Resident Evil 4 Remake est enfin dans les bacs, et les joueurs n’ont pas attendu pour mettre la main sur la précieuse galette. Enfin, galette, ou fichier : c’est grâce à Steam que les premiers chiffres de ventes sortent, et ils sont édifiants. Au moment où nous écrivons ces lignes, ce sont quelques 126 873 joueurs qui découvrent le jeu sur la plateforme. À titre de comparaison, le pic de joueurs, lors de la sortie du dernier titre de la licence, Resident Evil Village, était de 106 631. Des chiffres impressionnants, mais qui sont à relativiser face au déluge que fut la sortie de Hogwarts Legacy, qui avait attiré aux alentours de 870 000 joueurs lors de sa première semaine. Pour autant, c’est bien plus que le remake de Dead Space par Electronic Arts, qui avait atteint 31 000 joueurs lors de sa sortie.
Et c’est une comparaison bien plus honnête que celle avec Hogwarts Legacy, qui représente un point culminant pour une licence dont les rencontres avec le jeu vidéo n’ont pas toujours été heureuses. Dead Space, quant à lui, marque le retour d’une licence née lors de la même génération que Resident Evil 4, à trois ans près. Si la question de la qualité est bien entendu une donnée à considérer, il est aussi évident que l’héritage écrasant porté par Resident Evil 4 est également à prendre en compte.
En effet, cela fait presque vingt ans que les développeurs de ce jeu ont révolutionné la manière de considérer le genre du jeu de tir à la troisième personne en introduisant le point de vue « par-dessus l’épaule ». Désormais une convention du genre, ce point de vue permettait, surtout comparé aux jeux contemporains à Resident Evil 4, de donner une plus ample vision de l’action au joueur.
En recréer l’essence, alors qu’elle a autant formé le jeu vidéo tel que nous le connaissons en 2023, est alors autant une évidence qu’un pari risqué. Et c’est un pari que les équipes de Capcom ont relevé. Avec brio ou non, seule la postérité pourra en témoigner. Cependant, les développeurs de Capcom sont loin d’être les seuls à s’être risqués à l’exercice. En effet, tout le monde l’aura remarqué : la tendance est au remake, au remaster.
C’est un sujet qui revient encore et toujours sur la table : pourquoi s’enfonce-t-on dans la recréation du passé, plutôt que de chercher à innover ? Nous vous parlions il y a quelque temps de l’intérêt que représentait le remaster face aux problèmes de conservation et d’accessibilité ; le remake est, plutôt qu’un moyen de transmission, un moyen d’actualisation pur et simple.
En somme, faire du neuf avec du vieux. Il s’agit d’un exercice risqué, pour des développeurs devant jouer les funambules sur le fil des attentes du public. À quel point peuvent-ils se permettre de mettre à jour le jeu d’origine ? Une mise à jour technique, mécanique ? Trop de nouveautés, et les fans se sentiront lésés par un jeu aux promesses nostalgiques mensongères. Pas assez de nouveautés, et on considérera alors que la mention de « remake » n’est pas méritée.
L’un des titres les plus révélateurs de cette tendance, c’est bien Final Fantasy VII Remake. Si le public n’ayant pas d’attachement spécifique au jeu et la critique considèrent généralement le projet comme une réussite, les inconditionnels du jeu d’origine ne sont pas tous de cet avis. Là où nombre d’inconditionnels de la licence voyaient Final Fantasy 7 Remake comme un moyen de recréer une magie qui avait opéré à l’époque, le résultat n’était, à leurs yeux, pas suffisamment fidèle à l’original.
C’est le vilain défaut de nos cultures populaires : à trop vouloir valoriser des œuvres qui nous touchent, nous en échouons à voir qu’elles sont tributaires de bien plus de facteurs que la simple qualité technique dont elles disposent. L’affect qui se retrouve projeté sur le jeu prime. Ainsi, la volonté d’un public de vouloir des nouvelles versions des jeux qu’il a aimé est contradictoire : plus que la technique du jeu, il s’agit de l’émotion ressentie lors de la découverte du titre que le joueur souhaite retrouver.
Le projet de Resident Evil 4 Remake s’encastre de manière tout à fait logique dans une culture populaire qui, plus que jamais, s’accroche à ses doudous nostalgiques. Au même titre que nombre de jeux qui ont été refaits et actualisés, il sera disséqué, analysé, comparé à son prédécesseur. Si la démo du jeu nous avait mis en confiance, et que le public accueille très bien le projet, il est évident qu’avec le temps, peu importe la qualité du jeu, il sera comparé à son grand frère.
Parfois bienvenus, souvent de trop, les remakes ne sont que l’expression via notre médium d’une tendance générale de la culture populaire, qui tourne en rond, et ce, depuis au moins aussi longtemps que le jeu vidéo lui-même. Difficile de jeter la pierre à un énième remake raté, quand, à côté, nous en sommes à la Xème nouvelle série estampillée Star Wars ou Marvel…
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