La Chine et ses studios sont aujourd’hui devenus des acteurs incontournables du jeu vidéo. Au-delà du marché qu’ils représentent, faisant saliver à grosses gouttes éditeurs et constructeurs à travers le globe, ce sont surtout de nouveaux jeux du pays du milieu que nous voyons poindre de plus en plus régulièrement ces dernières années, avec bien sûr Genshin Impact comme l’un de ses fers de lance. L’avenir aussi s’annonce palpitant avec par exemple le (supposé) souls-like Black Myth: Wukong qui déchaîne les passions à chacune de ses présentations, ou le metroidvania qui a attiré notre attention aujourd’hui : Afterimage.
Financé à hauteur de près de 85 000 euros sur Kickstarter alors que le studio n’en souhaitait que 13 500, on peut raisonnablement en conclure que le titre a réussi à fédérer une belle communauté de joueurs amateurs d’aventure en 2D. Déjà à l’œuvre sur la trilogie méconnue GuJian, un beat’em up 3D dont le troisième opus a reçu un très bel accueil sur Steam, les développeurs d’Aurogon Shangaï s’attaquent donc à un tout nouveau genre, et cette fois sur toutes les consoles du marché en plus du PC. Alors, ont-ils réussi leur pari en nous proposant une expérience consistante et intéressante, parvenant à allier forme et fond ?
(Test d’Afterimage sur PS5 réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Sois beau et tais-toi
Les décors, comme les personnages, d’Afterimage ont été dessinés à la main par des gens talentueux, et cela se voit. C’est même le premier attrait du titre. Tout est vraiment somptueux, sans réelle faute de goût. Durant l’aventure, nous avons été amenés à rencontrer de nombreux ennemis, PNJ, et surtout biomes différents, bien plus que ce à quoi nous nous attendions. Et non seulement nous avons droit à un contenu gargantuesque (comptez facilement plus de quarante heures de jeu pour en voir le bout la première fois), mais en plus, l’ensemble s’est avéré très varié.
Nous pourrions passer des heures à évoquer la direction artistique de chaque élément du titre tant l’ensemble est très soigné. Bien évidemment, nous n’échappons pas aux poncifs, avec les sacro-saints territoires de feu, de glace, déserts et autres plaines, mais chacun dispose d’une véritable identité visuelle, d’une colorimétrie singulière et de son propre bestiaire, savamment dessiné. Au fil des heures, nous avons été de plus en plus happés par Afterimage, victimes d’un feu d’artifice artistique, où chaque nouvelle zone sonne comme de nouvelles découvertes visuelles, de nouveaux trésors à débusquer, de nouveaux périls à surmonter.
Néanmoins, comme vous avez pu éventuellement le constater, la trame scénaristique n’est pas incluse quand on fait le compte de nos attirances pour le titre. En effet, et comme c’est malheureusement souvent le cas dans cette typologie de jeu, nous n’avons absolument pas été convaincus par l’histoire proposée. Nous incarnons Renée, accompagnée de sa « mascotte » protectrice Ifree, qui souhaite lever le voile de ses souvenirs perdus, le tout sur fond d’intrigue métaphysique. Rien de bien passionnant de prime abord, et ce ne sont pas hélas les dialogues, assez nombreux par instants, qui nous ont véritablement donné envie de nous impliquer.
En effet, la situation se complexifie assez vite, ne nous laissant jamais réellement le temps de comprendre et de nous acclimater à une situation que déjà d’autres intrigues s’entremêlent. D’autant que de nombreuses quêtes annexes, parfois scénarisées, viendront s’y ajouter, nouant d’autant plus des fils dont nous n’avons pas vraiment eu l’envie de nous dépêtrer. Il y a pourtant eu un réel effort de fait pour tenter d’ajouter de la consistance à l’univers du titre, avec même des fins alternatives, mais cette complexité scénaristique un peu trop brutale, pas suffisamment mise en scène pourrait-on même dire, a tué dans l’œuf toute notre implication dans le destin de ce monde.
Il entraîne au bout de la nuit
Heureusement, ce n’est en général pas pour son histoire que l’on joue à un Metroidvania, mais plutôt pour son gameplay et la construction de son univers. Et sur ce point, le titre a de beaux arguments à faire valoir. Pourtant, ce n’était vraiment pas gagné. Nos premières heures sur Afterimage ont été presque pénibles. Il nous a fallu nous armer de patience tant nos mouvements sont entravés en début de partie. Certes, sur le papier, ce genre de restriction est assez commune dans le genre, mais ici, il nous semble qu’elles sont trop prononcées, et surtout durent trop longtemps.
