Depuis son premier opus en 1997, la saga Grand Theft Auto (GTA) est devenue l’une des franchises de jeux vidéo les plus populaires et controversées de l’histoire. La violence y occupe une place centrale, provoquant des débats incessants et une indignation de façade chez certains, tandis que d’autres y voient un simple exutoire. Si les critiques sont restées constantes, la perception sociale et médiatique de cette violence a, quant à elle, évolué au fil des décennies. Quoi qu’on en dise…
Lorsque Grand Theft Auto sort en 1997, son concept est révolutionnaire : un monde ouvert dans lequel le joueur incarne un criminel pouvant voler des voitures, fuir la police et commettre divers actes illégaux. Bref, un simulateur de délinquance pixelisé. Bien que les graphismes soient aussi impressionnants qu’un écran cathodique allumé à la batte de baseball, la violence inhérente au jeu suscite de vives critiques. Les médias et certaines associations crient au scandale.
Mais, soyons honnêtes, le public reste relativement restreint. À l’époque, les parents s’inquiétaient encore plus du temps passé sur Pokémon et leurs combats de monstres. L’acceptabilité de la violence dans GTA est alors perçue comme un péché mignon pour certains joueurs en quête de rébellion virtuelle.
Avec GTA III (2001), la franchise entre dans la cour des grands. La 3D fait son apparition, et soudain, tabasser des piétons semble plus « réaliste ». Le jeu devient un phénomène culturel, mais aussi le punching-ball favori de politiciens en quête de popularité ou bien d’avocats en quête d’argent facile. Il faut se souvenir de Jack Thompson, avocat de l’état de Floride spécialisé dans les cas d’erreurs médicales jusqu’au jour où il découvre GTA…
Dès lors, pendant dix ans, la licence restera son obsession. Il deviendra, malgré lui et grâce à ses tirades, l’archétype d’un PNJ « too much » de la licence. Tout fait divers impliquant des adolescents était tout simplement attribué aux jeux vidéo et à leur influence. Il déclarera que tout enfant jouant trop à Vice City se verrait affecté au niveau du développement de ses lobes frontaux (sic), que GTA IV était le plus grand désastre pour la jeunesse depuis la poliomyélite (si, sic). En 2008, Thompson fût radié du barreau de Floride pour harcèlement dans le cadre professionnel de la conduite de ses affaires. So Rockstar…
Durant cette période donc, les critiques se cristallisent autour des actions possibles en jeu : renverser des passants, tirer sur la police ou encore solliciter les services de prostituées. Pourtant, l’acceptabilité sociale de la violence commence à changer. Le jeu vidéo n’est plus perçu comme une simple distraction pour geeks, mais comme un médium à part entière, où la violence devient une liberté d’expression. En gros, de l’art contemporain en mouvement.
Avec GTA: San Andreas (2004), puis GTA IV (2008), la franchise pousse encore plus loin le réalisme. Les personnages ont des motivations complexes, et leur passé devient presque une histoire poignante. Le jeu commence à s’imposer comme une satire sociale où les protagonistes sont à présent des produits de leur environnement, de leur société. Bref, la violence devient un outil narratif, comme au cinéma depuis des dizaines d’années.
Dès lors, l’acceptabilité de la violence dans GTA semble s’accroître. Après tout, si Hollywood peut nous servir des films ultra-violents pour mieux en dénoncer ses racines, pourquoi le jeu vidéo ne pourrait-il pas en faire autant ? Le public comprend mieux la dimension parodique du jeu et les critiques s’estompent peu à peu.
Avec l’écriture de GTA V (2013), Rockstar Games décide d’enfoncer le clou. Le jeu est un bijou d’optimisation donnant vie à un Los Angeles plus vrai que nature où s’entremêlent les destins croisés de ses trois personnages. La mission où l’on torture un personnage avec des pinces et de l’électricité ? Un scandale bien sûr… mais aussi le point d’orgue stridant de la construction du personnage le plus ambitieux, le plus torturé et violent du casting. Le miroir ignoble d’un certain « american dream » moderne où tout est permis pour réussir. Du Trumpisme avant l’heure, en somme.
À ce stade, l’acceptabilité de la violence semble définitivement acquise. Les polémiques existent toujours, mais elles peinent à convaincre un public qui a depuis longtemps intégré que GTA est une exagération satirique d’une certaine société américaine. Après tout, Kubrick, De Palma, Coppola, Scorsese, Lynch, Tarantino sont passés avant. On commence à accorder au jeu vidéo et à GTA en particulier, une certaine filiation.
Avec l’annonce de GTA VI. les débats sont relancés, mais dans un contexte différent. L’époque est à la sensibilisation aux discriminations, aux genres et à la violence systémique. Rockstar pourrait-il faire évoluer sa recette ? Une protagoniste féminine a été annoncée, et certains y voient déjà un virage progressiste. D’autres, plus cyniques, se demandent juste si elle pourra aussi voler des tanks et foncer sur des piétons sans que cela déclenche de nouvelles polémiques.
L’acceptabilité de la violence dans GTA suit une tendance de fond : plus le jeu vidéo est reconnu comme un art, plus on tolère sa violence, tant qu’elle est pertinente ou du moins, brillamment mise en scène. Le débat persistera sûrement, mais au final, Rockstar sait depuis longtemps que la controverse et les scandales sont ses meilleurs arguments marketing.
Dès lors, deux questions se posent en 2025 à quelques mois de la sortie du jeu : De scandales, en ont-ils seulement encore besoin aujourd’hui ? Et prendront-ils le risque de porter leur satire jusqu’au seuil du bureau ovale d’un pays passé au vitriol, sous leur plume, depuis bientôt trente ans ? D’oser mettre en lumière, à leur tour et à leur façon, une autre forme de violence ? Quelle ironie que GTA 6 soit peut-être le produit culturel de sa décennie à pouvoir se le permettre, la caisse de résonance la plus pertinente. Alors, Rockstar en 2025 ? Brulot anti-trumpiste ou simple trumpettiste ?
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