Quand une console arrive, ce n’est jamais juste un lancement. Pas tout de suite. C’est d’abord un retour. Pas vers le futur, non, mais vers nous-mêmes. La Switch 2 approche, et déjà, dans les esprits, les souvenirs se bousculent. Un premier Zelda, une cartouche soufflée, un écran partagé, le silence d’une chambre rassuré par l’habillement sonore et l’apparition d’un logo. Une ancienne émotion qui nous happe.
Le lien entre un joueur et une machine dépasse le simple usage. Il est organique. Il tient du réflexe, du souvenir de soi. On allume une console comme on rouvre un carnet. Les sons, les menus, les gestes : tout rappelle une époque. Le passé devient une interface. L’industrie le sait. L’industrie en joue. Chaque nouvelle génération parle au présent, mais regarde en arrière. Les graphismes évoluent, les technologies aussi. Mais la narration reste la même.
Ce qui lie un joueur à un éditeur, ce n’est pas l’innovation. C’est l’itération. La promesse d’un passé retrouvé. À peine retouché ou juste assez pour avoir l’air neuf. Le confort de reconnaissance puis le désir de découverte.
Le joueur oscille. Il veut du neuf, mais ne lâche pas l’ancien. Il critique, mais il revient. Il s’énerve, mais il pardonne. Car chaque machine, chaque éditeur, chaque univers porte une part de lui. Le jeu vidéo, plus que tout autre média, intègre le joueur à sa propre interactivité. Il grandit ainsi avec lui. Il vieillit mais pas sans lui.
Ce n’est pas qu’un objet. C’est un cadre. De temps, de souvenirs, de sensations. Elle enferme une époque de vie. Enfance, adolescence, bonheur, colère, désillusions, nuits blanches, peine de cœur, peine à l’âme. Qu’on en soit conscient ou non, elle encapsule tout. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles on ne change pas de marque sans mal, car on n’abandonne pas qu’un produit, on laisse une version de soi. La guerre des consoles n’a en soi jamais existé puisque c’est de nous-même que nous nous défendons.
La qualité étant subjective, la fidélité ne tient qu’à la résonnance d’un jeu, à ce qu’il représente. On peut rejouer à un titre moyen, si on y retrouve une ambiance, un son, un moment de calme. Le plaisir est plus temporel que technique. On joue pour ressentir et non pour voir.
Les constructeurs exploitent cette faille. Ils la chérissent. Les remakes ne sont pas que paresse : ce sont des ponts. Des raccourcis vers le passé. Les remasters ne sont pas toujours justifiées, mais ils prolongent une ligne du temps. La mémoire est une stratégie. Elle fidélise mieux que n’importe qui.
Mais aujourd’hui, c’est vrai, ce lien a un prix. Littéralement. Car les machines coûtent de plus en plus cher. Les générations passent, et les étiquettes grimpent. La Switch 2 dépassera les 400 euros, flirtera même avec les 510 si les caisses à savon et leurs bulles de plaisir évoquent quoi que ce soit pour vous.
D’autres avant elle ont suivi ce chemin. Les joueurs s’en sont plaints. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, avant d’acheter. Beaucoup de bruit pour rien. Car malgré les critiques, malgré les promesses floues, malgré l’écart entre ce qu’on attend et ce qu’on obtient, beaucoup paieront. Non pas par résignation mais par attachement.
Parce qu’il ne s’agit pas d’un achat rationnel. C’est un retour vers soi. Un investissement émotionnel. Une façon de continuer une histoire commencée il y a longtemps. Ce n’est pas une console que l’on acquiert. C’est un élan, un souvenir, une fidélité.
Alors oui, on râle. Sur les prix, sur les manques, sur les promesses non tenues. Mais on est là, à la sortie. On regarde, on hésite, puis on craque, à un moment ou un autre. Parce que ce que promet une console ne tient pas dans ses specs. Cela tient dans ce qu’elle réveille et dans ce qu’elle révèle. Et quand l’attachement est là, le prix devient secondaire. Ce n’est plus une dépense. C’est un passage.
Dans un monde où tout change vite, ce lien demeure. C’est peut-être ce qui fait encore la force du jeu vidéo : sa capacité à créer des constances dans le mouvement. Des repères dans le flux.
Le joueur n’est pas fidèle à une entreprise, il reste simplement fidèle à lui-même. A un passé qu’il ne veut pas perdre. Et tant que les éditeurs sauront toucher cette corde, les machines, aussi chères soient-elles, continueront de se vendre. Pas parce qu’elles sont nouvelles. Mais parce qu’elles prolongeront ce qui nous tient. Nous ne sommes pourtant pas dupes, mais nous choisissons parfois de faire semblant. On s’abandonnera à la tentation. Mais juste parce que le plaisir est trop grand.
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