Si vous ne connaissez pas encore Haven, le nom de son studio de développement vous en dira peut-être un peu plus puisqu’il s’agit de The Game Bakers. Une équipe originaire de Montpellier qui vous aura mis les nerfs à vif il n’y a pas si longtemps avec leur petite pépite Furi. Ce dernier n’hésitait pas à vous en faire baver, vous servant une bonne dose d’action supplément try hard, et contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, le studio s’est dirigé, avec son nouveau projet, dans une tout autre direction.
À l’opposé total de ce que l’on peut considérer comme un jeu difficile, Haven s’évertue plutôt à nous faire entrevoir la part de douceur qui sommeillait au sein de The Game Bakers, mettant en scène une fuite amoureuse sur une planète abandonnée. Pour autant, aussi douce que soit cette aventure, parvient-elle à se montrer convaincante dans tout ce qu’elle entreprend ?
(Test de Haven réalisé sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Haven joue la carte de l’audace pour son escapade amoureuse
Avant même de parler du jeu et de ses spécificités, sachez que Haven est loin de la perfection, vous allez découvrir au fil du test tout un tas de choses qui n’ont peut-être pas eu l’effet escompté sur nous, mais qui, peut-être, vous enchanteront de votre côté. Avec ce jeu, le studio s’est lancé un défi énorme, quand bien même, à l’heure des remakes/remasters/suites à outrance, il aurait tout aussi bien pu capitaliser sur son grand succès Furi, et persévérer dans cette voie. Cette prise de risques était naturellement casse-gueule, mais le fait est que cela dénote une volonté artistique certaine, et que les erreurs du jour seront, on l’espère, les réussites de demain.
Haven vous propose d’incarner deux amoureux, un homme et une femme, ayant fui leur terre natale afin de s’épanouir ensemble, loin d’un monde aux contraintes qui ne le permettaient pas jusqu’à présent. On ne vous en dira pas plus, car vous apprendrez les choses par vous-même au fil de l’histoire, mais sachez juste que si vous ne l’aviez pas encore tout à fait compris, vous allez mettre les pieds dans une véritable histoire d’amour, dont vous serez tantôt acteur, tantôt spectateur.
En arrivant sur votre nouvelle planète, vous allez devoir explorer afin de trouver les ressources nécessaires à votre survie, mais aussi les matériaux pour restaurer votre vaisseau, appelé Le Nid, et c’est exactement ce qu’il sera pour votre couple. Sa restauration sera en fin de compte une sorte de métaphore de la consolidation et de l’épanouissement de l’amour de nos personnages. Cependant, le jeu reposant presque intégralement sur cette relation amoureuse, nous avons passé quelques heures à ne pas savoir qu’en penser réellement.
Haven n’a rien de l’histoire d’amour stéréotypée ou idéalisée comme on pourrait le voir dans beaucoup d’œuvres, et cherche plutôt à prendre le contre-pied de ce postulat. Vous allez être placé au centre d’un couple, et là où habituellement on s’attarderait essentiellement sur les scènes de baisers et d’action, ici vous allez vivre une histoire beaucoup plus proche de la réalité, quand bien même tout se déroule dans l’espace sur une autre planète, ce qui est assez amusant au final. Vous aurez des problèmes de couple comme tout un chacun, vous devrez remonter le moral de l’autre quand les choses vont mal, parfois même dire l’inverse de ce que vous pensez réellement pour rassurer l’autre, etc.
C’est justement cet aspect précis qui était très délicat au final, car cela demande une écriture encore plus précise pour que l’on y croie vraiment, et que les choses n’aient pas l’air forcé. Au début, nous avons été totalement déstabilisés par ce « réalisme » de la situation, au cœur d’une aventure de SF, donnant un petit goût étrange au jeu. Au moment d’écrire ces lignes, nous avons encore du mal à savoir de quel côté de la frontière nous nous trouvons, si l’on a ressenti parfois une sorte de gêne parce que l’écriture était maladroite, ou si cela vient de la crédibilité évidente de la situation, nous ramenant directement à une certaine forme de vécu.
Dans une œuvre de fiction, cette frontière peut parfois être mince, et notamment dans la SF : on va souvent du côté idéalisé de la frontière, sans aller trop loin, mais juste assez pour qu’on puisse s’identifier, tout en continuant de rêver. Haven fait bien souvent tout le contraire, et ces situations terre à terre s’éloignent du rêve pour nous planter droit dans la réalité. Aussi, et cela sera vraiment une affaire de goût, de vécu, voire même d’âge, cette histoire d’amour nous a semblé très adolescente. Cela ne veut pas dire que le jeu est mauvais, attention, mais suivant les personnes, certains pourront trouver ça très (voire trop) naïf, et d’autres trouveront sûrement cela adorablement romantique.
