projectiles à l’écran pour vous gêner change la donne (comprenez Mother Brain en mode tranquille). Peu mémorable effectivement. Heureusement qu’ils se sont appliqués pour donner aux E.M.M.I. des pouvoirs différents. Au moins, on se souvient d’eux.
Avant de conclure, il convient de rappeler une dernière fois que Metroid Dread n’est pas un jeu facile. Par conséquent, s’il fera une belle addition dans la bibliothèque d’un amateur de défis et de 100%, un joueur saisonnier pourrait aller au-delà de déconvenues en traversant les couloirs et les salles pleines de dangers de ZDR. Metroid n’est pas Mario ni Kirby.
C’est une série de jeux exigeants qui saura cependant récompenser comme il se doit les joueurs qui se donnent à fond et les amateurs de speedrunning qui pourront s’amuser à remplir les différents défis du jeu pour en débloquer les diverses illustrations. Pour quiconque prêt à se perdre un peu et à prendre quelques baffes, Metroid Dread fera une belle porte d’entrée dans la série.
On l’aura donc attendu un moment, ce Metroid, mais l’attente en valait clairement la chandelle. Metroid Dread est un succès incontestable, aussi bien à l’échelle de sa propre série qu’à l’échelle de l’industrie. Plus nerveux, plus souple, très bien équilibré, c’est une leçon de game design et toujours une preuve que la Samus est la reine du genre même en 2021. On pourra cependant regretter qu’il ne soit pas plus accueillant envers les nouveaux joueurs, qu’il peine à se renouveler sur le long terme et qu’il soit plus dirigiste que les autres épisodes de sa propre série, mais ce serait vraiment chipoter. Metroid Dread est un trésor dans la ludothèque de la Nintendo Switch et on espère qu’il trouvera sa place sous de nombreux sapins.