Battlefield 1 prouve que, parfois, revenir en arrière pour aller de l’avant n’est pas forcément une si mauvaise idée, là où d’autres s’obstinent à aller vers un futur de plus en plus « futuriste », n’est-ce pas Call of Duty ? Depuis 2010, Electronic Arts et les développeurs suédois de DICE semblaient déterminés à mener leur jeu de tir à grande échelle axé multijoueur dans une direction différente de ses concurrents.
Avec Battlefield: Bad Company et Battlefield: Bad Company 2, la série a embrassé le système des jeux les plus populaires basés sur la progression et le déverrouillage. Avec Battlefield 3 et Battlefield 4, la structure de la série ressemblait plus au style de son rival tout en cherchant l’identité qui les distingue. Avec le changement de génération de console DICE a lutté pour trouver un équilibre convenable dans Battlefield 4 entre le système de destruction introduit dans Battlefield: Bad Company et les grands espaces de jeu que les joueurs de la première heure ont connu. Nous savons tous les débuts difficiles de Battlefield 4 et l’image de la série en a pris un coup, bien qu’au final, la qualité était en rendez-vous.
Par la suite, DICE a pris un peu de temps avant de sortir un nouvel épisode canonique. Trois ans d’absence, mais la série est enfin de retour et pas n’importe comment. En effet, le pari est hautement osé en prenant une époque très peu utilisée pour les jeux de guerre. C’est donc La Première Guerre Mondiale qui a été choisie, à distance de la guerre moderne ou futuriste. Il semble que la série n’a pas seulement trouvé le moyen de réanimer quelque chose qui a disparu, elle a également trouvé des histoires qui méritent d’être racontées. Ainsi, Battlefield 1 prend part à la Guerre qui a mis fin à la Guerre. Risque inconscient ou du grand génie ? Sortez de vos tranchées, l’issue de ce test nous donnera la réponse.
Les histoires de guerre, ça se transmet
Pour la première fois depuis des années, vous pouvez commencer en toute sécurité un jeu de Battlefield en vous lançant directement dans la campagne. La campagne solo de Battlefield 1 prend un tournant que la série n’a pas réussi à trouver depuis quelques années. Le résultat est composé de cinq histoires différentes qui saisissent le contexte horrible que fut la Première Guerre Mondiale.
Tout d’abord, Battlefield 1 arrive avec succès à mailler avec délicatesse des histoires d’une guerre qui manque de dichotomie, contrairement à la Seconde Guerre Mondiale. Battlefield 1 évite brillamment l’aventure d’un soldat ultra-chanceux, embarrassé dans sa lutte pour sauver la patrie. Le comble, c’est qu’il évite le problème du protagoniste / scénario unique, qui n’a jamais été attrayant dans la série. Avec ses cinq histoires de guerre, Battlefield 1 contourne les difficultés narratives d’essayer d’étirer une histoire à travers six à huit heures de jeu solo.
Au lieu de cela, DICE a créé une anthologie sur la Première Guerre Mondiale, racontant des histoires en grande partie avec des hommes (et une femme) inconnus à travers les théâtres de la Grande Guerre. Ces histoires sont généralement bien écrites et variées. Alors que certains personnages tentent désespérément de survivre, certains sont à la recherche de la rédemption, et certains montent une résistance de guérilla à des siècles d’occupation. Il y a quelques exploits grandioses à un ou deux moments, faisant remonter des émotions saines, ce qui est agréable, car le plus souvent, les scènes sont assez sombres.
Ne vous attendez pas à trouver dans Battlefield 1 un documentaire sorti d’un livre d’Histoire. Cependant, il y a une reconnaissance cohérente de la terreur abjecte et du désespoir qui était le quotidien des personnes impliquées dans le conflit sur tous les fronts, en partie grâce à un prologue sinistrement efficace.
