Tout nous faisait peur dans ce Babylon’s Fall. La poignée de vidéos communiquées et les différentes phases de bêta nous ont clairement laissés perplexes. En réalité, on ne comprenait pas la direction prise par le studio PlatinumGames et son éditeur Square Enix. Vendu comme un jeu-service à la direction artistique discutable, on le redoutait. On sentait l’échec. Et on ne mentionne même pas sa date de sortie, à quelques jours à peine du mastodonte Elden Ring. Tout prévoyait un destin tragique. Toutefois, une faible lueur subsistait, car la force du studio d’Osaka (NieR Automata, Bayonetta, Astral Chain) réside dans son gameplay nerveux et sa mise en scène toujours bien ficelée. L’espoir était donc permis.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, une question s’impose : c’est quoi exactement un jeu-service ? C’est simplement un jeu qui aura du suivi de contenu, des ajouts sous la forme de mises à jour (gratuites ou payantes) pour garantir une certaine continuité dans le temps. Il est temps de voir si Babylon’s Fall est le naufrage anticipé, ou si le titre arrive à convaincre un minimum de par les atouts du studio. Bon, vous l’aurez compris à lecture du titre principal, on se situe plus dans le premier scénario…
(Test du jeu Babylon’s Fall sur PlayStation 5 réalisée à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Ascension de la tour de Babylone
Comme son nom le laisse supposer, Babylon’s Fall reprend la mythique tour biblique comme toile de fond. Celle-ci est le dernier bastion d’une humanité en guerre contre les Gallus, sorte de protecteurs de la ziggurat et de ses nombreux trésors. Reclus dans une zone reculée, l’Empire tente d’accéder au savoir caché en envoyant des sentinelles, des guerriers sélectionnés par le Coffre de Gédéon. Il s’agit d’une étrange cérémonie pendant laquelle un dispositif dorsal est installé sur les participants. S’ensuit alors une douleur atroce qui peut amener à la mort les plus faibles. Les survivants deviendront des sentinelles, entièrement dévoués à l’Empire et à la reconquête de Babylone.
Mais avant d’accéder à la tour et ses dangers, il faudra d’abord passer le terrible test d’entrée. Et c’est Square Enix qui nous l’impose. Avant de pouvoir jouer, il faudra associer son compte, vérifier son code de validation, installer les mises à jour, tout ça dans une ergonomie loin d’être optimisée. À défaut d’épées ou de magie, il faudra s’armer de patience pour en venir à bout (surtout sur consoles). Il est à préciser que Babylon’s Fall se joue exclusivement connecté à internet, à comprendre ici que même s’il y a un mode solo, vous devrez obligatoirement être connecté pour y jouer. Un procédé discutable qui annonce déjà les premiers signes de son échec.
OK, le compte est paramétré. On va pouvoir commencer l’ascension de cette tour. Ah non, pas encore. Il faut créer son personnage à partir de trois classes différentes. Oui, c’est faible. Nous avons les Huysien qui se distinguent par leur agilité, les Agavien, destinés au combat lourd, et les Géléilionien, plus dans la distance. OK, c’est créé. On peut grimper maintenant ?
Un indice se cachait dans le titre
Babylon’s Fall est intégralement pensé comme un jeu multijoueur, à commencer par le hub central dans lequel on peut accéder aux quêtes et aux marchands, rien de plus. L’on rencontrera également quelques joueurs entre deux missions. Certes, ça apporte un peu d’animation, mais déjà, un sentiment de vide se fait sentir, un sentiment qui n’ira jamais loin tout au long de l’aventure. Le hub est assez grand, mais on ne peut pas y faire grand-chose en réalité : parler à des PNJ sans intérêt, accéder à un forgeron qui ne forge rien (sauf après la fin du scénario principal), une taverne aussi vide qu’un PMU pendant le confinement, tout n’est que poudre aux yeux. Bon, pas grave, peut-être que des éléments se débloqueront au fil de l’aventure. On va se lancer dans la première mission et noyer notre tristesse dans l’intensité des combats made in PlatinumGames…
Mission acceptée. On attend jusqu’à trois autres joueurs pour prendre part à l’aventure. Quelques minutes passent et toujours pas d’autres aventuriers. Va falloir se la jouer solo cette fois. Quand on y pense, c’est assez injuste de pointer du doigt le manque de popularité du jeu. Mais force est de constater que Babylon’s Fall manque cruellement de joueurs actifs, même quelques jours après sa sortie. Qu’à cela ne tienne, on n’a besoin de personne pour gravir les étages de cette fichue tour !
On vous épargnera les détails du scénario principal tellement ce dernier est anecdotique. Tout est prétexte à enchaîner des niveaux qui se ressemblent et qui répondent à une unique configuration : un couloir avec quelques objets à glaner, une arène avec des vagues d’ennemis et un mini-boss sur la fin. On notera quelques tentatives infructueuses de plateformes et les niveaux de boss. Rien de plus. Bon, pas trop grave si le gameplay s’avère réussi et nerveux comme sur les précédentes productions du studio. Quelle candeur.
