Rétro (mais pas trop), c’est la chronique qui rebondit sur l’actualité pour revenir en arrière et évoquer l’histoire d’un jeu vidéo, ou du jeu vidéo. Avec ce numéro, on profite de l’imminente sortie de Street Fighter 6 pour revenir sur le plus célèbre des jeux de combat, et toutes les transformations que le succès de l’épisode 2 a imposées à l’industrie.
Street Fighter est l’une des licences les plus populaires de l’industrie, et même quelqu’un qui ne joue pas saura très probablement qui est Chun Li, ou comment mimer un Hadouken. Cette renommée doit énormément au succès colossal de Street Fighter II, véritable phénomène de société qui a redéfini le jeu vidéo. Un point de vue qui tire vers l’emphase, mais qui décrit pourtant la réalité de l’impact qu’a eu le titre de Capcom. Il faut avoir à l’esprit qu’au plus fort de son succès, 50% des bornes en circulation étaient des bornes Street Fighter II.
Street Fighter II a plus ou moins inventé l’e-sport
Bien entendu, avant lui, des compétitions existaient. Elles sont même presque arrivées en même temps que le jeu vidéo, ne serait-ce qu’à travers les tableaux de hi-score, qui montraient à tous les clients de la salle de jeux ou du café qui était, en trois lettres, le meilleur. Mais à l’image de ces tableaux, les premières compétitions étaient basées sur des scores individuels, et pas tellement sur les affrontements entre joueurs.
En 1990, les premiers Nintendo World Championships consistaient ainsi à réaliser le meilleur score possible sur une compilation de trois mini-jeux basés sur Super Mario Bros., Rad Racer et Tetris (un concept qui donnera quelques années plus tard les jeux NES Remix).
Avec la popularité immense de Street Fighter II, des tournois ont fleuri un peu partout, permettant aux joueurs de s’affronter les uns, les autres, comme dans un tournoi de sport traditionnel. Si c’est loin d’être le premier jeu à avoir été joué en compétition, c’est en tous les cas probablement le premier à avoir adopté la forme de l’actuel e-sport. Et sans Street Fighter II, y aurait-il un EVO ?
Street Fighter II a plus ou moins lancé le concept de jeu-service
On le disait, la popularité des bornes d’arcade Street Fighter II fut sans commune mesure avec tout ce qui l’avait précédé. On n’est pas certain qu’un jeu, ensuite, ait réussi à être au moins aussi populaire. Un succès qui fit que Capcom avait du mal à suivre côté production, et des bornes « pirates » sont apparues çà et là… avec certaines améliorations.
Ainsi, dans la première mouture du jeu, Street Fighter II: The World Warrior, les boss Balrog, Vega, Sagat and M. Bison n’étaient pas jouables, mais étaient là pour affronter les meilleurs joueurs en mode solo. Les versions pirates en avaient donc profité pour les ajouter aux personnages jouables. Capcom réalisant qu’il y avait une demande – et comptant bien couper l’herbe sous le pied des faussaires – sort alors Street Fighter II’: Champion Edition (1992), où les quatre boss sont ainsi jouables. Cette nouvelle version du jeu apporte aussi diverses améliorations, comme une vraie différenciation de Ken et Ryu, qui n’étaient jusque-là que deux skins sur un même personnage, ou la possibilité de voir deux personnages identiques se combattre (précédemment, c’était la course au démarrage pour être sûr de pouvoir sélectionner son personnage préféré avant l’adversaire !).
Toujours en suivant les idées des jeux piratés, Capcom sort ensuite Street Fighter II’: Hyper Fighting (1992), qui reprend des améliorations issues du bootleg (jeu non-officiel) Street Fighter II Rainbow Edition, essentiellement une augmentation de la vitesse de jeu. Puis sortira en 1993 Super Street Fighter II: The New Challengers qui, comme son nom l’indique, proposera de nouveaux personnages : Cammy, Fei Long, Dee Jay et Thunder Hawk. D’autres améliorations continueront à sortir au fil des années, la dernière ayant été publiée sur Nintendo Switch en 2018, Ultra Street Fighter II: The Final Challengers.
Des mises à jour successives qui nous semblent la norme à l’heure des machines connectées en permanence, mais qui étaient alors marginales, et même incomprises par bon nombre de joueurs ; les turbo-hyper-ultra-prime venant différencier les titres des différentes versions étaient souvent moqués…
Street Fighter II a plus ou moins rebattu les cartes des exclusivités
Du milieu des années 80 à la fin des années 90, c’était la guerre des consoles, SEGA vs Nintendo. Jusqu’à 1992 et la sortie de Street Fighter II sur SNES, Capcom avait choisi son camp et sortait plutôt ses jeux sur les machines Nintendo. Mariage d’amour, peut-être, mais de raison surtout, les machines Nintendo étant bien plus populaires au Japon que les consoles SEGA. Certains titres parmi les plus reconnus de la librairie Mega Drive portent bien le label Capcom (Forgotten Worlds, Ghouls’n Ghosts…), mais sont en fait des portages sous licence, reprogrammés par des équipes externes à Capcom.
Mais avec le succès de Street Fighter, Capcom devenait maître du jeu (c’est le cas de le dire). Un accord d’exclusivité garantissait que Nintendo serait le seul à bénéficier du portage du jeu d’arcade Street Fighter II (exclu temporaire, probablement, difficile d’avoir des infos précises…). Un accord moral liait, lui, de façon plus durable l’éditeur et le constructeur. De nombreux analystes considèrent d’ailleurs que le succès de la SNES aux États-Unis est d’abord dû au portage de Street Fighter II.
SEGA a longtemps courtisé Capcom pour avoir lui aussi son Street Fighter II, et malgré le délai, la presque annulation du portage pourtant annoncé en grande pompe, Street Fighter II: Champion Edition est bien sorti sur Mega Drive un an après le portage SNES accompagné pour l’occasion d’une nouvelle manette à six boutons conçue juste pour lui sur le modèle de la borne d’arcade.
C’est peu dire que Nintendo n’a pas été ravi par la nouvelle. Mais SEGA aussi en a voulu à Capcom : à peine le portage de la Champion Edition sur Mega Drive annoncé, le développeur présentait en arcade une nouvelle version de son hit, la version Hyper Fighting, rendant de fait la Champion Edition obsolète.
Jusque-là, les éditeurs venaient vers SEGA ou Nintendo pour obtenir l’autorisation de sortir des jeux pour leur machine, les deux constructeurs leur facturaient même les cartouches au prix fort ! Capcom a réussi à faire venir à lui les vendeurs de consoles, et a même pu prendre le risque de se mettre les deux gros constructeurs à dos : avec Street Fighter II, c’est lui qui avait la carte maîtresse. Une situation qui lui a permis ensuite de naviguer à l’envie entre SEGA, Nintendo, puis Sony ou Microsoft…
Depuis, la licence Street Fighter a connu des hauts et des bas, et si les jeux restent des constantes des grands tournois de VS Fighting comme l’EVO, ce sont désormais les Resident Evil et surtout Monster Hunter qui sont les vaisseaux amiraux de Capcom. Mais l’ambition d’ouvrir son jeu de combat à tous les publics avec le sixième épisode qui sort dans quelques jours pourrait, à nouveau, rebattre les cartes…
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