Pour de nombreux fans, le constat est clair : les jeux Pokémon ont du mal à avancer. Certes, à chaque nouvelle génération, de nouvelles mécaniques, et Game Freak propose son lot d’évolutions de gameplay à travers la série Légendes Pokémon, mais graphiquement et techniquement, la licence paraît en retard. Alors la critique est facile, mais rejeter toute la faute sur Game Freak, c’est peut-être un peu naïf, quand bien même il s’agit là du studio de développement.
Tout le monde veut sa part du gâteau de poche
Ne serait-ce que pour la création d’un jeu de la série principale, Game Freak n’est pas le seul décisionnaire. Si le studio avait choisi la voie de l’auto-édition à ses débuts, peut-être que la situation en serait autrement, mais le fait est que la marque Pokémon n’est détenue aujourd’hui que pour un tiers par Game Freak ; les deux autres tiers sont détenus par Nintendo, qui s’occupe de l’édition des jeux, et de Creatures, qui gère les extensions du jeu de cartes.
Etant donné que les trois entreprises ont leur mot à dire sur le développement des jeux, il ne faut pas s’étonner du fait que le calendrier de sortie des différentes extensions du TCG influe sur le rythme de sortie des jeux : il faut régulièrement renouveler les créatures que l’on peut traquer dans les boosters. De fait, Pokémon est une machine à la production presque mécanique, rythmée par la recherche d’un profit perpétuel.
Et cette situation se complexifie encore sur deux points. Le premier, c’est l’existence de The Pokémon Company, l’entité fondée en 1998 par les trois entreprises précédentes pour gérer les droits de la licence en Asie (cette entité a par la suite fondé une filiale, The Pokémon Company International, pour gérer les droits de Pokémon sur les autres continents). En soi, on pourrait considérer TPC comme l’entité qui permet de coordonner les trois entreprises : elle fluidifie en quelque sorte la production.
Le second point, c’est l’existence de Shogakukan, un éditeur japonais : ce dernier codétient les droits pour l’anime, les manga et les films Pokémon. Comme chaque génération a le droit à sa série d’animation, il faut décider d’un calendrier pour faire coïncider la sortie du jeu principal et le début de la série.
Etant donné que la série est diffusée, sans pause majeure, au rythme d’un épisode par semaine, retarder la sortie du prochain jeu obligerait Shogakukan a ordonné au studio d’animation OLM de produire autant d’épisodes que nécessaire pour ne pas laisser de vide entre les deux séries, au risque de voir les audiences baisser.
Le passage à la 3D, une fausse bonne idée ?
En 2009, Jun’ichi Masuda, l’une des figures emblématiques de la licence Pokémon, directeur de Pokémon Cristal à Let’s Go, puis producteur avant de rejoindre TPC en juin 2022, annonçait que le choix entre la 2D et la 3D dépendait exclusivement de la capacité à attirer de nouveaux joueurs. La 2D ayant, selon lui, plus de charme et étant plus facile à appréhender pour un néophyte, c’est cette esthétique qui a été choisie pour l’ère Nintendo DS.
Force est de constater que beaucoup de fans associent le passage à la 3D au début du déclin de la série. Les Pokémon ont, selon eux, perdu leur charme d’antan, et les modèles 3D sont moins expressifs que les sprites de Pokémon Noir et Blanc. Et en même temps, il est beaucoup plus difficile d’avoir un rendu percutant en caméra libre que lorsque l’on peut constamment contrôler le regard du joueur.
De fait, pour rendre un jeu en 3D aussi percutant qu’un jeu en 2D, qui est plus limité dans sa présentation, le temps de développement doit augmenter. Et aujourd’hui, c’est bien le temps qui manque à Game Freak : il faut annoncer une nouvelle génération de Pokémon tous les trois ou quatre ans pour alimenter le TCG, l’anime, les manga et tous les autres produits dérivés.
Mais malheureusement, comme on le sait, Game Freak n’est pas le seul à décider de la fenêtre de sorties des jeux. Creatures n’a aucun intérêt à retarder l’arrivée de nouveaux monstres puisqu’ils attirent justement les acheteurs, et Nintendo n’a aucun intérêt à repousser la sortie des jeux Pokémon, étant donné qu’Ecarlate et Violet ainsi qu’Epée et Bouclier occupent respectivement les sixième et septième places dans les jeux les plus vendus sur Nintendo Switch. Et même si Légendes Pokémon Z-A a eu le droit à un temps de développement plus long, ce que l’on pourrait interpréter comme la volonté de proposer un jeu techniquement plus poussé, les derniers trailers ne réussissent pas encore à convaincre.
C’est donc là le problème de la licence Pokémon : la machine fonctionne de mieux en mieux. Si les jeux étaient sur une pente descendante jusqu’aux versions Noire 2 et Blanche 2, à savoir les versions de Pokémon qui se sont le moins bien vendues depuis 15 ans, les jeux sont maintenant sur une pente ascendante, quand bien même le public considère qu’ils sont au mieux médiocres.
Pourquoi changer une stratégie qui fonctionne ? Les jeux, peu importe leur qualité, rapportent de l’argent, permettent au TCG d’avoir de nouveaux monstres, à l’anime de se renouveler, et aux goodies de se diversifier. Game Freak peut probablement faire mieux et a sûrement d’autres ambitions comme en témoigne Beast of Reincarnation, mais aucun des acteurs n’est prêt à prendre le risque de secouer la machine à billets.
Test Pokémon Violet – Incompétence chronique et gameplay addictif
DracoSH
Pokémon Champions simplifie la stratégie et redessine l’avenir de la licence
Ninof
Pokémon TCG Pocket – D’or et d’échanges
Espona