Rétro (mais pas trop), c’est la chronique qui rebondit sur l’actualité pour revenir en arrière et évoquer l’histoire d’un jeu vidéo, ou du jeu vidéo. À l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la franchise et de la ressortie des deux premiers jeux sur PC, nous vous proposons de redécouvrir l’histoire des Sims, le plus célèbre simulateur de vie.
Si vous avez grandi dans les années 2000, vous n’avez pas pu passer à côté du phénomène Sims. Le prisme vert au dessus de la tête, les gros pixels pour flouter la nudité, la fameuse technique de l’échelle qu’on retire de la piscine une fois le personnage dans l’eau… Des éléments qui font quasiment partie de la pop culture, au même titre qu’une figure comme Mario ou Sonic. Tout le monde a déjà joué à ce simulateur de vie au moins une fois, ou connait quelqu’un qui passe des heures sur les Sims 4, à habiller ses poupées virtuelles et à leur faire vivre des histoires dignes des plus grands soap opéras.
En 2025, cette franchise culte souffle sa vingt-cinquième bougie. Quatre opus, des dizaines de spin-offs, des millions d’exemplaires vendus, une communauté de fans très active… Les Sims ont su se positionner comme les rois du jeu vidéo de simulation de vie. Mais après un quart de siècle, le règne ne commencerait-il pas à montrer des signes de déclin ?
Au commencement était le Sim
Les Sims sont la création de Will Wright, fondateur de Maxis à qui l’on doit également les jeux SimCity. En 1991, le développeur perd sa maison dans les incendies qui ravagent la Californie. De cette tragédie nait l’idée à l’origine des Sims : Wright doit tout reconstruire et se procurer de nouveaux meubles. Il se dit alors qu’il pourrait retranscrire cette expérience dans un jeu vidéo qui serait une sorte de maison de poupées virtuelle, un zoom sur les habitants d’un quartier de l’univers de SimCity.
En 2000, le premier opus des Sims sort sur PC. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas la première simulation de vie de l’histoire du jeu vidéo. Little Computer People, sorti sur micro-ordinateur en 1985, est d’ailleurs l’une des inspiration de Will Wright. Mais c’est de toute évidence le titre le plus connu du genre, qui domine le marché depuis ses débuts.
Sur le papier, le jeu devrait pourtant nous sembler inintéressant au possible : les Sims reproduisent la vie réelle, avec les tâches ménagères, les factures à payer, le bébé qui pleure toute la nuit… Les jeux vidéo ne devraient-ils pas nous permettre de nous évader de ce quotidien banal ? Pourtant, le titre est vite un immense succès, car finalement, c’est un grand bac à sable dans lequel le joueur agit tel un dieu : on contrôle toutes les actions de nos personnages, on peut décider de leur donner une vie parfaite, de leur faire traverser les pires calvaires, ou simplement laisser les Sims jouer seuls et observer le chaos qui se déroule sur notre écran.
Will Wright pense sa maison de poupée virtuelle comme une satire de la société de consommation américaine, sorte de miroir déformant bourré de clichés. Nos personnages vivent l’American dream, peuvent devenir très riches en gravissant tous les échelons de leur carrière, ont une maison de plus en plus grande, s’achètent des objets de plus en plus onéreux, preuve de leur réussite. La notice du premier jeu est d’ailleurs accompagnée d’une bibliographie détaillée, avec des ouvrages sur l’architecture, la philosophie, l’économie ou la psychologie.
Les Sims n’ont pas de vrai but : point de quête à accomplir ou d’objectifs à réussir, si ce n’est de maintenir notre personnage en vie. Cette liberté, c’est ce qui va plaire aux joueurs ! Recréer ses proches, inventer des histoires, meubler sa maison de rêves, et satisfaire les besoins vitaux de son Sim… Au fil des extensions, les Sims développent un univers de plus en plus loufoque, avec un humour toujours satirique qui fera aussi le succès de la franchise.
