Décidément, l’actualité autour du jeu vidéo est particulièrement sombre en ce moment. Des révélations de harcèlement et d’agressions sexuelles dans plusieurs grandes sociétés, aux menaces aussi stupides que violentes à l’encontre des équipes de The Last of Us Part II, la communauté des gamers – pour le peu qu’elle existe – ne se montre pas sous son meilleur jour.
Dernières funestes nouvelles, on a appris coup sur coup le suicide de deux acteurs importants du streaming jeu vidéo, qui officiaient tous deux sur Twitch. C’est d’abord le 2 juillet dernier qu’on a appris le suicide de Byron « Reckful » Berstein, 31 ans et déjà vétéran de Twitch. Joueur et streameur de WoW et Hearthstone, il cumulait pas loin d’un million de followers sur sa chaîne, et était tenu en haute estime par ses spectateurs. Il était en train de travailler sur le développement de son propre jeu vidéo, Everland, mais luttait aussi contre une dépression depuis plusieurs années.
Quelques jours plus tard, c’est le suicide d’Ohlana, jeune streameuse de CS:GO, qui a été annoncé. Âgée seulement de 26 ans, la jeune femme semblait elle aussi se battre contre ses démons, et avait posté des messages évoquant son état de dépression sur plusieurs réseaux sociaux dans les heures qui ont précédé le drame.
On a beaucoup parlé de ces deux cas de streameurs récemment, mais ils ne constituent hélas pas qu’une coïncidence malheureuse. Pas plus tard que le 4 juillet dernier, un streameur surtout connu dans la communauté GTAV, Kenny « bLuE622 » Tancredi, est lui aussi décédé. Les causes de sa mort n’ont pas été annoncées officiellement, mais le suicide a rapidement été évoqué sur Twitter. S’il ne semblait pas partager le profil et les fragilités de Reckful ou d’Ohlana, bLuE622 avait lui évoqué publiquement ses difficultés professionnelles et ses soucis d’argent. On ne sait cependant pas si c’est ce qui l’aurait conduit à l’irréparable.
Plus proche de nous, et d’une manière bien moins dramatique, c’est l’ »infamous » Sardoche qui a longuement tweeté sur le harcèlement dont il était victime, et les messages de haine qu’il pouvait recevoir, certains allant jusqu’à l’appeler au suicide.
On imagine que l’excuse de la blague sera invoquée par ceux qui tiennent ce genre de propos. Comme elle pouvait être utilisée par les personnels mis en cause chez Ubisoft pour expliquer leur attitude, ainsi que le relate le reportage de Libération. Et même si on ne saura jamais quel fut le poids de ces messages mortifères dans le cas de Reckful, on sait qu’il a lui aussi reçu de nombreux messages l’incitant à se donner la mort.
On ne pourra s’empêcher de faire le parallèle avec la situation qu’a connue, et que connaît encore, la télé-réalité. Là aussi, les cas de suicides sont assez nombreux. On se souviendra par exemple de FX, participant à l’émission Secret Story, ou de Quentin Dehar, connu pour être « le sosie de Ken » (de Ken et Barbie) et participant à plusieurs émissions de télé-réalité, qui se sont tous deux donné la mort. On pensera aussi à Loana, légendaire participante du premier Loft Story (2001), et régulièrement dans les tabloïds pour son comportement autodestructeur. Dans le monde, et depuis la création du format télé-réalité au début des années 90, on compte une quarantaine de suicides parmi les participants…
Sans vouloir faire de psychologie de comptoir, on peut assez évidemment faire le lien avec le streaming : dans les deux cas, les participants accèdent à une notoriété fulgurante et imprévue qui peut se révéler difficile à assumer. Avec les conséquences que l’on connaît, telle que la privation d’intimité. Dans le cas de Reckful, on voit d’ailleurs que les limites entre sa vie de streameur et sa vie privée étaient plus que floues : dans l’un de ses derniers tweets, il s’adressait à son ex-petite amie pour la demander en mariage…
À ces difficultés inhérentes au fait de devenir une « personnalité publique » vient s’ajouter la toxicité d’une bonne partie de ceux que l’on appelle les gamers, qui ont érigé la haine en étendard. S’il est un peu compliqué en ce moment d’être fier d’appartenir à la famille jeux vidéo, on espère que la multiplication des scandales autour de cet état d’esprit fondé sur le sexisme, la violence, et l’intolérance permettra à certains de se remettre en question, et à ceux qui en ont le pouvoir de faire le tri, que ce soit chez leurs employés ou leurs utilisateurs.