Squeezie, qui s’est fait connaître avec ses vidéos de gaming avant de devenir le plus gros YouTuber du paysage français, est donc « sacré » Révélation de l’année aux NRJ Music Awards 2020. Révélation musicale, donc. Comme chanteur. On précise parce que, bon, ça n’est pas évident de prime abord.
Évidemment, la récompense en a surpris plus d’un, le principal intéressé en premier lieu. Mais nous ne nous joindrons pas à la litanie de complaintes et autres moqueries qui voient dans ce prix une sorte d’injustice aberrante. D’abord parce que nous estimons trop la musique pour accorder du crédit aux NRJ Music Awards. Et puis parce qu’on n’a rien contre Squeezie, qui – et c’est rare dans le YouTube Game – semble être un personnage plutôt équilibré, bienveillant, et conscient de l’influence qu’il peut avoir sur son public, notamment les plus jeunes, et agit souvent en conséquence.
Par contre, ce prix qu’il a reçu vient s’inscrire en point d’orgue d’un phénomène qui s’installe depuis quelques années, et qui est bien plus inquiétant : les YouTubers jeux vidéo qui se rêvent en popstars.
Mais revenons quelques années en arrière. Une génération, à peu près. Bien avant qu’on entende parler de Squeezie, dans les années 90 et jusque début 2000, les disques se vendaient comme des petits pains malgré leur prix prohibitif. Si, aujourd’hui, les artistes qui gagnent le plus d’argent sont aussi ceux qui font les plus grosses tournées, à l’époque, on faisait des tournées de promo en espérant que celles-ci puissent permettre de vendre des disques. Inversion du paradigme.
L’industrie du disque représentait une telle manne que tout le monde essayait d’en avoir un morceau, ce qui nous donnait régulièrement des produits vite faits, mal faits, et assez peu reluisants : de Jordy à Crazy Frogg, en passant par René la Taupe (les millenials, n’hésitez pas à effectuer quelques recherches Google pour voir de quoi il retourne ; en fait, je retire : hésitez !). De toute façon, avec la complicité des radios, plus ou moins tout se vendait.
Meilleur exemple de ces années aussi fastes pour l’industrie que tristes pour la musique : Vincent Lagaf’, alors humoriste, avait un sketch dans un de ses one man shows qui critiquait ces disques faciles et jetables, et montrait au public comme il était facile de construire un hit avec rien. Comble de l’ironie, le faux morceau qu’il chantait dans le sketch fut édité en single et vendu à 450 000 exemplaires…
Alors quand vint la crise du disque, dans les années 2000, parallèlement à la démocratisation d’internet et à l’arrivée de l’ADSL, certains s’en félicitèrent : fini les Renée La Taupe ! Pour gagner un peu d’argent avec la musique, il allait falloir tourner, jouer. C’était le retour des « vrais » musiciens. Et en effet, pendant un temps, ces disques vite produits disparurent. Même les « tubes de l’été » ne faisaient plus recette.
Jusqu’à ce que, sorties par la petite porte, ces productions reviennent par la fenêtre. « Grâce à » la scène gaming…
On assiste en effet depuis quelques années à l’émergence de clips (au sens MTV du terme) signés de YouTubers plus ou moins populaires évoluant dans les sphères du jeu vidéo. Point commun de toutes ces vidéos : la nullité abyssale des musiques et paroles. Si Squeezie, aidé par son statut numéro 1, s’est un peu plus que les autres donné les moyens de son ambition (chacun sera juge du résultat), c’est loin d’être le cas de tous les candidats au statut de prochain Slimane et Vitaa.
Voyez vous-même, enfin, écoutez : Michou, spécialisé dans les vidéos Fortnite et son « Dans le club » aux incompréhensibles 28 millions de vues ; Inoxtag, jeune camarade de Michou venant comme lui de l’écurie Webedia et affichant presque 50 millions de vues pour son titre « Mili mili »… Pire ? On a toute une série de « créateurs de contenus » spécialisés dans la production à petit budget de chansons très premier degré basées sur l’univers de Fortnite, habillées de captures de parties pour en faire des clips. Pour les paroles, ça fait rimer « Top 1 » avec « copains », et « balle dans la tête » avec « tempête ». Inlassablement.
Il faut croire que l’industrie musicale ne peut pas se passer de ces produits un peu cheap, qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Et le public non plus, d’après les centaines de milliers de vues qu’affichent ces chansons. En Asie, d’ailleurs, c’est encore via YouTube que ces artistes virtuels sont revenus, avec les virtuals idols, ces jeunes filles façon Magical Girls remplaçant les grenouilles, marmottes, et autres animaux chantant en GGI. Certaines des plus populaires seront d’ailleurs mises en scène dans le prochain jeu de la saga Neptunia, Neptunia Virtual Stars. On en a fini avec René La Taupe pour que ce soit des fans de jeux vidéo qui remettent le couvert ? Comme si la communauté jeux vidéo n’avait pas assez de soucis à régler comme ça…
Roblox invite Ava Max et marche dans les pas de Fortnite
n1co_m
Fortnite x BTS – L’internet va-t-il tenir le choc ?
n1co_m
Fortnite – Nouveau record « Astronomique » avec le concert de Travis Scott
n1co_m