Pour peu que vous ayez bien les yeux en face des trous, si vous avez bien attentivement observé les trailers de (ou même joué à) Ghost of a Tale, vous avez dû vous en rendre compte : ce titre est une vision. Effectivement, il s’agit même de la vision originale d’un homme, Seith CG ou Lionel Gallat, un ancien animateur qui a fait ses armes en 2D puis en 3D chez Dreamworks et qui s’est dit un jour « je lâche tout et je me reconvertis dans ce que j’aime ». Un choix plein d’audace qui l’a mené à se lancer dans le jeu vidéo.
Eh oui, parce que l’ancien animateur, tout comme vous et nous, est féru de ce média ! Et on ne va pas se mentir, ça se voit tout de suite. Ça se voit même tellement que dès le premier coup d’œil, pour nous, c’était le coup de foudre ! Impossible de ne pas ressentir la patte de l’artiste, le charme de ces personnages et la beauté de ces décors et de leurs textures (même baignés dans l’obscurité et recouvert de fange). Et il semblerait qu’on soit loin d’être les seuls dans ce cas. Effectivement, le titre a marqué des points auprès de joueurs professionnels (en cumulant 75% sur Metacritic auprès de 25 testeurs) et « amateurs » (récoltant sur Steam plus de 90% d’avis « très favorables » chez plus de 2500 particuliers).
Aujourd’hui, bien des années après avoir commencé son voyage sur PC (en 2016 dans une version early-access), puis sur PlayStation 4 et Xbox One (depuis 2018), Tilo s’offre aux joueurs de Nintendo Switch. À eux à présent les joies de crapahuter aux côtés de la charmante souris dans une forteresse hostile tenue par des rats. Cependant, comme d’habitude avec un portage hybride, on n’est jamais trop sûr de savoir sur quoi on va tomber. Cette fresque magnifique va-t-elle se perdre sur la bécane portable ? Ghost of a Tale a-t-il perdu de sa superbe en chemin ? C’est à ces questions que nous allons vous livrer nos réponses.
(Test de Ghost of a Tale sur Nintendo Switch à partir d’une version commerciale du jeu)
Jouer au chat rat et à la souris
Dans ce périple, vous incarnez Tilo, une souris ménestrel, alors qu’il se réveille au fond d’une cellule. Vous êtes en prison, cependant, votre confinement (lol) ne devrait pas durer très longtemps puisqu’un inconnu, visiblement bien intentionné, a pris soin de laisser dans votre geôle la clé des champs… Enfin, la clé de la porte qui vous maintient prisonnier. Dès lors, il vous faudra parcourir les couloirs exigus de cette prison, la forteresse à laquelle elle appartient et les bois alentours à la recherche d’une issue tout en prenant soin de retrouver votre femme et sans vous faire attraper par ceux qui vous ont séquestré là dans un premier temps.
Et dès les premières secondes, le constat est clair : ce jeu est très soigné. Les décors sont sublimes et riches et chaque pièce est prétexte à des petits secrets et toutes formes d’énigmes. Naturellement, on se prend donc réellement au plaisir de penser comme une petite souris et à fouiller le moindre petit coin à la recherche de petits cadeaux pour sa belle, de costumes vous octroyant divers bonus ou même des chansons. Et cette forteresse ne manque pas d’occupations pour une petite souris, puisqu’elle regorge également de coins sombres et de raccourcis, autant de moyens d’échapper à la menace que représentent vos geôliers.
Oui, parce que vous êtes une souris, et face à des rats gigantesques, vous ne ferez pas le poids. Et puis, ce n’est pas avec votre physique gringalet de musicien que vous allez ouvrir le crâne de vos adversaires, donc inutile de se la jouer Snake et de se glisser derrière vos opposants pour les mettre hors-course, il va vous falloir être plus fin que ça. Si les costumes peuvent parfois vous offrir des bonus bienvenus comme la possibilité de faire moins de bruit et de mieux encaisser les coups une fois que vous êtes pris en chasse, vous n’avez que peu d’options défensives si ce n’est poser des pièges (des flaques d’huile pour que vos assaillants tombent) ou leur lancer des bouteilles dans le coin du visage pour les assommer pendant quelques secondes. Maintenant, au boulot !
Une forme de ratine… de routine, pardon !
Nous disions précédemment que parcourir les donjons était agréable ? Ouais, en fait, pas vraiment… Effectivement, Ghost of a Tale souffre sur bien des points qui peuvent rendre votre aventure frustrante. Tout d’abord, le jeu de nuit (oui, parce que fuir une forteresse, ça ne se fait pas en un jour) est particulièrement horrible. S’il semble logique que la nuit, on voit moins bien, ce n’est pas le cas de vos assaillants qui possèdent une vision littéralement impressionnante, proche de l’omniscience. Vous serez rapidement capté si vous ne cessez pas purement et simplement de bouger, et ce, que vous sprintiez ou marchiez à pas de loup.
En revanche, vu qu’ils ne sont pas bien fins (probablement à cause du codage, hein), il vous suffit de sortir de leur champ de vision et de rentrer dans un tonneau ou passer sous une table pour les paumer… Notez que ces cachettes sont également des points de sauvegarde.