Aucun doute à avoir
Nous y voilà, prêts à affronter des hordes d’ennemis. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse (des combats). Et la bouteille estampillée PlatinumGames nous annonce un bon cru. Babylon’s Fall est un action-RPG au combat dynamique. Quatre slots d’armes sont à configurer, deux armes réelles (principales) et deux armes dites fantômes (secondaires) qui assurent une sorte de soutien et de complétion dans les combos. Entre épées, boucliers, arcs, marteaux et bâtons magiques, il faudra trouver sa configuration pour infliger un maximum de dégâts à ses opposants (et en fonction de la classe sélectionnée). Les parades et les esquives ont une place centrale dans le gameplay. Bien accomplies, elles permettent d’avoir un bonus d’attaque considérable.
Malheureusement, c’est loin d’être suffisant. Les combats sont brouillon, on s’ennuie très vite, et on se contentera de spammer toujours les mêmes attaques sans trop se soucier des mécaniques. Surtout que la jauge de difficulté est pour le moins étrange. Le jeu est d’une facilité déconcertante. Avec dix potions de vie et cinq réanimations par mission, il est quasiment impossible d’échouer. Cet état de fait ne nous pousse nullement à étudier toutes les subtilités offertes (s’il y en a) du gameplay, de building d’équipement et des variations d’élément. Babylon’s Fall n’a donc aucune réussite à son actif ? Faut-il nécessairement se tourner vers le multijoueur pour apercevoir une lueur ?
Plus on est de fous, plus on roule sur le jeu
Après quelques niveaux en solo et l’apparition d’un goût amer entre les pouces, on se décide d’attendre plus longtemps des partenaires. Mais avant, direction le magasin pour voir ce qu’il propose. Dernier coup de marteau dans le cercueil Babylon’s Fall. Tout est fait pour vous faire acheter avec de l’argent réel. En fait, il y a deux sortes de monnaie : les conques que l’on récupère au fil des missions, et les garaz, que l’on obtient avec des euros via le store. On précise, pour les moins renseignés, qu’il s’agit d’un jeu plein tarif, pas d’un freemium qui pourrait justifier cette pratique. En toute objectivité, les conques ne servent à rien. Pour s’équiper convenablement et obtenir des éléments cosmétiques stylés, il faudra nécessairement passer par la caisse. On aura beau essayer d’aimer Babylon’s Fall, de se forcer à lui trouver des qualités, là, c’est clairement du bon gros foutage de gueule.
On a enfin trouvé des alliés, deux exactement. Nous sommes trois (sur quatre maximum) pour faire le niveau. On salue l’équipe éphémère à coup d’émotes, et on se met en route. On espère toucher du doigt tout l’intérêt du jeu. Là, on pourra lui mettre un petit bon point. Malheureusement, tout s’est passé trop vite. On n’a pas compris tout ce qui se passait à l’écran. On a roulé sur les ennemis avec une aisance déconcertante. En fait, la jauge de difficulté ne s’adapte pas au nombre de héros. Par conséquent, il suffit d’avoir un allié plus haut niveau pour tout défoncer. On peut même poser la manette, ça ne change rien.
Que nous reste-t-il, alors ? Tout n’est que déception ? Au fil des missions, du temps passé, on essaie tant bien que mal de lui trouver des points forts. Et mis à part un bestiaire intéressant, quelques musiques prenantes et des cinématiques stylées, on n’a rien trouvé. On enchaîne les missions (qui se ressemblent toutes au passage) à la recherche d’une mécanique manquée, d’une fonctionnalité qui pourrait faire la différence. Mais non. Babylon’s Fall est un mauvais jeu à l’instar d’un certain Godfall. Malgré toute notre sympathie pour PlatinumGames et la meilleure volonté du monde, c’est la seule conclusion à tirer.
Parfois, il suffit de lire le titre d’un jeu pour en avoir un aperçu. Babylon’s Fall est loin de convaincre. Pire encore, il désole. Disons-le clairement, le titre n’est pas bon, et son faible lancement n’est que la prémisse d’une longue agonie. C’est un mort-né. On sent bien le jeu commandé par l’éditeur sans réelle ambition et cahier des charges, juste par l’appel de l’argent facile. Encore, si le jeu était gratuit de base, cela sauverait a minima le navire en perdition… mais non, même pas.
On sent la volonté de Square Enix de faire vivre son projet avec des événements plus ou moins intéressants. On peut ainsi citer la collaboration (toujours en cours à la rédaction de ces lignes) avec NieR Automata. Oui, on essaie de s’accrocher comme on peut aux gloires passées, mais on connaît déjà la suite. Le peu de joueurs va rapidement déserter les serveurs et on oubliera rapidement Babylon’s Fall. Et c’est peut-être la meilleure chose qui puisse lui arriver, finalement.