Des jeux en constante évolution
Le premier opus des Sims s’est écoulé à onze millions de copies, sans compter ses sept disques additionnels. En 2004, les Sims 2 débarquent, avec leur lot de nouveautés. Tout d’abord, c’est l’entrée de la franchise dans la 3D, qui renforcent encore l’immersion et l’investissement du joueur dans ses histoires, contrairement à la vue plongeante au dessus de la maison.
Mais ce sont surtout les nouveaux éléments de gameplay qui vont ajouter du réalisme au jeu : les personnages ont maintenant un ADN, avec des traits physiques qui se transmettent de génération en génération, des envies et des peurs. Ils vieillissent, et chaque étape de la vie offre de nouvelles activités. Les interactions sociales sont plus nombreuses, et permettent de créer des histoires plus riches. Les Sims 2 enrichissent aussi le lore de la franchise : certes un élément en retrait au profit de l’aspect bac à sable du jeu, mais qui continue à influencer la série aujourd’hui. Le titre inclut donc une histoire, avec des PNJ qui ont déjà un passé et des relations.
En dix jours, les Sims 2 s’écoulent à un million d’exemplaires : un record à l’époque ! Le titre sera lui aussi accompagné de plusieurs DLC qui ajoutent à chaque fois de nouveaux éléments de gameplay, comme la possibilité de suivre des études universitaires ou d’adopter des animaux.
En 2009, les Sims 3 arrivent aussi avec toujours pour objectif de rendre l’expérience plus immersive et réaliste. Le jeu propose pour la première fois de vivre dans une ville en monde ouvert, sans temps de chargement entre chaque bâtiment. Les personnages ont aussi pour la première fois des traits de caractères, qui vont influencer leur comportement et leurs relations, et qu’on peut combiner à volonté pour créer des Sims à la personnalité unique. Une fois encore, ce troisième opus est un succès commercial dès les premiers jour de son exploitation, et reçoit de bonnes critiques, même si certains joueurs commencent déjà à regretter le charme des Sims 2.
Les Sims 4 : de critique de la société de consommation à roi du capitalisme ?
La franchise a toujours fonctionné sur le même modèle : un jeu de base à installer, puis des disques additionnels, ou packs d’extensions, que le joueur pouvait choisir d’acheter pour ajouter du contenu à ses parties (nouveau gameplay, nouveaux objets pour construire et décorer, et nouveaux éléments pour relooker ses Sims). La facture pour avoir un jeu complet peut donc très vite grimper.
Les Sims 3 introduit également un système de boutique en ligne pour se procurer du contenu additionnel, en plus des nombreuses extensions déjà disponibles. Pour quelques euros, on pouvait acheter un nouveau monde ou une voiture par exemple. À ce moment, certains joueurs commençaient déjà à se montrer plus méfiants.
Le quatrième opus de la série sort en 2014. Les nouveautés promises par les Sims 4 ont de quoi faire rêver fans : ajout des émotions qui influencent le comportement des personnages, capacité de faire plusieurs choses en même temps, modes construction et créer un sim plus poussés et intuitifs… Mais lors de la parution du jeu, c’est la douche froide. Beaucoup d’éléments pourtant bien implantés dans la série manquent à l’appel. Pas de piscines, pas de bambins, pas de fantômes, une map minimaliste, plus de monde ouvert. Beaucoup de fans sont très déçus, et pour la première fois de l’histoire des Sims, un jeu est loin de faire l’unanimité.
Malgré tout, les Sims 4 se vend bien, tout comme les extensions. C’est l’opus qui détient le record de longévité par rapport à ses prédécesseurs, et il continue à recevoir des ajouts, payants ou gratuits. Mais les fans, qui restent tout de même fidèles, sont de plus en plus nombreux à critiquer Electronic Arts pour son travail sur leur franchise préférée. En plus de dix ans d’exploitation, les Sims 4 ont eu droit à pas moins de quatre-vingt-neuf DLC, donc quarante kits (des packs de quelques objets cosmétiques vendus pour 5 €). Même si le jeu de base est devenu gratuit en 2022, il faut compter un SMIC pour s’offrir tous les contenus additionnels.
