C’est l’une des grosses sorties les plus discrètes de cette fin d’année 2020, normal compte tenu des mastodontes qui l’accompagnaient (coucou Cyberpunk 2077), mais néanmoins un peu triste pour un jeu qui aura fait grand bruit lors de son annonce. Annoncé comme LE Zelda made in Ubisoft, Immortals Fenyx Rising aura dès ses premiers trailers de gameplay souffert d’une forte comparaison avec le titre de Nintendo, poussant nombre d’internautes à crier au plagiat. Néanmoins, après avoir profité des affres du titre jusqu’à plus soif, les premières impressions restent-elles inchangées ?
(Test d’Immortals Fenyx Rising sur PlayStation 4 réalisé via une version fournie par l’éditeur)
Une rapide mise au point
Avant d’entamer de manière concrète ce test d’Immortals Fenyx Rising, parlons tout d’abord des ressemblances avec Zelda afin d’évacuer rapidement le sujet. Oui, Immortals Fenyx Rising comporte des mécaniques de gameplay identiques à celles de Breath of the Wild. Vous pourrez par exemple domestiquer des chevaux, grimper sur l’intégralité de la map sous la contrainte d’une jauge d’endurance, ou encore planer sur de longues distances grâce à vos ailes.
Une ressemblance qui se poursuit même sur la structure du titre, avec ses multiples Cryptes du Tartar, équivalent des Sanctuaires de chez Nintendo, qui vous mettront face à des challenges divers et variés, ainsi que quatre divinités à secourir, offrant le même nombre de vrais « donjons », rappelant fortement les quatre prodiges d’Hyrule.
Toutefois, rassurez-vous, le jeu possède sa propre patte, et arrive mine de rien à se positionner comme un bon prétendant au poste de Breath of the Wild-like. N’y voyez aucune insulte ici, mais plutôt une réelle considération pour le titre d’Ubisoft, qui a essayé de livrer sa version du monde ouvert à la Zelda. Un point de départ qu’ont tous en commun les jeux en « -like » (comme les Doom-like ou les Rogue-like), ce qui n’a pas empêché certains titres d’être aussi bons, voire meilleurs que leur matériau d’origine.
Tous les Zeus dans le même panier
Immortals Fenyx Rising débute par une cinématique mettant en scène Zeus et Prométhée, ainsi qu’un rapide passage de création de personnage, qui mettront tous deux en avant le plus gros défaut du jeu, celui du chara-design. Un vrai point noir qui vous suivra tout au long de votre route, et viendra vous exaspérer à grands coups d’animations faciales complètement aux fraises, absolument pas compensées par une VF pourtant de qualité, mais souvent peu appropriée aux faciès des personnages. Avec pour exemple criant Zeus, doublé par un Lionnel Astier qui, en dépit d’avoir fourni une prestation plus que correcte, s’avère être une véritable erreur de casting tant la voix ne correspond en rien à ce que l’on voit à l’écran. Et quel dommage !
Outre l’incohérence qui en résulte lors des cinématiques, l’on perd aussi une partie du pouvoir comique des différentes vannes ou mises en scène caricaturales pourtant de bonne facture. Car oui, ici, l’humour se trouve être un vrai bon point, et offrira de nombreuses occasions de sourire pour tous ceux ayant une petite culture de la mythologie grecque. Alors oui, certaines vannes sont un peu faciles (le Marteau d’Héphaïstos notamment), mais l’ambiance générale transpire l’humour léger à multiples lectures et apporte un certain cachet au titre.
Une sorte de générosité que l’on retrouve aussi dans la manière qu’a le titre de traiter le style du monde ouvert, où il y a toujours quelque chose à faire. Néanmoins, Ubisoft restant Ubisoft, nous retomberons très rapidement dans ce qui fait le succès du studio français depuis bientôt une décennie.
C’est-à-dire grimper des lieux en altitude pour dévoiler une partie de la map, aller régulièrement d’un point A à un point B pour faire des trucs, et puis pratiquer l’Ubisoftage jusqu’à plus soif en ramassant tout ce qui traine. Une petite déception s’il en est pour nous, compte tenu de la promotion du titre en tant que Zelda-like, qui finalement lui portera défaut, le jeu n’ayant en fait rien compris sur ce qui aura fait le charme de son modèle.
Car si le monde fourmille de choses à faire, l’exploration n’est en rien intuitive, et est finalement comme la grande majorité des mondes ouverts de cette génération : un grand bac à sable. En soi, ce n’est pas un problème, puisque se balader dans les différentes régions du jeu est agréable, et on se prend facilement aux combats dynamiques et bien pensés. Mais il n’y a au final aucun plaisir de découverte, l’intégralité de la map (très condensée) s’affichant sous nos yeux dès que l’on prend un peu de hauteur. Encore une fois, c’est un peu dommage, car le titre nous pousse à errer dans un monde connu d’avance, à l’histoire peu intéressante, ne nous donnant que le développement de notre personnage pour seule envie de continuer.
