Conçu par Heart Machine, un studio avec quelques kilomètres au compteur et partageant le même univers qu’Hyper Light Drifter, jeu acclamé par la critique, Hyper Light Breaker avait quelques arguments pour attirer les regards. Vendu comme un roguelite en monde ouvert, le jeu avait achevé d’intéresser les fans du studio.
Pourtant, le titre a reçu un accueil très mitigé à sa sortie. Avec des problèmes d’optimisation et d’angles morts au niveau du game design, le jeu est actuellement difficile à prendre en main. Ses choix de game design particuliers nous laissent circonspects. Mais Hyper Light Breaker n’est-il pas simplement victime d’un accès anticipé moins perfectionné ?
(Test du jeu Hyper Light Breaker sur PC réalisé à partir d’un code fourni par l’éditeur)
Less is less
Hyper Light Drifter nous avait habitué à des paysages au goût SF prononcé. Des bâtiments bardés de néons dysfonctionnels renonçant face à une végétation qui reprend ses droits, tel sera votre horizon. Même si l’univers est partagé, la D.A. des deux jeux est radicalement différente. Un pixel-art magnifique pour le premier et un style beaucoup plus cartoon et coloré pour le second, un choix qui tranche et crée un fossé entre les deux jeux. Solar Ash peut soutenir la comparaison mais là aussi, le niveau de détail de Solar Ash rend Hyper Light Breaker assez terne.
L’O.S.T. du jeu est superbe. Toujours en lien avec un univers S.F., les quelques touches de synthé rappellent le travail culte de Vangelis sur Blade Runner et convoque le même type d’ambiance. La bande-son fait très clairement le lien entre Hyper Light Drifter et Breaker.
Hyper Light Breaker est maladroitement cryptique sur son univers, le jeu est très avare de tutoriel et d’explication. Les quelques éléments de lore disséminés ici et là ne rendent pas le tout cohérent voire même intéressant. Le titre ne vous prendra jamais par la main pour vous expliquer certaines mécaniques que vous devrez apprendre par vous-mêmes. Parfois justifiable par son statut d’early access, le jeu, par exemple, ne vous expliquera jamais comment obtenir un kit de soin ou bien comment obtenir certaines ressources, de quoi s’arracher les cheveux.
Là où cela s’aggrave, et ne soutient pas la comparaison avec son petit frère, c’est le manque de narration voire même de narratifs. Bien loin des objets qui racontent une histoire et qui permettent de se créer un monde comme dans un Elden Ring ou bien simplement de petites cinématiques qui racontent l’histoire, comme dans Hyper Light Drifter, le jeu ne permet que de déverrouiller des « images fantômes », des planches dessinées rudimentaires et peu intéressantes qui confinent plus à un artwork exécuté à la va-vite.
Des fondations incertaines
Par sa D.A. mais aussi par son gameplay, Hyper Light Breaker rappelle furieusement Risk of Rain, un jeu nous lâchant dans une zone hostile et chronométrée. Un chronomètre aux allures d’épée de Damoclès qui empire notre situation jusqu’à nous rendre la tâche impossible.
L’Effondrement, la zone ou vous devrez évoluer, est une zone instable. Plus vous y rester, plus la zone devient dangereuse. Concrètement, des météorites et des ennemis vous tombent dessus, des gaz mortels rendent inaccessibles des zones stratégiques, bref, il vaut mieux décamper.
Pour remédier à cela, des points d’extraction vous permettront toujours de vous en sortir. Ceux-ci servent principalement à retarder la réinitialisation de l’Effondrement mais aussi à empêcher la détérioration de votre équipement. Car la mort ne vous en prive pas, mais l’endommage, jusqu’à le faire disparaître. Vous pourrez donc obtenir un équipement et le garder le temps d’un ou deux run(s).
Cette mécanique est une décision de game design assez atypique. Si le roguelite force à l’adaptabilité, ici, vous pourrez garder les items de votre précédent run et combler les lacunes de votre équipement en choisissant avec précaution les prochaines récompenses. Vous l’aurez compris, au bout d’un moment, votre build sera tellement optimisé que la difficulté du jeu sera minime. Cette mécanique dote le jeu d’une personnalité schizophrène : une difficulté inutilement relevée en début de partie et un sentiment de toute puissance, et incontesté, après avoir assemblé un équipement en synergie.
Vous aurez 4 morts avant de voir votre run se réinitialiser et perdre toutes vos ressources. Les ressources seront alors dépensées automatiquement pour gagner d’autres ressources permettant d’avancer dans la méta progression du jeu.
