Les Xbox Series X et PlayStation 5 ne sont pas encore sorties, mais la guerre des consoles bat déjà son plein. Après s’être fait ratatiner sur la génération précédente en vendant grosso modo deux fois moins de Xbox que la concurrence n’a écoulé de PlayStation, Microsoft compte bien prendre sa revanche. La société a donc décidé de frapper la première, et de frapper fort. Du côté de Sony, c’est au contraire plutôt calme, sans qu’on soit tout à fait sûr que ce silence soit un choix de la compagnie. Le gros événement prévu pour enfin parler de la PlayStation 5 a en effet été repoussé suite au meurtre de George Floyd.
Concours de gonflette
La Xbox Series X a au contraire été révélée il y a plusieurs mois déjà, comme point d’orgue d’une campagne de communication basée sur la force brute où les téraflops tiennent lieu de biceps. Le premier argument que tenait à faire valoir Microsoft était celui de la console la plus puissante, lançant alors un concours de celui qui a la plus grosse.
Cependant, Sony n’a pas relevé la provocation, et n’a pas répondu tout de suite. Une attitude qui n’a pas manqué d’inquiéter certains observateurs. Pourquoi Sony attend-il aussi longtemps pour montrer sa machine ? Un retard dans la communication qui cacherait un retard dans la production ? Ou pire, Sony n’aurait carrément pas les arguments technologiques pour répondre à Microsoft, qui tiendrait bel et bien la machine la plus puissante avec sa Xbox Series X ?
Et si Sony laissait simplement Microsoft s’agiter, attendant qu’il se prenne les pieds dans le tapis ? On sait que la communication n’est pas exactement le point fort de l’entreprise. Le lancement de la Xbox One reste un modèle de tout ce qu’il ne faut pas faire et que les écoles de marketing utilisent probablement aujourd’hui comme contre-exemple.
Microsoft ne manque pourtant pas d’arguments, et a particulièrement bien soigné son entrée dans la next-gen : avec d’abord l’acquisition de plusieurs studios, il devrait s’assurer un certain catalogue, et les exclus qui manquaient à la Xbox One. Le succès du Game Pass et la générosité du service est aussi une belle réussite récente de la marque. Surtout si le service se jumelle à X Cloud, qui, après l’échec de la première année de Stadia et les problèmes que connaît GeForce Now, a toutes les cartes en main pour s’imposer. Cependant, ce sont autant d’atouts que Microsoft ne sait pas mettre en valeur.
Si la première conférence PlayStation 5 donnée par Marc Cerny n’était pas non plus un modèle de communication, trop complexe, d’abord pensée pour les développeurs de la GDC, elle aura toutefois dégonflé cette histoire de teraflops, argument massue de Microsoft, en montrant que la puissance est une affaire plus complexe qu’une bête comparaison chiffrée.
Malheureusement, la suite de la campagne de Microsoft ne lui rendra pas l’avantage. Xbox a en effet déçu le grand public en diffusant une série de bandes-annonces qui ne répondaient pas exactement aux attentes de joueurs avides de next-gen. Alors que ceux-ci attendaient d’être éblouis par le gap graphique qu’allait représenter cette console la plus puissante, on leur a servi une série de jeux d’éditeurs tiers, pas forcément des titres majeurs – même si certaines perles ce trouvaient dans le lot.
Mixed messages
Là encore, on se demande si Microsoft a su orienter correctement sa communication. Quel était le message derrière cette série de présentations ? Et s’il était question de défendre avant tout le catalogue des futures Xbox Series X ? Qu’a-t-on vu, finalement, dans ces trailers ? Des jeux d’éditeurs tiers, des indés, des auteurs, des jeux japonais… Bref, tout ce qui manquait à la Xbox One. Microsoft nous disait ici : « Nous avons appris de nos erreurs, et nous comptons les corriger avec notre prochaine console.
En plus des fondamentaux de la marque, notre catalogue comprendra des RPG, des jeux indés, des jeux japonais », à l’image de Scarlet Nexus – qui ne pouvait que faire penser à Astral Chain – ou Yakuza 7, dernier épisode d’une série historiquement liée à la PlayStation (même si elle a récemment débarqué sur PC et sur le Game Pass).
Le message était le bon, mais 1/ cette présentation a été mal teasée, nous vendant du gameplay next-gen plein de paillettes, et 2/ aurait dû arriver après la présentation des jeux des Xbox Studios. Les premières images de gameplay de la console next-gen auraient dû frapper et marquer les esprits, se montrer pleines de promesses techno, faire rêver un peu quant au bond que les jeux allaient réaliser.
Ce que Sony a réussi, peut-être même involontairement (mais on en doute…), à faire en plaçant la PlayStation 5 comme partenaire de la présentation de l’Unreal Engine 5. Elles étaient là, les promesses technos, ainsi que les millions ou milliards de polygones, les effets de lumière calculés en direct, etc…
Laisse parler les gens
Quand nos gouvernements ont connu des cohabitations (un Président et un Premier Ministre de bords politiques différents), les Présidents se sont toujours mis un peu en retrait à l’approche des élections, laissant le Premier Ministre en première ligne s’attirer les foudres des électeurs jamais contents et louper leur élection. Une stratégie qui a fonctionné à chaque fois : Mitterrand Président, Chirac Premier Ministre en 1988, Mitterrand réélu ; Chirac Président, Jospin Premier Ministre en 2002, Chirac réélu…
On a un peu l’impression que c’est la stratégie de Sony en ce moment. La société japonaise laisse Microsoft s’embourber tout seul dans une communication malhabile – malgré, on le répète, de vrais arguments en sa faveur. Avec deux ou trois trailers bien choisis, l’excellente réputation de la PlayStation 4 et de son catalogue, tout juste augmentée des promesses faites autour du fameux SSD et de la rétro-compatibilité annoncée, pourrait ainsi suffire à faire de la PlayStation 5 la championne de cette fin d’année.
Sans compter que la relative rareté en magasin annoncée, l’épidémie de Covid-19 ayant pu avoir un impact sur la production, pourrait renforcer cette image d’objet de désir. N’y a-t-il pas un proverbe qui dit que « le silence est d’or » ?