Dans tous les cas, Haven ne laisse pas indifférent, et c’est certainement parce qu’il nous confronte à des éléments que nous avons si peu l’habitude de rencontrer dans le jeu vidéo en termes de relation entre les personnages, et que cela nous interpelle irrémédiablement. Dans un sens, cette histoire d’amour nous laisse un petit arrière-goût entre plaisir et amertume qui nous a fait penser à la fin du film Le Lauréat. Si vous êtes amateur de vieux films, vous verrez certainement où nous voulons en venir.
Une exploration en demi teinte, mais jouable en coopération locale
Pour le reste, le jeu reste assez conventionnel, mais nous noterons deux subtilités intéressantes. La première, c’est qu’il est jouable en coopération locale, ce qui risque de permettre à bon nombre de couples de vivre cette aventure et cette histoire beaucoup plus intensément, que ce soit durant les dialogues, durant les actions contextuelles de baisers, de câlins, etc.
Aussi, le jeu intègre des combats, mais la difficulté y est minime pour se concentrer sur le reste, et surtout, ici, on ne tue pas les êtres vivants, on les pacifie, ce qui permet donc de conserver une part d’action, mais psychologiquement, la violence a forcément beaucoup moins d’impact, ce qui permet de conserver cette douceur caractéristique du jeu.
Mais quand il n’est pas possible de rester à profiter l’un de l’autre dans Le Nid, nos personnages partent en exploration, et c’est là que vous découvrirez un gameplay de déplacement vraiment très agréable, en planant grâce à des flux d’énergie bleue, ce qui vous donnera une agréable sensation de légèreté. Malheureusement, aussi agréables que soient les déplacements, l’exploration est un élément qui aura été parfois un peu laborieux pour nous.
La planète sur laquelle nous nous trouvons a pour spécificité d’être éclatée en plusieurs îlots, et nous devons donc planer sur les flux d’énergie pour aller de l’un à l’autre. Le souci, c’est que l’on passe inévitablement par un temps de chargement entre chaque îlot. Au début, cela n’est bien entendu pas gênant puisque l’on va de l’îlot A vers le B, mais lorsqu’il faut aller de A vers F, cela brise un peu l’immersion. Alors vous croiserez, durant l’aventure, divers moyens de rendre ces trajets plus digestes, comme par exemple l’usage d’une monture, mais il reste néanmoins dommage que l’exploration soit aussi compartimentée.
Une fois lancé dans l’exploration, vous pourrez récolter de la nourriture pour faire la cuisine plus tard, récupérer des éléments pour confectionner des soins, mais surtout votre but premier, outre la réparation de votre vaisseau, sera de nettoyer les îlots sur lesquels se trouve de la rouille, un élément néfaste, qui contamine la faune locale, et c’est pour cela que vous serez amené à pacifier les êtres vivants. Durant les combats, ce que nous avons apprécié, c’est de faire usage de la complémentarité des personnages pour améliorer le rendement de nos attaques.
Les deux amoureux ont les mêmes actions à disposition, et pour en maximiser l’efficacité, vous devez agir exactement au même moment avec les deux personnages. Cela est très simple seul, car on a le contrôle des deux personnage en simultané, par contre en coop locale, cela demandera une bonne coordination pour réaliser les actions les plus puissantes. Cet élément n’a l’air de rien, mais pour autant, il a un petit quelque chose de très satisfaisant à l’usage. Cela est d’autant plus appréciable qu’il n’y a pas des milliers de combats, alors même si le gameplay en combat n’est pas ultra riche, nous n’avons jamais eu l’impression de nous en lasser pour autant, et cela était toujours un plaisir de combiner les différentes actions.
C’est étrange, car au moment d’écrire ces lignes, juger Haven n’est pas aussi simple qu’on aurait pu l’imaginer. Il est en difficulté sur bien des points pour lesquels beaucoup de jeux font mieux que lui, mais en contrepartie, il possède ce petit quelque chose d’original que les autres n’ont bien souvent pas.
Entre douceur et amertume, Haven nous a embarqués dans une aventure spatiale, cristallisée par un amour que chacun ressentira certainement différemment en fonction de son propre « background » et de ses propres sentiments. Parfois justes, parfois à côté, parfois très légèrement gênants, les dialogues ne manquent cependant pas d’un certain réalisme du quotidien auquel nous avons peu l’habitude d’être confrontés.
De la contemplation à l’action, Haven tentera tant bien que mal de vous embarquer avec lui, ce qui lui sera d’autant plus simple si vous le vivez en couple, et malgré une expérience globale titubante, nous tenions à féliciter le studio pour sa prise de risques, car ce qu’on attend aussi d’un jeu, c’est qu’il nous fasse ressentir des choses nouvelles, et c’est un peu ça qu’Haven nous a offert.