De fait, pendant un long moment, les combats se résument à frapper une ou deux fois, à reculer, puis à procéder à nouveau, jusqu’à ce que mort (ou ennui) s’ensuive. Bref, rien de bien palpitant, et si la plastique du titre n’était pas aussi fabuleuse, il est certain que la question de laisser le titre de côté aurait pu se poser. Néanmoins, en faisant l’effort de passer cette poussive première partie de jeu, au fur et à mesure du déblocage de premières capacités que nous estimons comme indispensables à l’appréciation d’un jeu d’aventure 2D, le titre commence peu à peu à dévoiler tout son potentiel.
Ainsi, enfin un peu plus libres de nos mouvements, nous avons pu admirer tout le travail accompli pour construire les excellents environnements de jeu. Nous ne sommes pas encore au niveau d’un Hollow Knight, dont le titre s’inspire énormément, mais Afterimage s’est tout de même avéré particulièrement encourageant, surtout pour une première expérience dans le genre de la part du studio. Chaque nouvelle zone est un petit bonbon à déguster, avec d’autres adversaires et coffres à débusquer. On utilise alors notre carte, très lisible, pour marquer les emplacements intéressants et autres passages inaccessibles. Bref, la mayonnaise prend bien.
Surtout que le système de combat, sans être révolutionnaire pour un sou, reste très efficace et surtout personnalisable selon nos préférences et/ou l’ennemi face à nous. Avec une demi-douzaine de type d’armes, allant de la grosse épée aux fouets en passant par l’estoc, des magies très variables selon le bâton équipé, et surtout les capacités d’un arbre de compétences massif (permettant aussi d’augmenter nos différentes statistiques au fur et à mesure de nos montées de niveau), chaque profil de joueur pourra trouver chaussure à son pied pour relever les défis (parfois assez difficiles) qu’Afterimage a à proposer.
Très encourageant donc, mais imparfait. En termes de contenus, les petits plats ont été mis dans les grands, mais c’est paradoxalement dans la forme que le titre pèche. Par exemple, que l’on ramasse un objet commun, un objet clé, une nouvelle capacité de combat (intéressante, mais pas nécessairement indispensable) ou un nouveau pouvoir, la mise en scène sera peu ou prou la même.
C’est d’ailleurs le même ressenti que nous avons éprouvé avec les combats de boss, pourtant excellents, mais dont le triomphe des adversaires, qu’ils soient secondaires ou principaux, ne revêtira pas une grande différence. Cette « désacralisation » des événements clés d’Afterimage font que l’expérience, bien que particulièrement plaisante, est d’une intensité assez linéaire, les actes clés du joueur étant mis au même niveau que la simple découverte d’un coffre au trésor.
Rien de rédhibitoire cependant puisque même si ces points nous ont fait tiquer tout au long de l’aventure, ils n’ont pas su nous freiner dans notre envie d’en voir toujours plus. Le ressenti, manette en main, est excellent, et plus nous progressions, plus nous en voulions encore, et c’est bien là le principal. Même maintenant, alors que nous avons bouclé l’intrigue principale, Afterimage a encore un petit goût de « reviens-y », alors nous y revenons afin d’y dénicher les derniers recoins de la carte qui se refusent encore à nous…
Sans être brillant (à l’exception de sa direction artistique, époustouflante) ou même original, Afterimage dispose de toutes les qualités indispensables à un excellent Metroidvania. La construction de chacun des très nombreux biomes est remarquable et on progresse dans chacun d’eux avec un plaisir sans cesse renouvelé. Même les affrontements sont une belle réussite du titre grâce à une grande variété de capacités et d’armes à disposition.
Alors certes, ces qualités ne se révèleront qu’aux joueurs ayant pris le temps de laisser sa chance au titre, les premières heures étant assez pénibles. On pourra aussi regretter que la mise en scène générale, notamment de l’histoire, oubliable selon nous, et la linéarité (voire monotonie) de l’intensité du jeu tirent notre appréciation globale du titre vers le bas.
Pourtant, nous n’avons pas boudé notre plaisir auprès d’un titre qui, malgré ces écueils et parfois maladroitement, a su dans l’ensemble allier fond et forme. Et nous voici donc avec un nouveau studio plein de gens talentueux à surveiller, car s’il leur prenait l’envie de proposer une suite à leur bébé, celle-ci pourrait être incontournable tant les bases posées par Afterimage sont saines.