La semaine dernière, l’annonce avait fait couler beaucoup d’encre et fait craindre le pire pour Ubisoft. En suspendant sa cotation en bourse pendant de longues journées, les observateurs les plus pessimistes imaginaient déjà des résultats catastrophiques pour l’éditeur français, voire un éventuel rachat, c’est la mode aujourd’hui, par un requin encore plus massif (Tencent étant le favori dans cette hypothèse). Finalement, plus de peur que de mal puisque de Frederick Duguet, directeur financier du groupe, a justifié ce retard par une révision par un nouveau panel d’auditeurs de la comptabilisation 2025 des revenus des accords de partenariat. C’est sûr que c’est moins vendeur qu’une OPA du Vivendi de Vincent Bolloré héroïquement repoussée au milieu des années 2010.
Une histoire de famille
On se souvient d’ailleurs de la formation en partenariat avec Tencent, il y a quelques mois, de Vantage Studios, dirigée par Charlie Guillemot, fils du patron d’Ubisoft Yves Guillemot. On se demandait d’ailleurs s’il ne s’agissait pas d’un moyen astucieux pour scinder les propriétés intellectuelles du groupe afin de les vendre à la découpe au plus offrant. En effet, Vantage Studios a récupéré les licences les plus porteuses de portfolio d’Ubi (Assassin’s Creed, Far Cry et Rainbow Six) et entend à présent générer chaque année un milliard de dollars. En parallèle, Ubisoft continue de se réorganiser et son PDG nous informe :
« Nous aurons finalisé la conception de cette nouvelle organisation d’ici la fin de l’année autour d’entités autonomes, efficaces, focalisées et responsables, chacune dotée de sa propre direction, de sa vision créative et de sa feuille de route stratégique. »
Nous devrions en apprendre plus sur les réalisations concrètes de cette stratégie mais ce que l’on peut déjà lire entre les lignes, c’est que de nouvelles restructurations, avec à la clé vraisemblablement de nombreux licenciements, devraient malheureusement être prochainement annoncés. Une tendance pour l’immense groupe français (et l’industrie au global) depuis quelques années afin, notamment, de rétablir des comptes financiers de plus en plus critiques.
Un avenir qui semble tourné vers le passé ?
Une stratégie qui commence à produire quelques effets si l’on en croit les résultats présentés ce vendredi donc même si la lecture de ces chiffres reste à mesurer au regard des résultats catastrophiques des deux précédents exercices. En effet, sur le dernier semestre, Ubisoft enregistre un chiffre d’affaires de 772,4 millions d’euros, en hausse de plus de 20 % sur un an. Le groupe souligne de « solides performances d’Assassin’s Creed Shadows », alors que le dernier chiffre communiqué faisait état en juillet dernier de « seulement » 5 millions de joueurs (et non de ventes) pour le titre.
Il est aussi à noter qu’Ubisoft réalise sur ce premier semestre fiscal un résultat opérationnel s’élevant à 27,1 millions d’euros. Un montant qui peut paraître modeste au regard de la taille du groupe, mais quand on le compare au 251,1 millions d’euros de pertes du premier semestre 2024-25, on se dit que l’éditeur revient peu à peu de très loin. De quoi préparer l’avenir avec un peu plus d’optimisme d’autant que quelques titres très attendus devraient rapidement débarquer. On peut par exemple citer le retour d’Assassin’s Creed IV Black Flag, l’un des titres de la licence les plus appréciés, pressenti pour le premier trimestre 2026 ou les remakes de Prince of Persia : Les Sables du Temps ou Splinter Cell, toujours prévus pour l’an prochain.
Mais Ubisoft regarde aussi vers le futur et celui qui fait beaucoup parler en ce moment tourne autour des IA génératives (en espérant que ce sera plus intéressant que ses piètres tentatives autour des NFTs). Lors de la dernière Game Developers Conférence d’ailleurs, l’éditeur avait présenté une première initiative avec NEO NPCs permettant d’utiliser son micro pour dialoguer avec un personnage fictif et en connaître son histoire.
Technologie jusque-là utilisée en interne et pour des tests (même si son inclusion semble déjà actée dans certains titres comme le récent Anno 117 : Pax Romana), Yves Guillemot a réaffirmé sa volonté d’investir dans cette nouvelle technologie qu’il décrit comme « un tournant aussi important pour l’industrie du jeu vidéo que le passage à la 3D ». Mais dans quel but ? Continuer de supprimer des postes, notamment créatifs, pour générer des décors et images automatiquement (comme c’est hélas régulièrement le cas aujourd’hui) ou pour, enfin, améliorer la crédibilité des PNJ et générer des quêtes et dialogues évolutifs en jeu, et ainsi améliorer l’immersion ?
Ubisoft vit probablement le plus grand tournant de son histoire. Ses décisions de ces derniers mois impacteront profondément l’avenir du groupe. Aujourd’hui, l’éditeur français va mieux (ou moins mal) mais ses restructurations seules ne pourront lui faire durablement remonter la pente. Cela passera nécessairement par les jeux, les prochains Rayman, Assassin’s Creed, Beyond Good and Evil 2 (s’il finit par arriver) et consorts, qui devront convaincre les joueurs et investisseurs de l’avenir de l’entreprise.

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