Depuis 2016, la licence Dragon Quest Monsters avait disparu des radars, laissant place à bien d’autres productions dérivées de la saga principale. En effet, entre-temps, il semblerait que le phénomène ait cédé à toutes les formules. Du jeu de construction à l’aventure mobile en passant par la chasse au trésor, la franchise n’avait d’autre choix que de se réinventer avant de faire revenir les absents. Et nous y voilà, sept ans après le dernier opus, Dragon Quest Monsters : Le prince des Ombres débarque, portant sur ses épaules le poids d’une saga oubliée par bien des joueurs.
Il a fallu attendre 2023 pour que Dragon Quest Monsters revienne « pour de vrai ». L’an dernier, c’est Dragon Quest Treasures qui avait réussi le pari qu’il s’était lancé : faire revenir la formule Monsters en la parant de pierres et de diamants. Le titre promettait une véritable chasse aux trésors à travers le vaste monde de Dragonia, faisant porter aux joueurs deux casquettes bien distinctes : le meneur de monstres et le chasseur de trésors.
La formule fonctionnait, mais il semblait évident que cet opus n’était là que pour faire revenir Dragon Quest Monsters en demi-teinte, et qu’un vrai retour n’allait pas tarder. Le retour est là, et il faut dire qu’on aurait apprécié qu’il tarde davantage.
(Test de Dragon Quest Monsters : Le prince des Ombres sur Switch réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Un prince parmi les monstres
À l’inverse des opus précédents, Dragon Quest Monsters : Le prince des Ombres explore le camp de l’adversaire, en se rangeant dans les rangs de Psaro, célèbre figure antagonique de Dragon Quest IV. Nous verrons rapidement que cet opus s’avère réellement intéressant en ce qu’il permet d’incarner un « gentil méchant ». Nous ne sommes plus l’antagoniste et devons lutter contre les forces de Randolpho le Tyran, notre propre père.
Ainsi, il n’est pas difficile de percevoir Psaro comme le gentil, alors même qu’il portait le poids du Mal au cours du quatrième opus de la franchise. Il existe ailleurs une force supérieure à la nôtre, et le jeu la met en avant à plusieurs reprises, mentionnant sans cesse l’objectif principal du titre : venger Psaro et sa mère en tuant le grand Randolpho.
Nadiria ou les portes de l’Enfer
Le nouveau titre de Square Enix prend place dans le terrible monde de Nadiria, véritable berceau de créatures en tous genres. Il faut dire que nul n’est le bienvenu sur les terres du géniteur, et vous ne verrez aucun humain pénétrant à Nadiria. Et la raison semble évidente : nous sommes dans les Enfers. Inspiré du mot « nadir », signifiant le point le plus bas de toute chose heureuse, le monde de Nadiria sépare ses biomes en échelons, comme une véritable ascension vers la surface depuis le centre de la Terre.
En effet, l’univers de Dragon Quest Monsters : Le prince des Ombres se divise en « cercles » dont on explore les échelons inférieurs, les entre-deux et les échelons supérieurs, comme si l’on remontait petit à petit vers un paradis réparateur. Et comme évoqué plus tôt, il n’y a que les monstres pour nous entourer au cours de notre voyage. Ainsi, même si certains décors peuvent se vêtir d’apparences paradisiaques, nous verrons rapidement qu’ils ne sont que l’illusion d’un monde plongé depuis bien longtemps dans le chaos.
Mais au-delà de ses redoutables allures, il faut dire que l’univers du titre est intéressant, en particulier lorsqu’il s’agit de recruter les monstres peuplant le monde. Car oui, il ne faut pas oublier qu’avant d’être le prince des Ombres, vous êtes un meneur de monstres qui se doit de composer la meilleure équipe possible.
Avec un bestiaire fourni de 500 monstres différents, Dragon Quest Monsters : Le prince des Ombres permet aux joueurs de s’adonner pleinement à la chasse. Vous trouverez diverses créatures au sein de chacun des cercles de Nadiria, et même au cœur d’un seul et même cercle les monstres disponibles peuvent changer. Car oui, Square Enix a pensé à tout en instaurant le « cycle des saisons », une mécanique qui vient modifier l’environnement autour du joueur pour lui permettre d’accéder à des lieux inédits et de capturer des nouveaux monstres à chaque saison.
