Si l’on se rappelle de l’actualité du mois dernier, quelques fuites de documents juridiques avaient révélé les désirs (fantasmatiques) de Phil Spencer concernant un rachat de Nintendo. Avec l’acquisition récente d’Activision-Blizzard (et de King, qu’on oublie un peu facilement) par Microsoft, l’industrie va connaître dans les prochains mois une forte évolution. Loin de nous l’envie d’attiser des tensions (déjà trop présentes et pesantes) sur la question de savoir quelle compagnie serait plus légitime à suivre ou à soutenir, ou laquelle il faudrait vilipender, les événements de ces dernières semaines, voire mois, sont véritablement en train de modeler le futur de l’industrie du jeu vidéo.
Revenons sur quelques faits qui montrent Sony de plus en plus isolé : Minecraft, le premier jeu cross-play entre Microsoft et Nintendo, a bénéficié d’une publicité conjointe, Ori est publié sur Switch alors qu’il s’agit d’exclusivités Microsoft, Banjo Kazooie se retrouve dans Super Smash Bros. Ultimate, une collaboration très rapprochée a eu lieu pour la réédition de GoldenEye 007, la création d’un service main dans la main entre Nintendo et Microsoft – le Nintendo Switch Concierge, encore disponible sur Microsoft Teams.
Le tout sans oublier le contrat qui a fortement inquiété Sony : le partenariat de dix ans pour la sortie des jeux Activision sur les consoles de Nintendo. Il est clair que les deux constructeurs entretiennent des rapports cordiaux, même si les crocs ne sont jamais bien loin. On se rappelle notamment ces propos de Phil Spencer concernant Nintendo :
« At some point, getting Nintendo would be a career moment and I honestly believe a good move for both companies. It’s just taking a long time for Nintendo to see that their future exists off of their own hardware. A long time. » Phil Spencer (par VGC)
Si beaucoup ont compris les propos de Phil Spencer comme étant présomptueux et arrogants, nous pensons que la politique de Microsoft en matière de consommation de jeux vidéo (cloud gaming principalement) montre plutôt une certaine « bienveillance » à l’égard de Nintendo (à l’heure où le Game Pass et le PlayStation Plus Extra font briller l’absence d’une telle offre chez Nintendo), et c’est certainement vers cette direction que Microsoft semble vouloir emmener Nintendo. Bien que les documents révélés n’aient pas révolutionné nos attentes en matière de politique et de direction concernant Microsoft, les chiffres avancés donnent le vertige.
Étudier ces documents pour connaître les échanges entre les développeurs et le constructeur s’avère passionnant : à combien est estimé le coût d’une exclusivité Game Pass ? Quelle somme un studio peut-il demander pour une disponibilité Game Pass (sachant que Microsoft estimait pour Jedi Survivor 2 une demande de 300 millions pour une exclusivité Day One sur le Game Pass de la part d’EA) ? On se rappelle aussi que la Xbox Series S avait été dévoilée par un leak. L’immensité de l’entreprise serait-elle un danger pour elle-même ?
On rappelle que Nintendo est à ce jour le seul constructeur œuvrant uniquement dans le jeu vidéo. Sony, quant à lui, propose des produits dans le hardware (écrans, enceintes et autres), mais est aussi très présent sur d’autres médias : musique et cinéma avec Columbia, une envergure un peu trop pesante dans le domaine de l’animation (beaucoup de rachats ont été faits par Funimation, Crunchyroll pour n’en citer qu’un).
Tandis que Microsoft possède un quasi-monopole dans le secteur du système d’exploitation sur PC et de ses divers logiciels et applications utilisés partout dans le monde comme Skype ou LinkedIn (on se délectera des larmes de Microsoft criant au monopole d’Apple concernant l’appstore, le rachat de King étant un moyen direct de concurrencer Apple sur ce terrain), la question se pose donc : est-ce que Nintendo aura les reins assez solides dans cette concurrence acharnée où le jeu vidéo semble occuper une place de plus en plus secondaire ?
N’oublions pas que cette guerre se livre, comme on l’a vu, sur le secteur du jeu mobile, du streaming, mais aussi sur le terrain du transmédia. On sait que Sony n’est pas avare de ce côté avec les adaptations de The Last of Us, Uncharted, Gran Turismo, Spider-Man et un projet God of War et Horizon en cours pour Netflix et Prime Video.
Nintendo se montre un peu moins rapide avec un Super Mario Bros. réussi (2023). On sait toutefois que la collaboration entre Illumination et Big N n’en est qu’à ses prémices – des adaptations de Zelda, Donkey Kong et Luigi’s Mansion sont en cours de réalisation – et a pu séduire, sans pour autant avoir l’impact d’un Last of Us sur Prime Video, le format sériel y étant peut-être aussi pour quelque chose. Comme on le voit, la guerre est rude et son visage n’a pas fini de changer.
Dans une industrie où chacun crie au monopole sans montrer toutes ses cartes, tous les coups (bas) sont permis. Pour rebattre les cartes après cette bourde monumentale de la part de Microsoft, Phil Spencer a annoncé récemment que ces documents leakés étaient obsolètes. Le rachat de Nintendo n’est donc pas pour tout de suite. Sur des prévisions à court et moyen termes, beaucoup de choses peuvent changer, mais les prévisions plus globales planifiées sur des décennies restent quant à elles, comme on peut le penser, inchangées. À voir si les fantasmes du boss de Xbox rejoindront une réalité plus ou moins proche.
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