Tel est pris qui croyait prendre, il semblerait. Une nouvelle fois, les pratiques de contrats d’exclusivité de Sony sont mises sous le feu des projecteurs. Alors même que l’entreprise cherchait à empêcher Microsoft d’acquérir Activision-Blizzard par la voie légale, il semblerait que les débats lancés par cette accusation soient amenés à changer la manière dont est considéré le marché du jeu vidéo par les instances légales et politiques..
Cette fois-ci, c’est le sénateur américain du Dakota du Nord, Kevin Cramer, qui mentionne les « efforts de Sony à maintenir une domination du marché » dans une lettre publique adressée au PDG de Sony Kenichiro Yoshida. Il lui somme notamment de rendre publiques les contrats d’exclusivité signés par l’entreprise avec d’autres studios tiers.
Je suis inquiet des rapports mentionnant que Sony apparaît maintenir une domination afin d’exclure la compétition, plutôt que de permettre aux joueurs et aux développeurs de choisir. Selon des rapports publiques, Sony contrôle quelques 68% du marché des consoles et 98% du marché japonais. Il semble de plus en plus que la domination de Sony puisse être attribuée à des pratiques d’exclusivité, ce qui inclut de payer des éditeurs de jeux vidéo afin qu’ils ne distribuent pas leurs jeux sur les plateformes rivales.
Ce n’est pas la première fois que, depuis l’annonce de l’acquisition et les débats qui l’ont suivie, des instances américaines questionnent les pratiques de Sony. Cette lettre suit des accusations de mars dernier lancées par des membres du Congrès.
Les clauses d’exclusivité sont en effet l’un des points de définition majeure du jeu vidéo. Il s’agit peut-être du marché où leur influence est la plus ressentie. Si l’on regarde les chiffres de 2022 au Japon, même en doublant ses ventes de l’année dernière, l’entreprise peinait à écouler plus de 270 000 Xbox Series. Si, pour l’entreprise, c’était alors un chiffre remarquable, ils pâlissent en comparaison de ses deux grands rivaux de l’industrie : ce sont 2,4 millions de PS5 et 4,8 millions de Nintendo Switch qui se sont écoulées.
Ces disparités sont dues à ce système de contrats d’exclusivité : Sony profite d’un contrôle sur de nombreuses licences visant le public japonais, qui sont longtemps restées exclusivement disponibles sur PlayStation. Par exemple, ce n’est que depuis cette année que les joueurs de Xbox peuvent découvrir les jeux du studio Atlus sur leur console de choix.
En soi, ce n’est pas une pratique nouvelle : toujours, les joueurs ont choisi leur console de choix à travers son catalogue de jeux exclusifs, et ce, bien avant les rivalités actuelles entre Sony, Microsoft et Nintendo.
Les contrats d’exclusivité peuvent prendre différentes formes : ils peuvent être temporaires, auquel cas le jeu aura une sortie différée, ou définitifs, auquel cas le jeu ne pourrait pas sortir sur les consoles rivales. Si, du point de vue des joueurs, ces exclusivités sont un moyen de débattre sur la supériorité d’une console (plutôt que de débattre sur la qualité concrète de la machine), pour les constructeurs, ces exclusivités sont de réelles stratégies de vente.
Ils peuvent également, et c’est là que cela doit inquiéter les régulateurs, n’exclure qu’un seul constructeur. Ce serait apparemment une pratique courante de Sony, qui aurait exclu la Xbox des plateformes potentielles pour divers titres : dans la liste, on note des titres très populaires et attendus, mondialement, mais surtout au Japon, tels que Final Fantasy XVI ou Silent Hill 2.
À titre de comparaison, les exclusivités de Xbox sont non seulement a priori moins attirantes pour un public japonais, mais en plus, Microsoft a eu tendance, face à l’échec de la Xbox One, à négliger le public japonais.
De fait, les consoles de Microsoft n’ont pas toujours été boudées au Japon. Ce sont 1,6 millions de Xbox 360 qui ont été vendues au pays du Soleil-Levant au total. C’est clairement moins que sa rivale chez PlayStation, la PS3, qui s’était écoulée à plus de 10 millions d’exemplaires, mais cela reste bien plus que l’intégralité des ventes de la Xbox One et la Xbox Series combinées.
Pour autant, cela n’affaiblit en rien la question des exclusivités : il est clair que Microsoft a accès à un nombre réduit des titres les plus populaires au Japon. De plus, les exclusivités ont un effet clair sur la compétitivité des consoles : plus qu’une qualité technique, ce sont les bons titres qui font les bons amis. Il suffit de voir la domination totale de Nintendo sur le marché pour voir à quel point l’image de marque couplée à des exclusivités en accord avec elle peut faire des miracles.
Cela a pour résultat, un manque de considération de la part du public pour la technique de la machine, et cela peut avoir des conséquences graves sur la qualité du produit en soi : la Switch, bien qu’elle soit régulièrement pointée du doigt pour ses défauts techniques, reste un best-seller. Pourtant, ses meilleurs titres, ceux qui vendent la console, sont ceux qui réussissent à contourner les contraintes techniques de la console, et les jeux multi-plateformes se heurtent souvent à une baisse drastique de qualité.
Ainsi, si l’on parle beaucoup des éditions PS4 et Xbox One de Hogwarts Legacy, en se demandant la manière dont sera géré le port technique, on pourrait aussi s’inquiéter du port sur Switch, voire même si c’est une bonne idée de l’envisager.
Pour autant, la question de la validité des exclusivité en tant que stratégie de marché rejoint une question plus large : celle, idéologique, d’à quel point on peut laisser un marché s’autoréguler. En effet, si cette attention est avant tout due aux débats autour de l’acquisition d’Activision-Blizzard par Microsoft, le Sénateur Kevin Cramer estime son intervention nécessaire à cause de la place prise par le jeu vidéo dans l’environnement économique de son État, le Dakota du Nord :
Le jeu vidéo a un impact économique de plus de 20,6 millions de dollars dans l’État du Dakota du Nord, et est responsable de 221 emplois selon l’Entertainment Software Association. Alors que le jeu vidéo devient de plus en plus courant sur les plateformes mobiles, ces nombres vont drastiquement augmenter. Le Dakota du Nord estime une augmentation de 14% de l’emploi dans le domaine de la technologie dans la dizaine d’années à venir […].
Si, jusqu’à présent, on peut aisément penser que les instances supérieures ont fait le choix d’ignorer les pratiques d’exclusivités dans le jeu vidéo, il semble, désormais, que ce ne soit plus le cas. Reste à voir s’il s’agit seulement d’un passage, ou si l’engagement pour un encadrement plus sévère est bien réel.
Le système d’exclusivité, remis en cause par Sony ?
DracoSH
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