Il y a aussi la diabolisation moins explicite de «l’ennemi» qui motive encore plus les joueurs à décimer les rangs adverses. Décimer est un bien grand mot. Le gameplay de la campagne solo est très loin de celui du mode en ligne. Battlefield 1 veut clairement emmener le joueur sur la sensation de fragilité et d’oppression que peut connaitre un soldat. Ainsi, vous serez plus amené à pratiquer la discrétion et l’infiltration, mais vous aurez l’occasion de temps à autres de foncer dans le tas.
Le mode en ligne, tu pointes et tu tires
Bien entendu, si vous choisissez d’acquérir Battlefield 1, ce n’est pas uniquement pour la campagne. Le plus grand intérêt réside dans le multijoueur en ligne. Il est extrêmement difficile de donner un avis objectif sur le mode en ligne, car l’expérience diffère d’un joueur à un autre et d’une partie à une autre. Cependant, nous pouvons noter quelques points.
Afin de bien cerner comment fonctionne Battlefield, entrons dans le plus gros mode de la série, le mode Conquête. Vous êtes dans une carte immense où se trouvent plusieurs zones à conquérir. Les deux équipes (32 contre 32), vont devoir se battre pour affirmer leur domination. La capture de zone rapporte des points à l’équipe, ainsi que les ennemis tués. Le camp qui arrive à 1000 points gagne la partie. Dans ce mode, tout ce que peut proposer le jeu est présent. Vous pouvez piloter différents avions, monter à cheval, être à bord d’un bateau et on n’oublie pas l’infanterie avec ses quatre classes principales. Dès les premières minutes de jeu, vous sentez ce qu’est l’âme de la série, l’esprit d’équipe.
Battlefield 1 joue grandement là-dessus. Vous n’êtes pas seul. Le joueur fait partie d’une escouade, accueillant jusqu’à cinq joueurs. L’un d’entre eux est le chef. C’est à lui que revient la responsabilité de diriger son escouade en choisissant quel objectif attaquer ou défendre. Les joueurs respectant ces ordres gagnent plus de points d’expérience et montent plus facilement dans le tableau des scores. Etre un bon tireur ne fera pas forcément de vous le meilleur joueur. Cette identité se reflète aussi dans la possibilité de marquer un ennemi. L’adversaire repéré, il sera visible de tous par un petit symbole rouge au-dessus de sa tête et il sera aussi affiché sur le radar. Battlefield 1 pousse donc brillamment les joueurs à travailler en équipe.
Le mode en ligne ne propose pas uniquement le mode Conquête. Il y a le nouveau mode Opération. Il s’agit d’un savant mariage entre Conquête et Ruée. Les attaquants doivent obtenir des objectifs pour « déplacer » la bataille en avant, et quand ils réussissent, l’équipe qui défend doit se replier. Les objectifs suivent des règles de conquête, ce qui conduit à un va-et-vient beaucoup plus agressif entre les équipes.
Le mode Opération se présente comme une excellente alternative au mode Conquête. Les joueurs aimant les combats rapprochés pourront s’en donner à cœur joie dans le mode Domination, Match à mort en équipe Ruée ou le mode Pigeon de Guerre. Dans ce dernier, vous devez atteindre et prendre un pigeon (le volatile, je précise). Le joueur qui en a la possession doit attendre un laps de temps avant de pouvoir le lâcher. Ce temps met en scène l’écriture du message destiné à renseigner la position de l’ennemi à l’artillerie. Le Pigeon est lancé, l’ennemi a quelques secondes pour l’abattre. L’oiseau échappé, la carte sera frappée par de lourds bombardements et l’équipe adverse subira des pertes conséquentes. Il vous faut envoyer trois messages pour remporter la partie. Le mode en ligne de Battlefield 1 est, de par son époque et ses modes de jeux, varié et unique. Chacun trouvera chaussure à son pied.
Les quatre classes de l’apocalypse
Non, il ne s’agit pas de Conquête, Guerre, Famine et Mort et pourtant, leur association fait des ravages. L’infanterie est composée de quatre classes distinctes, Assaut, Médecin, Soutien et Éclaireur. Elles ont un rôle capital. L’Assaut est le bourrin de service, il fonce dans le tas et pourfend les lignes ennemies. Le Médecin est là pour soigner ses coéquipiers et les réanimer. Quant au Soutien, comme son nom l’indique il va ravitailler les collègues en munitions. L’Éclaireur grâce à son armement de longue distance, va repérer au loin les soldats ennemis et soutenir les trois autres classes.