De plus, même si certaines erreurs ont été corrigées depuis (les piscines, les bambins et les fantômes sont arrivés plus tard avec des mises à jour gratuites par exemple), de nombreux fans regrettent toujours l’absence de quelques éléments pourtant présents dans les Sims 1, 2 et 3 : le quatrième opus n’a toujours pas de voitures jouables, il n’est toujours pas possible de créer un personnage de fée… Dans l’ensemble, beaucoup trouvent le jeu trop facile (on peut devenir très riche assez rapidement dans les Sims 4), et surtout trop aseptisé et gentillet. Il semblerait que le jeu vise un public plus large, plus familial.
Une communauté de joueuses toujours fidèles
Depuis vingt-cinq ans, les Sims ont une communauté toujours aussi investie. Les fans ne se contentent pas de jouer dans leur coin. Dès les années 2000, à la grande époque des Skyblogs, on pouvait suivre les parties d’autres joueurs qui narraient les aventures rocambolesques de leurs personnage façon roman photo. Aujourd’hui, ce sont de véritables séries qu’on peut suivre en vidéo sur YouTube. Electronic Arts a bien compris l’importance de cette communauté, et met souvent en avant des têtes connues par les fans des Sims, en invitant des influenceurs à des événements sur Twitch, ou en proposant à des créatrices de contenu de construire elles-mêmes les bâtiments d’un DLC.
Selon Maxis, 60 % des joueurs des Sims seraient des joueuses. La franchise est parfois qualifiée, sur le ton de la moquerie, de « jeu pour filles ». Dès le début des années 2000, divers commentateurs soulignent la popularité du jeu auprès du public féminin, à une époque où le jeu vidéo était considéré comme un loisir pour garçons. On pourrait longuement disserter sur le marketing genré, sur la supposée appétence des femmes pour des jeux centrés sur les relations sociales, sur l’image négative des « jeux pour filles », mais des chercheurs en sociologie l’ont déjà fait mieux que nous. On peut toutefois noter que selon une étude publiée par l’université de l’Arizona, jouer aux Sims a aidé des jeunes femmes à s’intéresser à l’informatique, au code, et au développement de jeux vidéo, notamment grâce à la scène modding, un autre aspect central de la communauté des Sims.
Les questions de diversité et d’inclusion ont toujours été présentes dans la franchise, qui était en avance sur son temps. Dès le premier opus, on avait la possibilité de jouer un couple du même sexe, avec qui on pouvait adopter des enfants. Will Wright a dédié le premier jeu à Danielle Bunten Berry, une développeuse transgenre. Plus récemment, dans les Sims 4, le jeu a ajouté l’option de concevoir un bébé par FIV ou d’incarner des personnages transgenres ou non-binaires de manière plus réaliste.
Quel avenir pour les Sims ?
On l’a vu, malgré les critiques autour de la franchise, il semble que les Sims se portent toujours bien. Pour le vingt-cinquième anniversaire du jeu, Electronic Arts a ressorti les deux premiers opus sur PC, a proposé des mises à jours gratuites dans les Sims 4, et un nouveau pack d’extension est prévu dans les prochaines semaines. L’un des spin-offs de la série, MySims, va également avoir droit à une version PC. On sait aussi qu’un film est en préparation. À l’heure actuelle, le roi des simulations de vie semble très bien installé sur son trône et risque d’y rester encore un moment.
Certains fans attendent néanmoins les Sims 5 avec impatience. Electronic Arts, qui avait longtemps teasé un futur jeu sous le nom de code « Projet René », a récemment dévoilé qu’il s’agirait en fait d’une sorte de version multijoueur des Sims en free-to-play, et pas d’une suite directe. En attendant, les éventuels concurrents ont peine à arriver sur le marché, mais les quelques prétendants au trône sont scrutés avec attention. Paralives, en développement depuis 2019, est l’un des candidats les plus prometteurs avec son monde ouvert et ses graphismes doux. De son côté, inZOI, jeu coréen photoréaliste qui sera disponible en accès anticipé le 28 mars, semble bien capable de pouvoir tenir la dragée haute à la franchise au prisme vert.
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