Véritable légende vivante du jeu vidéo, Yu Suzuki crée des jeux mythiques depuis bientôt quarante ans ! Hang-On, Out Run, Space Harrier, mais aussi Virtua Fighter, Virtua Racer ou encore Shenmue, ses œuvres sont au-delà des hits, de véritables monuments de l’histoire du jeu vidéo. Autant dire qu’Air Twister, nouveau jeu du maître, est évidemment un événement.
Mais avec des premières images qui laissaient imaginer un Space Harrier avec un filtre moderne, on se demandait si le game designer n’allait pas commencer à radoter. C’était ignorer le talent du monsieur, qui s’empare du format mobile/tactile pour renouveler un genre dont il est lui-même l’inventeur…
(Critique d’Air Twister réalisée sur iPad Mini 5 via une copie commerciale du jeu)
Space Arrière
Le retour de Yu Suzuki, c’est aussi un peu le retour d’Apple Arcade, le service de jeu par abonnement de la firme à la pomme, qui n’avait pas ajouté grand-chose de notable à son catalogue depuis un moment. À son lancement, le service avait en effet créé l’événement en proposant en exclusivité Fantasian, le dernier jeu du créateur de Final Fantasy, ou la suite, 25 ans après, du jeu de Dave Gibbons, Beneath a Steel Sky. Mais depuis quelques mois, Apple Arcade nous livrait surtout des jeux mobiles vaguement garnis d’options (la nouvelle version d’Angry Birds, Sonic Dash…).
Et justement, dans Apple Arcade, il y a Arcade. Et l’arcade, c’est un peu les racines de Yu Suzuki, qui, après un Shenmue III qui aura passablement déçu, revient à ses premières amours. Air Twister a ainsi une filiation directe avec le classique Space Harrier, comme on s’en doutait à la vue des premières images. L’héroïne, vue de dos, arme sous le bras (une arbalète), fonce vers l’horizon en éliminant au passage les ennemis qui se présentent devant elle. Le dispositif est rigoureusement identique au jeu de 1985.
Mais ce n’est pas juste un Space Harrier qui bénéficierait d’une « vraie » 3D. Le jeu ne brillera pas par son scénario (des méchants attaquent notre jolie planète, et on ne va pas se laisser faire), ni par sa mise en scène, malgré une certaine réussite dans les décors, puisant dans le surréalisme SF et l’imagerie new-age. Les niveaux s’enchaînent sans véritable lien ni transition, et on passe d’un désert aride à un jardin luxuriant en un fondu au noir…
Prière de ne pas toucher
C’est dans le gameplay qu’Air Twister réussit à renouveler la formule. Le titre est conçu pour être joué via l’interface tactile. De base, toucher l’écran entraîne à la fois un tir et un déplacement du personnage vers le point touché. Mais en conservant le doigt sur l’écran, on peut déplacer le personnage tout en mitraillant de l’autre doigt. Et surtout, en balayant les lignes ennemies, on « locke » des séries de cibles, que le personnage éliminera automatiquement.
Le shoot’em up devient alors une sorte de ballet des index (ou des pouces), qui se croisent et s’esquivent sur la surface de l’écran, rapprochant presque l’expérience de celle d’un jeu de rythme.
Pour les joueurs Mac ou Apple TV, Air Twister se joue aussi à la manette, de façon plus classique, avec comme seule petite originalité le fait de devoir passer devant les ennemis en reproduisant leur pattern pour bloquer les cibles et les éliminer automatiquement. Évidemment, on perd beaucoup de l’intérêt du jeu.
Gallileo, Gallileo…
Un mot sur la musique, signée du musicien néerlandais Valensia. S’il n’est pas une superstar ici, il affiche quand même trente ans de carrière et une vingtaine d’albums studios, en solo ou en groupe. Avec le titre qui se lance au démarrage du jeu, la proximité avec Bohemian Rhapsody est frappante, et en effet, la musique de Valensia est souvent décrite par sa ressemblance avec Queen. Pour la B.O. d’Air Twister, il faut imaginer un mix entre la musique de Queen et celle de Keiichi Okabe, compositeur des musiques des jeux NieR.
Yu Suzuki est fan de Valensia depuis longtemps, et souhaitait que le musicien compose la B.O. de son jeu. La légende veut que ce soit via un simple message sur Facebook que la collaboration est née ! Une bande originale, fort à propos, est elle aussi actuelle mais teintée de nostalgie, à l’image du jeu.
Air Twister ne renversera pas la table, mais reste une proposition qui vaut le coup qu’on s’y arrête. Un classique de l’histoire du jeu vidéo remis au goût du jour, mais aussi un exemple de jeu mobile qui sort un peu des éternels gachas et autres match-3. Les contrôles tactiles sont vraiment mis à profit pour ce qu’ils sont, loin des joypads émulés fort peu ergonomiques.
Le jeu est de plus doté d’une véritable bande originale, le tout représentant une œuvre cohérente, en phase avec son auteur et le service qui l’héberge, et surtout, il est fun à jouer, le système de lock et de shoot automatique ayant quelque chose de particulièrement satisfaisant. Pas très long (une douzaine de niveaux), on y reviendra, comme tout bon jeu d’arcade, pour le scoring !