Prairies verdoyantes, monde comestible, désert aride ou glaciers difformes, le jeu sert vraiment le joueur en variété. Mais l’on ne peut pas dire que le rendu final fasse plaisir aux yeux. Oui, Dragon Quest Monsters : Le prince des Ombres est moche, se dote de textures honteuses et ne cesse de souffrir de bugs en tous genres.
Du clipping au framerate en passant par les arrêts sur images, nous avons l’impression que le jeu n’est pas fini, et n’avons pas peur d’exagérer en pensant qu’un jeu mobile saurait mieux faire. Lorsque l’on voit ce qu’offrait Dragon Quest XI sur la même console, il est assez désolant de voir qu’on nous sert une qualité moindre sept ans après, à une époque où l’on assiste à la sortie d’un The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom ou d’un Mario Wonder.
Je suis le roi du monde
Ce nouveau Dragon Quest Monsters reprend les codes des anciens volets : il faut monter en rang pour progresser. Vous n’arriverez à rien en ne gagnant pas d’expérience et en ne prenant part à aucun tournoi en arène. En prenant notre exemple, nous avons été en difficulté à un certain stade de l’aventure, nous retrouvant avec un niveau en dessous de celui des adversaires, laissant place à d’indiscutables défaites.
Les combats au tour par tour demandent une certaine stratégie, et il ne s’agit pas seulement de foncer dans le tas pour venir à bout des assaillants, mais plutôt de savoir quel allié privilégiera l’offensive, quel allié optera pour les soins à l’équipe ou quel allié restera sur la défensive. Ainsi, il est primordial de choisir ses créatures avec parcimonie, d’autant que l’aventure avance très vite et que l’on oublie parfois que plus on avance, plus les monstres rencontrés deviennent puissants.
Le récit n’a d’ailleurs rien d’extraordinaire et le plus talentueux des enfants aurait certainement pu l’écrire. L’aventure n’est que répétition, et le schéma narratif reste le même pour chacun des cercles de Nadiria : aider un habitant en venant à bout du cador (ennemi principal d’un cercle), récupérer la sésamite pour avoir accès à un nouveau cercle et ainsi de suite.
Et oui, quelques fois, nous assisterons à un événement un peu différent, quelques fois un nouveau personnage peu impactant pointera le bout de son nez, mais l’ensemble ne casse pas trois pattes à un canard. Même les personnages qui accompagnent Psaro manquent d’écriture. Ils n’interfèrent pas au cours des combats et on ne sait ni ce que veut Rose ni d’où vient Fulbert Fumeux.
Dragon Quest Monsters : Le prince des Ombres ne parvient à nous séduire qu’en demi-teinte. Le retour de la licence nous emmène explorer la terre infernale de Nadiria, dans la peau du prince des Ombres Psaro, antagoniste principal du quatrième volet de la saga principale. Il est intéressant de mener une aventure depuis l’autre point de vue, et le méchant devient rapidement le gentil aux yeux du joueur, dans la mesure où il n’existe plus de figure antagonique que sur les épaules de Randolpho le Tyran, paternel du meneur de monstres.
Les environnements suscitent notre intérêt de par leur impressionnante diversité et grâce à la mécanique du « cycle des saisons », mais la richesse des décors se voile de performances techniques déplorables pour un jeu de 2023. Nous pouvions poser la main sur de meilleurs graphismes il y a sept ans de cela, lorsque l’on partait pour Elréa au cours de Dragon Quest XI.
Le titre propose un bestiaire élargi qui fait plaisir à voir et donne envie de recruter tous les monstres possibles. De toute manière, le jeu ne laisse pas le choix au joueur que d’être le plus fort de tous, puisque le titre met rapidement le héros en difficulté si son équipe n’atteint pas un niveau supérieur ou égal à celui de l’adversaire. La stratégie est de mise sur certains combats, et cet équilibre entre force et réflexion est vraiment plaisant à explorer.
Ce nouveau volet de Dragon Quest Monsters ne perd pas de vue l’essence de la licence avec le système des combats en arènes et la réputation du personnage principal qui augmente à chaque nouvel ennemi vaincu. Mais le récit ne convainc pas et devient rapidement lassant, la faute à d’insolentes facilités scénaristiques dont on aurait aimé se passer.
Nous quittons Nadiria avec la sensation que ce nouveau titre n’a vu le jour que pour pondre du Dragon Quest Monsters le plus vite possible, et pensons qu’il aurait été plus judicieux d’attendre encore un peu avant d’aller crier vengeance.