Battlefield 1 apporte de légers changements concernant ses classes. Le soldat d’Assaut est le destructeur idéal de véhicules. Il porte dans son sac à malice, un arsenal anti-char, dynamite et autres friandises. Le Médecin obtient désormais des armes à moyenne portée. En plus de soigner ses partenaires, il sera chargé de réparer les véhicules endommagés, mais ne pourra pas faire de dégâts contre eux. Le gros changement pour ces classes est bien évidemment le matériel militaire utilisé. Nous sommes à la période de la Grande Guerre et la technologie utilisée est loin de l’armement contemporain.
Mais attention tout de même, la plupart de ces armes sont apparues peu de temps après la fin de la guerre, mais nous n’allons pas chipoter pour si peu. La majorité des armes sont à verrou et au coup par coup. Cela change radicalement le gameplay par rapport à Battlefield 4 ou même Battlefield Hardline, mais l’équilibrage est quasiment parfait et nous trouvons rapidement nos marques. Aucune arme ne domine les autres, c’est votre maîtrise qui fera la différence et le tout reste tout de même dynamique.
J’ai dit quatre classes ? Battlefield 1 introduit une classe d’élite. Cette classe s’obtient dans un coffre disponible lorsqu’un certain objectif est conquis. Vous troquez votre équipement contre celui d’un tireur d’élite. Vous pouvez donc vous équiper d’un kit lance-flammes, anti-char ou sentinelle. La classe d’élite fait de lourds dégâts et possède une plus grande résistance par rapport à l’infanterie. Nous retrouvons, en quelque sorte, le bonus Héros de Star Wars Battlefront. Il existe aussi un véhicule d’élite, si l’on peut dire.
En Conquête, lorsqu’une équipe est sur le point de perdre, un véhicule, aussi imposant que puissant déboule sur la carte. Selon la bataille, il s’agit d’un Zeppelin, d’un train blindé ou d’un Dreadnought. Ces véhicules ont plusieurs places dont celle du pilote. Il peut frapper n’importe où sur la carte et parfois retourner la situation. Bien entendu, le camp opposé peut s’attaquer à ces véhicules, en endommager des parties afin de tuer ses occupants et finir par le détruire entièrement. Petit détail, mais qui a son importance, le Mastodonte (le Zeppelin) s’effondre sur la cartes, pouvant modifier la géographie assez modestement. Un fond de l’évolution de Battlefield 4, abandonné dans cet opus.
Alors oui, pour un jeu qui se concentre sur la Première Guerre Mondiale et qui n’introduit pas de façon naturelle l’armée française est difficilement compréhensible, surtout pour les plus chauvins d’entre nous. Bien que certaines cartes soient sur le sol français (Balafre de Saint-Quentin, Amiens, Le Bal Funeste château ou encore la Forêt d’Argonne). Cela n’est qu’un détail, car au final peu importe la couleur du maillot du moment qu’on se tape dessus.
Autre petit désagrément à signaler, la campagne solo reste bien courte, même s’il y a une jouabilité avec les Dex à collecter. Les histoires ne vont pas au bout de leurs idées. Autrement, le jeu est un excellent produit. L’intérêt principal est le mode multijoueur en ligne et il est tout simplement remarquable. DICE a pris le gros risque de nous emmener en 1918 en plein conflit mondial. L’idée est ingénieuse.
Cela permet à Battlefield 1 de donner au genre une richesse et une variété uniques. La mécanique de gameplay est huilée aux petits oignons. Les cartes sont bourrées d’opportunités avec un système de progression plus poussé. Le tout dans des graphismes qui flattent la rétine et une bande-son simplement magnifique. Battlefield 1 est une vraie réussite. La guerre, c’est bien, uniquement en jeu vidéo (et sur Terre).