Une simple déclaration et voilà une polémique vieille de plus de trois ans qui revient sur le devant de la scène. Cette déclaration, c’est Stefano Corazza, le patron de Roblox Studio, qui l’a faite dans une interview donnée à Eurogamer cette semaine.
« OK, certains disent que Roblox exploite des enfants. Mais peut-être devrions-nous plutôt dire que Roblox permet à n’importe qui dans le monde d’avoir un petit travail et même un salaire. » Stefano Corazza
Roblox est un vrai phénomène. Il suffit de regarder les chiffres pour s’en convaincre. Avec près de 70 millions d’utilisateurs actifs quotidiens dans le monde et plus de quatre milliards de comptes créés depuis le lancement en 2005, c’est véritablement devenu un poids lourd du marché en un temps record. Et ça ne semble pas près de s’arrêter tant l’appétit de l’entreprise semble insatiable et sa capacité à innover énorme.
Mais comme souvent, les phénomènes s’accompagnent de leur lot de polémiques et Roblox ne fait pas exception à la règle. La plateforme de jeu vidéo en ligne est même particulièrement surveillée, la faute à son public, majoritairement composé de très jeunes joueurs. Aujourd’hui, 67% des utilisateurs ont moins de seize ans, et beaucoup auraient moins de 13 ans, pourtant l’âge légal autorisé pour créer un compte. Allez vous balader dans une cour d’école, et vous mesurerez l’ampleur du raz-de-marée.
Depuis quelques années, le service propose de nombreux outils gratuits permettant à tout un chacun de créer ses propres contenus sur la plateforme. C’est même devenu le centre de son modèle économique. Les utilisateurs créent pour les autres utilisateurs et si les jeux, objets ou costumes sont réussis et attirent les joueurs, la Roblox Corporation se frotte les mains, en n’oubliant pas de partager ses gains avec le créateur. Près d’un milliard de dollars seraient ainsi distribués aux développeurs en herbe chaque année.
Eh oui, sur Roblox, vous pouvez gagner de l’argent en créant des mini-jeux, appelés expériences, et en les monétisant assez intelligemment pour attirer une audience. À vous de trouver le juste milieu entre le prix que vous proposez et la qualité de votre contenu. Parmi les quarante millions (!) d’expériences proposées à ce jour, certaines sont vraiment réussies et contrairement à une idée reçue, ce n’est pas que pour les enfants.
Mais ce modèle économique pose de réelles questions éthiques et humaines. Car près de 30% des jeux, objets et capacités achetables disponibles sur la plateforme seraient aujourd’hui créés par des personnes mineures. Et si tout travail mérite salaire, le fait de rémunérer des enfants ou jeunes adolescents avec de l’argent virtuel (Robux) ensuite convertible en argent réel pose question.
Mais si Roblox est depuis quelques années dans l’œil du cyclone, c’est surtout parce que l’entreprise capitalise sur le travail de ces jeunes pour s’en mettre plein les poches. Récompenser la création, pourquoi pas. Mais utiliser le travail de personnes mineures pour faire des bénéfices, cela a un nom : l’exploitation de mineurs. Si le nom fait peur et fait écho à de bien tristes histoires notamment dans le domaine du textile, on est heureusement très loin de cette situation.
Dans les termes d’utilisation de la plateforme, il est bien spécifié qu’il faut au moins avoir treize ans pour créer un compte Roblox et participer à son économie. Roblox se dédouane donc de ses responsabilités sur ce point. D’autant plus que rares sont les mineurs à disposer d’un compte bancaire permettant de virer de l’argent réel à partir de la plateforme, et c’est encore heureux. Pour beaucoup de créateurs, l’argent gagné grâce à la création reste donc du virtuel, sous forme de Robux, qui leur servent à acheter des contenus ou participer à d’autres expériences sur les serveurs.
Malheureusement, entre parents dépassés et enfants parfois capables de s’engouffrer dans les moindres brèches, nous ne sommes pas à l’abri que des créateurs de contenus Roblox soient âgés de moins de treize ans. Mais à qui revient la responsabilité ? Juridiquement, si Roblox est forcément scruté, les accusations d’exploitation de mineurs n’ont pour le moment pas atteint le stade des plaintes. Le patron estime même que Roblox est une chance pour les populations les plus défavorisées, qui se voient donner une chance de s’en sortir.
Cela n’empêche en rien de se poser des questions sur le modèle général de Roblox, notamment compte tenu du public cible. L’entreprise préfère quant à elle mettre l’accent sur la créativité plutôt que sur les dérives du système.
« Des utilisateurs de tous les âges ont commencé à créer sur Roblox pour diverses raisons : apprendre à coder, partager leurs créations avec des amis, ou tout simplement pour le plaisir de la créativité. Nous sommes fiers de proposer des outils gratuits qui développent l’esprit critique, l’inventivité et la collaboration. » Stefano Corazza
Vous l’aurez compris, sans forcément réfuter les critiques qui lui sont adressées, Roblox Studio choisit d’argumenter en mettant en avant les bons côtés de son modèle économique. Dans une époque où la sécurité en ligne devient le fer de lance de nombreuses entreprises et politiques, nous ne serions tout de même pas étonnés de voir la politique générale de Roblox muter dans les prochaines années.
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