Final Fantasy 6 Pixel Remaster est la dernière relecture du J-RPG culte sorti initialement en 1994 sous la bannière de Square. Sur cette trentaine d’années, celui-ci a connu bon nombre de versions différentes, de la SNES au mobile, en passant par la PlayStation et la GameBoy Advance, chacune d’elles ayant su proposer son lot de nouveautés, corrections, et choix esthétiques.
Il s’agit également de l’ultime opus des « Pixel Remaster », avec lequel s’achèvera cette collection que Square Enix a initiée l’année dernière. Après autant de versions différentes, et quand on voit la tendance de l’éditeur à multiplier les rééditions, on peut légitimement se demander si cette proposition n’est pas purement mercantile, sous couvert de mettre à disposition le jeu dans des standards actuels, qu’il s’agisse de l’aspect graphique (en termes de résolution) ou juste de plateforme sur laquelle vous pourrez jouer au jeu. Cette sixième version du jeu, ironie du sort, est-elle donc bien pertinente ?
(Test du jeu Final Fantasy 6 Pixel Remaster réalisée sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur, et jouée avec une manette de PlayStation 5)
Une modernité inaltérable
Un fait tout d’abord : la moitié de notre rédaction n’était pas née à la sortie de cet opus. Sans s’intéresser aux différences entre chacune des versions proposées, dont les premières étaient difficiles à obtenir en France, il est appréciable de remettre à disposition des joueurs des œuvres que l’on pourrait considérer comme classiques pour le média. Le fait est que Final Fantasy 6 jouit d’une certaine réputation, mais est loin d’être l’opus qui a été le plus vendu et, a fortiori, joué.
Et pourtant, s’il a su marquer une génération de joueurs malgré sa rareté, ce n’est pas par hasard. Final Fantasy 6, dès sa conception, se veut être un épisode marquant, clef de voûte du changement de stratégie à venir de Square qui souhaitait à l’époque conquérir les terres occidentales.
Sous la direction de Yoshinori Kitase, auquel Hironobu Sakaguchi cède la réalisation à partir de cet opus, les équipes se partagent leurs idées, mais se répartissent également l’écriture des personnages, et ce foisonnement de propositions se ressent. Désormais maîtres d’un support technologique qu’ils connaissent parfaitement bien, les créateurs vont chercher à innover et enrichir le genre du J-RPG.
Ainsi, Final Fantasy 6 est le premier opus de la saga qui n’intègre pas les cristaux dans son histoire. Il se détache également de la conception classique de l’équipe de héros immuable tout au long de l’aventure, en vous permettant de choisir qui vous souhaitez garder au milieu des douze personnages disponibles. Et si vous ne croisez pas ces personnages, soit ! Vous aurez tout de même la possibilité de faire l’aventure dans sa totalité, avec en prime des scènes qui seront différentes.
Dépeignant un univers sombre dans lequel la mort est omniprésente, au sein duquel la magie a été oubliée au profit de la science, le jeu aborde des thématiques sérieuses, voire graves, comme le deuil, le suicide, ou encore la quête de soi. Les différents protagonistes ne se limitent pas aux clichés habituels, mais viennent avec leurs passifs, souvent lourds, appuyés par des idées de gameplay originales, qui fonctionnent toujours, même sans lunettes d’indulgence des 90s.
Le titre va véritablement casser les codes pour l’époque, dans ses thèmes comme dans son gameplay, et se jouer de nous à plusieurs moments.
Un chef-d’œuvre magnifié de mise en scène et de game design
Final Fantasy 6 brille avant tout dans sa narration, particulièrement intelligente. Le jeu se permet par exemple d’inclure des scènes de dialogue en plein combat, interrompant celui-ci pour donner un ressort tantôt comique, tantôt dramatique. Au début du jeu notamment, la stupéfaction de Locke à la vision de Terra utilisant de la magie contre un ennemi (la magie est censée avoir disparu depuis mille ans), vient briser nos habitudes de joueurs et nous surprendre dans notre routine.
De façon plus générale, le jeu nous permettra de passer de l’histoire d’un protagoniste à celle d’un autre, ce qui appuiera l’impression qu’aucun personnage du groupe n’a plus d’importance qu’un autre dans le récit. Mais c’est aussi sa division en deux parties distinctes, dans lesquelles la façon d’aborder le monde (et votre quête) est complètement différente, qui marque par sa cohérence.
À l’inverse, le jeu peut désormais paraître classique dans son système de combat (bien qu’efficace et agréable), avec l’habituelle jauge ATB et les compétences que l’on apprend en associant une chimère à un personnage, prémices des futures matérias de Final Fantasy 7, mais sa mise en scène n’en reste pas moins une merveille.
Le gestion de la caméra et les plans proposés sont clairement inspirés de la fibre cinématographique de Yoshinori Kitase, et ce fourmillement d’idées visuelles, novatrices pour l’époque, reste incroyablement rafraîchissant, même trente ans plus tard.
Cette version Pixel Remaster est d’autant plus agréable qu’elle peut être appréciée en haute résolution, sur des tailles d’écran variées (testée ici en QHD), et même avec les couleurs ou les fonds d’écran de combat de la version d’époque grâce aux mods de la communauté. Dans l’ensemble, cette version reste plus proche d’un point de vue graphique de la version originale, avec des décors et textures retouchées, et c’est d’autant plus appréciable quand on la compare à la version mobile de 2014.
Pour l’occasion, l’intégralité de la bande-son a aussi été remasterisée dans sa totalité, sous l’égide de Nobuo Uematsu, et propose un rendu tout simplement parfait. La réinterprétation des thèmes est à couper le souffle, et justifierait à elle seule de préférer cette version. Les mélodies sont variées, sur des registres différents, et le thème de Terra vous accompagnera longtemps après la fin de votre partie.
Il nous est également impossible de ne pas évoquer la scène de l’opéra, marquante déjà à l’époque, mais qui a été complètement refaite dans Final Fantasy 6 Pixel Remaster. C’est un moment unique, qui vous rappellera le talent que Square Enix peut avoir pour véhiculer des émotions.
Vous aurez enfin accès à certains bonus, dans les extras de l’écran-titre (dont certains étaient déjà présents dans les précédentes versions) : l’ensemble de la bande-son, une galerie des concept arts, ainsi que le bestiaire du jeu.
L’ensemble du travail effectué sur cette dernière version de Final Fantasy 6 (notamment au niveau de la traduction) justifie sans le moindre doute que vous vous attardiez dessus, que vous ayez déjà joué ou non au jeu. Il est en tout cas indéniable qu’il s’agit là de la version la plus agréable à jouer, mettant de plus à disposition certaines facilités non négligeables (sauvegarde rapide, combat automatique, prise en charge des manettes, etc.) qui permettront au joueur de profiter au mieux du récit qui lui est conté.
Final Fantasy 6 Pixel Remaster est sans conteste la meilleure façon de (re)découvrir ce jeu culte à bien des égards. Loin du remaster fainéant, un vrai travail a été fait sur la qualité du contenu proposé dans le jeu, se démarquant des opus précédents notamment par la musique et la réinterprétation de certaines scènes cultes. Bien que nous aurions apprécié avoir une option de bascule entre la version originale et celle remasterisée, ou encore un accès aux vidéos de la Playstation dans les bonus du jeu, il est difficile de bouder notre plaisir en l’état.
De notre côté, nous espérons que le même soin sera apporté au Chrono Cross à venir, et pourquoi pas sur un hypothétique Valkyrie Profile Pixel Remaster…