Face à ce début de constat amer, que reste-t-il donc à espérer d’Immortals Fenyx Rising ?
Arès sur image
Heureusement, le jeu arrive à nous faire voyager, et nous permet d’être au centre d’une épopée digne d’Ulysse, ou de Jason, avec une narration externe offerte par Prométhée (qui raconte l’histoire) et Zeus. Un duo façon papy-grincheux du Muppet Show qui fonctionne bien, les deux se tirant la bourre sur votre échec ou votre réussite. Toutefois, si vous n’êtes pas sensible à l’humour potache, leurs interventions pourraient vite vous casser les pieds façon Navi dans Ocarina of Time, ce qui peut s’avérer rebutant pendant les phases de combat.
D’ailleurs, parlons-en un peu plus en profondeur de ces combats. Autre vrai point fort du titre, les affrontements ne manqueront pas de piquant surtout dans les difficultés les plus élevées, avec un bestiaire un chouïa flemmard, il faut l’admettre (pas mal de créatures changent simplement de couleur avec la difficulté), mais mine de rien complet. De la grosse Gorgone au Minotaure, en passant par des poulets (oui oui, des poulets #clindoeilappuyé), tous auront pour but de vous faire passer un sale quart d’heure. Fort heureusement, vous êtes muni de l’épée d’Achille, de la hache d’Atalante, de l’arc d’Ulysse, et vraisemblablement des pouvoirs de la moitié des dieux de l’Olympe, ce qui ne sera pas de trop pour venir à bout des sacs à PV de fin de partie.
Côté ergonomie, les combos s’enchaînent bien, les différentes armes sont toutes aussi utiles les unes que les autres, nous poussant à utiliser la totalité du gameplay proposé, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Il est aussi possible de se doper à grand renfort de potions de puissance, afin de vous permettre de lâcher vos plus beaux octogones sans règles contre les ennemis les plus coriaces. De plus, le titre offre une mécanique à base de combos, qui font gagner les affrontements en dynamisme, surtout couplée avec les larges possibilités d’enchaînements aériens.
L’on distille donc les gauches-droites avec un air patibulaire, parfois même face à la mer, dans des décors très marqués au niveau de l’ambiance. Tellement marqués d’ailleurs qu’ils nous permettent de profiter de l’un des rares défauts de la D.A du jeu (hormis le chara-design) : la colorimétrie.
Autant les plaines verdoyantes ne posent pas de problèmes, autant les zones orangées sont un calvaire pour la rétine. C’est bien simple, en plein cagnard, les couleurs sont tellement vives (en dépit des réglages effectués) qu’on en est à prier pour que le nuit tombe plus vite. Un détail qui a son importance, nous empêchant de profiter convenablement de notre petite balade en terre mythique. Un voyage presque onirique pourtant, soutenu par une OST discrète, mais efficace, avec quelques passages mémorables, malheureusement cantonnés aux écrans-titres.
Le petit plus Ubi
Dans un concours d’éloquence, Ubisoft serait sûrement plus gratifié pour la quantité que la qualité, tant le titre nous obstrue la vue de choses à faire, idéal pour ceux aimant trainasser en monde ouvert. Un petit plus made in Ubi, qui d’une certaine manière a son charme, et qui prouve que le studio restera coûte que coûte dans ce qu’il considère être la bonne manière de faire un open-world.
Qu’on adhère ou non à la recette, les Français ont continué de développer leur écosystème, pour le meilleur avec par exemple des missions quotidiennes (d’intérêt inégal, soyons francs) qui rajoutent un peu de temps de jeu pour un Immortals Fenyx Rising qui n’en avait pas vraiment besoin, et pour le pire avec des microtransactions qui n’ont absolument rien à faire ici. Surtout que le titre a le vice d’informer très rapidement sa cible des possibilités cosmétiques offertes si elle ouvre son porte-monnaie.
Un comportement à la EA qui déçoit bien entendu, mais qui confirme bien que désormais, il sera impossible d’acheter un jeu sans avoir à raquer derrière.
Souffrant de presque aucun défaut majeur, Immortals Fenyx Rising ne brille pas spécialement pour autant, et se rangera assez rapidement dans la bibliothèque des mondes ouverts sympathiques, mais aisément oubliables. La faute à une histoire loin d’être immersive, et à un monde qui n’invite en rien à l’exploration. C’est dommage, car le jeu fourmille de bonnes idées, et s’il s’inspire de certains titres, il ne parvient pas à se détacher de ce qu’il est vraiment : un monde ouvert Ubisoft, perdu dans une conception datant du début des années 2010.
Néanmoins, si vous êtes novice en la matière de monde ouvert, vous prendrez sans nul doute du plaisir à vous balader dans un univers qui a beaucoup à offrir. L’humour est sympathique, les combats sont dynamiques, certains casse-têtes sont bien pensés, et l’atmosphère reste, mine de rien, réellement bucolique dans son ensemble. De plus, on appréciera d’avoir un jeu de fin de gen’ ne pesant pas lourd en stockage (25 Go environ).