Figure emblématique de la scène vidéoludique nippone, Suda Goichi (ou Suda51) a rarement sa langue dans sa poche. Et s’il est régulièrement surnommé « le punk du jeu vidéo japonais », ce n’est pas uniquement grâce à ses productions, toutes plus déjantées les unes que les autres, mais aussi par ses prises de positions souvent à contre-courant de son industrie. Ainsi, c’est cette fois sur Metacritic que le créateur s’est exprimé dans une interview accordée à GamesIndustry.
Accompagné de son ami de longue date Shinji Mikami (Resident Evil, Devil May Cry, Hi-Fi Rush…), Suda51 a exprimé son inquiétude quant à l’importance que revêt Metacritic dans le monde du jeu vidéo :
« Tout le monde accorde trop d’attention et se préoccupe trop des scores Metacritic. On en est arrivé au point où il existe presque une formule toute faite. Si vous voulez obtenir un score élevé, c’est ainsi que vous devez créer le jeu. »
S’il est effectivement vrai que l’industrie s’est massivement resserrée autour de quelques genres (action-aventure en open world et Souls-like, pour résumer grossièrement) et mécaniques itérées encore et encore dans des univers plus ou moins différents, il parait néanmoins exagéré d’affirmer que rester dans ses carcans est indispensable pour truster le haut du classement.
En effet, en observant les blockbusters les mieux notés de ces cinq dernières années, on y retrouve des Baldur’s Gate 3, Elden Ring, Persona 5 Royal, Zelda: Tears of the Kingdom, Astro Bot, Metroid Prime Remastered, Resident Evil 4, Final Fantasy VII Rebirth…, soit une variété de genre et d’approches ludiques assez grande.
Reste que là où l’on rejoint le fantasque producteur, c’est dans la relative absence de réelle prise de risque de ces titres (chacun d’entre eux étant une évolution d’une formule déjà existante), du moins si on les met en parallèle avec ses propres productions. Il en a d’ailleurs fait sa marque de fabrique, en sortant systématiquement des sentiers battus pour proposer une autre facette du jeu vidéo. Killer 7, Lollipop Chainsaw, Shadow of the Damned, No More Heroes… ces jeux ne ressemblent à aucun autre et sont, de par leurs natures, clivantes.
Impossible ainsi de faire rentrer dans des cases aussi étriquées que celles des notes des œuvres aussi atypiques. C’est d’ailleurs aussi là tout l’intérêt de l’art vidéoludique, dans toute sa variété. Mais quand on en arrive à un point où des équipes de développement sont intéressés financièrement selon la note obtenue sur l’agrégat, comment ne pas se dire qu’il y a un problème ?
Metacritic fait malheureusement partie du système, et en est aussi un de ses plus gros problèmes. Il est devenu si gros qu’il est aujourd’hui incontournable, que ce soit pour les joueurs, toujours aussi avides de notes, que les éditeurs qui n’hésite parfois même pas à détourner le système en modifiant leurs jeux afin de ne pas être sanctionné, ou à rendre la plus tardive possible l’autorisation de publication à la presse, histoire de limiter un éventuel impact négatif sur les ventes.
Ce que souligne toutefois Suda51, et qui amène à réfléchir, c’est qu’à présent, il semble de plus en plus que les studios développent leurs jeux afin de cocher des cases d’un cahier technique fictif, permettant d’obtenir une bonne note, de laquelle découle des ventes, plutôt que de proposer aux joueurs directement leurs visions créatives. Comment alors dans ces conditions permettre au jeu vidéo d’avancer ? Et jusqu’à quand ce modèle pourra-t-il vraiment tenir ?
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