Les cloches du communisme ont retenti comme jamais dans l’industrie vidéoludique le 11 octobre dernier, avec l’émergence d’un troisième projet réunissant des personnes ayant travaillé sur Disco Elysium. Un nouvel espoir surgit pour les fans de ce CRPG culte avec Summer Eternal, un studio fraîchement fondé par plusieurs anciens membres de ZA/UM, qui se revendique également comme un collectif d’artistes. Et nous sommes clairement face à l’héritier le plus légitime du lot.
Quelle journée pour nos petits cœurs fragiles ! Les successeurs spirituels de Disco Elysium ont tous décidé de se réveiller le même jour, à moins d’une semaine de son cinquième anniversaire. Outre trois ex-employés de ZA/UM ayant rejoint l’équipe après la sortie de Disco Elysium, ce collectif ambitieux compte notamment à son bord Argo Tuulik et Olga Moskvina, écrivain et écrivaine sur la première version du jeu, ainsi que Lenval Brown, l’inoubliable voix de nos pensées intérieures de la version The Final Cut.
Mais pourquoi cette annonce serait-elle plus légitime que celles de Longdue et XXX Nightshift ? Mis à part la présence d‘Argo Tuulik (également ami de longue date de Robert Kurvitz, l’une des deux têtes pensantes derrière Disco Elysium), Summer Eternal a publié un manifeste (un mot choisi avec soin, faisant écho au célèbre « Manifeste Du Parti Communiste » de Karl Marx et Friedrich Engels) sur son site internet, tout de noir et de rouge vêtu.
Ce texte hautement politique et viscéral (« aliénation », « travailleurs », « cadres corrompus », etc.) annonce l’intention du studio de créer « un jeu de rôle d’une complexité et d’une ambition dignes de rivaliser avec notre misérable et merveilleux monde ». Inspiré par les idéaux qui ont propulsé Disco Elysium, le studio veut créer, tout en rejetant l’industrialisation de l’art et l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la création artistique.
Jusqu’ici, les plus sceptiques pourraient se demander si nous ne sommes pas face à un magnifique concerto de flûtes traversières. Mais Summer Eternal clame haut et fort son idéologie et son combat militant jusque dans son essence même : le 1er avril 2025, une holding sera créée en Croatie pour diviser les parts de l’entreprise, dont deux coopératives.
La première, où les employés à plein temps détiendront 50% des parts, s’assurant ainsi que la vision artistique du studio reste collective, tandis que la seconde sera consacrée aux freelances et aux employés à temps partiel, qui se partageront 25% de celles-ci (ces deux entités étant créées avec l’aide de l’Institut de la Démocratie Économique slovène).
Une LLC (comparable à une SARL) sera également formée pour que 20% des parts soient réservés aux investisseurs, avec des fonds contractuellement verrouillés pour le développement du jeu. Enfin, 5% iront à tous les joueurs possédant leurs jeux via une organisation à but non lucratif, qui pourront décider de l’utilisation des bénéfices (par exemple, soutenir des syndicats ou organiser des événements). En matière de disruptivité, nous sommes servis.
Alors que les deux autres studios créés par d’anciens employés de ZA/UM ont également attiré l’attention, c’est ici que l’anomalie qu’est Disco Elysium semble le mieux incarnée. Avec un manifeste d’un engagement rare et une belle transparence dans sa communication, Summer Eternal se positionne comme un studio à surveiller de très près, ne serait-ce que pour son modèle à contre-courant de l’industrie et sa prise de risque. Juste pour le plaisir, quittons-nous sur un extrait du début du manifeste (traduit par la rédaction) :
« En ce jour du 11 octobre 2024, nous annonçons SUMMER ETERNAL.
Nous sommes conscients que nous écrivons les premiers mots de notre histoire à une époque où les conditions matérielles sont apocalyptiques pour les créateurs de jeux du monde entier.
Notre art a été réduit au statut d’industrie, et celle-ci a été dépouillée par des dirigeants corrompus, par le mercantilisme des entreprises se mouvant comme des léviathans dans l’obscurité, consommant de la main d’œuvre à tour de bras dans leur insatiable soif d’enrichissement.
Ce ne sont pas les gratte-papiers et les prêteurs sur gage qui font les jeux. C’est la passion inlassable des travailleurs qui donne naissance à une forme d’art capable de dire quelque chose de vrai.
En tant que créateurs et développeurs, nous nous sommes trop longtemps éloignés de la vérité, privés du droit de nous définir en tant qu’artistes au service de la forme d’art la plus aboutie de notre avenir, celle qui nous fait rêver depuis notre enfance. »
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