Des visuels aussi attirants qu’intrigants, des premières images immédiatement fascinantes, et une présence sur le Game Pass nous ont donné envie de nous essayer au plus vite à Exo One, one man game impressionnant signé de l’australien Jay Weston. Quasiment seul au développement du jeu, l’homme a réalisé un travail colossal graphiquement. Mais y a-t-il une vraie proposition derrière la carte postale intergalactique ?
(Test d’Exo One sur Xbox Series X réalisée à partir d’une version commerciale du jeu)
Et je suis comme une boule de flipper…
Sans trop de chichi ni de blabla, Exo One nous met très rapidement aux commandes de ce vaisseau alien si particulier qu’on contrôlera tout au long de la partie. Il s’agit d’une sphère, qui peut parfois ressembler à une comète, qu’on fait rouler à grande vitesse sur les plaines désertiques d’une planète inconnue.
Les contrôles sont extrêmement simples, puisque qu’ils se limitent à l’usage des deux gâchettes. À droite, on augmente sensiblement la gravité, permettant à notre vaisseau de prendre de la vitesse en chute libre, ou dans les pentes des dunes et cratères de la planète qu’on visite. À gauche, au contraire, on réduit drastiquement la gravité, permettant à notre drôle de véhicule de planer.
Le vol plané implique d’utiliser une sorte d’énergie. Une fois celle-ci épuisée, on retourne rouler au sol. On finira par comprendre quelle est la source de cette énergie, ce qui nous permettra de réaliser des envolées qu’on pourrait qualifier de lyriques. Car avec ces deux commandes presque simplistes, le jeu réussit à nous fournir des sensations de pilotage grisantes. Il est possible d’atteindre des vitesses et des altitudes complètement folles ! Nous voilà donc partis aux commandes de notre sphère, ensorcelés par les sensations procurées par son pilotage, oubliant presque qu’on n’a aucune idée de pourquoi on est là.
Space Oddity
2001 Odyssée de l’Espace (S. Kubrick, 1968) ou Solaris (A. Tarkovsky, 1972) ont en commun, outre d’être des œuvres majeures du cinéma de science-fiction, d’être des films très silencieux. C’est sans nul doute avec ces titres en tête que la mise en scène d’Exo One a été pensée.
Lui aussi est quasiment muet. Quelques lignes de dialogue, qui ne feront sens que très tard, ajoutées les unes aux autres, viennent nous donner des pistes quant à l’aventure que nous sommes en train de vivre. Des flash-backs un peu perturbants surviennent presque comme des images subliminales, et installent autant de malaise que de fascination. Si le voyage est magnifique, il ne sera pas joyeux, semble nous prévenir le jeu.
On comprend toutefois qu’une technologie alien a été découverte, permettant la conception de ce vaisseau qu’on contrôle. On apprend aussi qu’on se trouve dans l’environnement de Jupiter, et quelques messages qui nous parviennent nous font comprendre que tout ne s’est pas bien passé.
On voguera alors de lunes en satellites, dans des environnements sans cesse renouvelés, hypnotisé et émerveillé par les paysages qu’on nous donne à voir. Nos objectifs, jamais clairement établis, nous sont indiqués de façon très organique, par un (ou plusieurs, selon les niveaux) rayon de lumière qui sert de phare à l’horizon. « An epic drama of adventure and exploration » disait l’affiche de 2001 Odyssée de l’Espace. Une description qui colle parfaitement à Exo One.
Madness
On contrôle des boules depuis un moment dans le jeu vidéo. Entre celle, carrée, qu’on se renvoyait dans Pong dès 1972 et la petite balle jaune dévoreuse de fantômes qu’on incarnait dans l’un des premiers hits majeurs du jeu vidéo, Pac-Man (1980), c’est même une sorte d’essence du média.
Si Exo One rappellera les jeux de courses futuristes à la WipeOut, on pensera aussi à un classique du jeu d’arcade : Marble Madness, signé Atari, et sorti en 1984. Le jeu, programmé par Marc Cerny – concepteur de la PlayStation 5 et donc désormais superstar du jeu vidéo – propose de contrôler une bille (marble, en anglais) dans des labyrinthes en 3D isométriques. C’est probablement le premier jeu qui simulera des lois physiques, les pentes ayant une réelle influence sur la course de la bille.
Difficile de ne pas voir en Exo One une version « nouvelle génération » de Marble Madness. D’autant que, passée la sidération qu’imposent la beauté de ses décors et la maestria du sound design, on voit pointer derrière chaque planète un niveau de jeu d’arcade, avec un gameplay à chaque fois un peu différent, dans les possibilités de contrôle de la boule, ou dans les objectifs qui nous sont donnés.
Parmi les autres références qu’on trouvera semées dans Exo One, on se doit aussi de citer celui qui est probablement l’écrivain le plus convoqué par le jeu vidéo : Howard Phillips Lovecraft. Les constructions monumentales qu’on croisera sur certaines planètes nous rappelleront en effet les cités cyclopéennes du Mythe de Cthulhu, et attesteront de la présence de quelqu’un, ou de quelque chose, qui existe à une autre échelle que celle de l’être humain… De Marble Madness à simplement madness, de quoi troubler encore un peu plus le joueur.
Exo One est autant un OVNI (et c’est le cas de le dire !) qu’un pur moment de jeu vidéo. Avec très peu d’indications, le jeu arrive à nous faire comprendre ce qu’on est censé faire, et à nous raconter son épopée tragique. Grisé par la vitesse, hypnotisé par ses décors (réalisés entre autres grâce à des technologies de la NASA), on est aussi troublé par la présence d’étranges bâtiments, et le sentiment que cette épopée vogue vers un destin funeste.
On est un peu le Major Tom de Space Oddity, « sitting in a tin can / Far above the world », ou le témoin de son dernier voyage. Car à travers la grille qui barre notre écran, on comprend qu’on n’est pas tout à fait dans la sphère. Mais alors où ? Qui ? Troublant, fascinant.