On aura donc tôt fait de courir comme un dé-rat-é devant eux et se faufiler dans la première cachette qui se présente, ce n’est pas comme si vous preniez beaucoup de risques. Enfin, ça encore, ça dépend… Parce que trouver son chemin dans la forteresse est proche du cauchemar. En effet, son design est ultra confus et même si vous possédez une carte (enfin, une fois que vous l’avez achetée), l’impossibilité de la garder à l’écran et de la marquer ne la rend pas franchement utile.
À vous les joies donc de parcourir les mêmes couloirs encore et encore à la recherche du passage que vous n’avez pas remarqué lors de vos 70 premiers passages ou de l’objet nécessaire pour franchir telle porte ou finir telle quête (et la nuit, c’est tout simplement pire… Plus encore si vous jouez en mode off-TV). Dieu merci, les maps en extérieur sont bien plus agréables à franchir.
Enfin, on notera que le jeu n’est pas particulièrement punitif (si vous sauvegardez assez souvent) puisqu’il vous permet de reprendre simplement depuis la dernière sauvegarde et qu’il y a des cachettes tous les trois pas ou presque.
Enfin, un dernier point concernant les habitudes de notre souris. Étant donné qu’elle est plutôt douée pour se faufiler et trouver des trucs, de nombreuses quêtes lui seront proposées pour obtenir les services des différents résidents de la prison qui ne veulent pas sa mort : des quêtes FedEx… Oui, vous pouvez soupirer. Notre brave et intrépide rongeur n’aura d’autres choix que de faire les courses pour les différents pensionnaires pour obtenir morceaux d’armure et services de toutes sortes (achat de soins et gain de points d’expérience). On se passera de vous préciser combien courir les mêmes allées à droite et à gauche pour ramasser ici et là pour d’autres tout en évitant les rats est intéressant, non ?
Enfin, on dit en évitant les rats, mais un costume que vous pouvez débloquer assez rapidement dans le jeu vous fait passer inaperçu auprès d’eux, transformant alors le titre en simulation de livreur (oui oui, comme Death Stranding, sauf qu’il dure moins longtemps et qu’il ne vous force pas à écouter des cris de bébés).
Et pourtant, certains aspects sont ext-rats
Néanmoins, si on reconnaît tirer jusqu’ici assez allègrement sur l’ambulance, cette version Switch de Ghost of a Tale est loin de n’être faite que de défauts, loin de là. Alors attention cependant, si pour nous, ces quelques points nous ont donné envie de nous accrocher, nous tenons à préciser que ce ne sera pas le cas pour tout le monde… Parce que oui, ces points sont loin de rattraper les nombreux bugs, glitchs et tout autres soucis avec lesquels le titre vous force à travailler. Ceci dit, ils peuvent réellement trouver leur charme auprès de ceux qui ne se lassent pas avec tout ceci.
Tout d’abord, un premier point qui se juxtapose avec un autre que nous avons évoqué vers le début de notre test, la direction artistique, puisqu’il l’habille. Effectivement, nous parlons de l’ambiance sonore qui est ici un véritable délice.
Si on passera sur les sons d’ambiance ou même les sons en général, les compositions qui accompagnent votre voyage sont tout simplement superbes. Ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit, hein ? Elles restent simples et sont loin d’être des compositions symphoniques, mais les quelques thèmes que la toute petite équipe qui a monté le jeu a choisis collent parfaitement à l’ambiance et lui permettent de nous prendre véritablement dans les moments d’action et ceux de détente. Bien joué !
Enfin, selon nous, le point fort de Ghost of a Tale est son écriture. Une fois encore, on n’est pas près de coller au scénario le sigle « scénario original » (comme le fait Canal+ chaque fois qu’il fait quelque chose d’ailleurs) vu que les prémices de ce périple sont classiques au possible, mais les personnages que vous allez rencontrer dans la forteresse sont à l’image de ce que leurs animations laissent entendre : ils sont vivants. Ils jouissent tous de leur propre personnalité, personnalité qu’ils insufflent dans chacune de leurs phrases et qui permettent même de réfléchir à la condition des différents peuples de ce jeu (rats, souris et autres…).
Ceci prouve qu’en lisant entre les lignes, on trouve parfois derrière les faits les plus anodins, la richesse que l’on cherchait. Naturellement, ça nous pousse à aller vers les PNJs qui finiront cependant tôt ou tard par nous demander d’aller chercher quelque chose pour eux…
Éliminons les questions posées dès maintenant, Ghost of a Tale sur Nintendo Switch tient-il le coup ? Disons qu’il est jouable, mais, soyons honnêtes, nous ne sommes pas sûrs de vouloir vous le recommander.
Effectivement, si les graphismes se tiennent et que les animations et la vie des décors et des personnages réussissent à séduire, les bugs, beaucoup trop nombreux, et les différents problèmes, qu’ils soient d’ordre technique ou de design, ne vous feront pas passer un agréable moment.
Ajoutons à cela les mécaniques qui s’annulent, l’inconfort quand on joue de nuit ou sur l’écran de la console en nomade, et il devient quasiment impossible de vous le recommander dans l’état (bien tristement d’ailleurs). Si seulement quelqu’un pouvait rendre honneur au travail de titan de Seith CG avec une poignée de bras en plus pour permettre à Tilo (et à nous) de vivre l’aventure qu’il mérite…