Toutefois, avec des mécaniques d’exploration jouissives, le planeur, l’hoverboard ou la maîtrise du dash, toute la carte est accessible. Si vous voyez un endroit au loin, vous pourrez y accéder. Par contre, les environnements se ressemblent un peu trop et même si des biomes différents existent, on a plus l’impression que ce sont les couleurs qui changent et pas vraiment les compositions architecturales ni même les paysages.
Hyper Light Breaker offre néanmoins un savant mélange de zones étendues et accessibles. On se surprend souvent à atteindre beaucoup plus rapidement qu’escompté son point de repère, ce qui donne à l’exploration un très bon rythme.
Si on veut parler de rythme, il faut parler des combats. Sûrement la partie la plus difficile à prendre en main, les affrontements, très nombreux qui plus est, sont victimes des performances à la traîne du titre. Avec une caméra peu réactive et un nombre d’ennemis qui peut vite dégénérer, le jeu est très punitif et la mort est une double peine : celle-ci occasionne une usure de l’équipement et un temps de chargement qui vous donne le temps de mourir intérieurement une dizaine de fois.
Concernant les boss, il est très difficile d’en venir à bout. Ceux-ci sont déjà durs à vaincre mais ils n’hésiteront pas à invoquer d’autres monstres pour vous rendre la vie impossible. Les combats de boss requièrent toute votre attention mais, étonnamment, les récompenses sont déceptives.
Là aussi, Hyper Light Breaker semble n’avoir pas encore trouvé son équilibre. Des soins rares et peu efficaces, des ressources très dures à obtenir pour des résultats minimes, des combats parfois très faciles qui octroient une pièce d’équipement qui changera radicalement la donne, bref, le jeu est parfois trop généreux et parfois beaucoup trop avare.
Mais le plus étrange dans tout cela est la mécanique d’extraction. Comme il est possible de sortir de l’Effondrement sans mourir, vous pourrez revenir à l’envie pour parfaire votre équipement, le tout construisant une boucle de game design rébarbative et poussive, en somme, l’antithèse de ce que doit être un roguelite.
Hyper Light Breaker a de quoi rebuter. C’est vrai, les performances sont handicapantes, on peste quand on attire un groupe d’ennemi alors que l’on était déjà en difficulté contre un mini-boss, la caméra ne suit pas l’action, les récompenses dans la méta-progression ne sont pas impactantes, mais après quelques runs, il est intéressant de composer un build sur mesure. Quelques heures de plus et vous vous sentirez invincible. Viendra ensuite l’ennui et l’attente de nouveaux défis que le jeu paraît promettre tant Heart Machine semble être à l’écoute de la communauté, en témoigne un patch sorti 48 heures après la sortie du jeu, dû aux plaintes des joueurs concernant les performances.
Même si les patchs rendront très certainement le jeu beaucoup plus agréable, il manque une identité forte à Hyper Light Breaker, chose étonnante à écrire pour un jeu labelisé Heart Machine. Solar Ash ou Hyper Light Drifter étaient tous deux des jeux très singuliers cultivant même une identité artistique forte. Ici, la sauce arty ne prend pas vraiment. Les décors n’ont pas l’assurance d’un Solar Ash, les personnages le charisme d’un Hyper Light Drifter, le gameplay la folie d’un Risk of Rain.
Éminemment tourné coop, le jeu est beaucoup trop difficile en solo. Même si les ennemis sont plus forts lorsque vous jouez avec des amis, ils ne feront pas le poids face à deux breakers suréquipés. Il existe pourtant un réel plaisir à parcourir les mondes procéduraux d’Hyper Light Breaker, mais pour un laps de temps trop court. Après une quinzaine d’heures de jeu, on attend la suite.
Pourtant, on se demande si ce n’est pas nous, joueurs, qui deviendrions trop critiques vis-à-vis des early access. Avec Path of Exile 2 ou encore Hadès 2, encore actuellement en accès anticipé, notre seuil d’acceptabilité s’est considérablement réduit. Ces deux jeux sont sortis dans des états proches de la perfection alors qu’ici, le chantier ne fait que commencer.
Heart Machine n’a pas les reins aussi solides qu’un Supergiant Games ou d’un Grinding Gear Games, la vague de licenciements peu de temps avant la sortie d’Hyper Light Breaker en témoigne. Nous espérons simplement que les joueurs reviendront voir l’état d’Hyper Light Breaker dans quelques mois, et qu’il sera, sans aucun doute, beaucoup plus intéressant.