Bien que nous venions à peine d’achever une année historique tant en termes de quantité que de qualité vidéoludique durant laquelle nous nous sommes régalés comme rarement devant des Baldur’s Gate 3, Zelda, Mario, Lies of P, Resident Evil et tant d’autres, une question commence pourtant à nous tarauder l’esprit : est-ce que cela valait bien le coût ? Car comprenons-nous bien, si nous ne remettons pas en cause le plaisir ressenti devant tous ces jeux vidéo, n’est-ce finalement pas une erreur que de nous précipiter dessus « Day One » ?
On pourrait croire qu’on enfonce des portes ouvertes avec ce postulat, mais la réponse n’est pas si évidente. Alors effectivement, on entend bien souvent qu’attendre pour jouer aux dernières sorties est le meilleur moyen de pouvoir se les payer au meilleur prix. Une affirmation qui n’est, en France en tout cas, que partiellement vraie.
Avec une fixation des prix des jeux neufs extrêmement agressive de la part de certains acteurs du marché hexagonal, Carrefour ou Leclerc notamment, on a pu constater ces dernières années que le prix d’achat en précommande dans ces magasins correspondait plus ou moins aux prix de revente sur les sites de particulier à particulier (Leboncoin ou Vinted) sur les premières semaines voire mois de commercialisation. De fait, en étant attentif au marché, il est possible de jouer aux derniers jeux vidéo pour presque pas un sou.
L’autre musique qui résonne souvent dans les sphères des joueurs réfractaires au Day One, c’est qu’à la sortie, les jeux sont presque systématiquement dans leurs versions les moins abouties. Entre les patchs et diverses mises à jour arrivant au fil de l’eau, on peut difficilement leur donner tort, bien qu’on puisse exclure de cet état de fait la très large majorité des jeux first party de Nintendo.
Ainsi, c’est en faisant les jeux quelques mois après leur commercialisation qu’on bénéficie d’une expérience plus stable et de manière globale mieux finie. D’autant que, avec régulièrement des contenus additionnels et autres Season Pass sortant des mois voire des années après le jeu de base (coucou Elden Ring), on se retrouve presque dans une situation où l’on doit refaire les jeux pour pouvoir pleinement en profiter.
Ne nous mentons pas, combien de DLC avons-nous dans notre bibliothèque virtuelle, achetés ou obtenus gratuitement, que nous n’avons jamais lancés, faute de temps ? Avec la profusion de sorties, qui a le temps de rejouer à ses anciens jeux « juste » pour en faire ses DLC ? Il y a bien quelques contre-exemples, comme Cyberpunk 2077 récemment, mais ils restent minoritaires. Car bien souvent, qu’ils soient bons ou non, ces ajouts sont rapidement ignorés. Et si c’est pour laisser s’entasser les boîtes, faute de temps pour les ouvrir, à quoi bon s’en encombrer ?
De quoi donc donner raison aux joueurs les plus patients qui peuvent alors profiter de leurs jeux vidéo dans leur entièreté dès leur première partie tout en gérant de manière plus raisonnable leurs backlogs. Toutefois, outre une exposition accrue aux spoils, il existe un gros risque à ce que, collectivement, nous décidions de ne plus nous laisser envahir par l’attrait de la nouveauté et d’arrêter de succomber aux sirènes du Day One.
En effet, et on a pu le constater l’an dernier via l’interview de Shuhei Yoshida accordée à The Guardian, lequel confesse que God of War: Ragnarök a été le projet le plus coûteux de PlayStation, les titres solos narratifs aux sources de rémunération plus restreintes ont besoin d’être des succès commerciaux dès leur sortie. Et malgré un excellent départ en termes de ventes, rien n’était encore vraiment garanti pour le titre de Santa Monica Studio.
Un risque donc financier pour ces grosses structures qui pourrait se traduire par des productions plus rémunératrices (jeux-services, microtransactions, DLC…) ou moins ambitieuses (et donc moins coûteuses). Nous sommes à une période charnière de la jeune histoire du jeu vidéo. Le Day One est aujourd’hui d’une importance capitale, surtout avec la menace pour les jeux vidéo solo que représentent les offres d’abonnement, et indispensable à la santé financière des développeurs.
Il n’y a pour autant pas de bonne façon d’aimer, de jouer ou de consommer les jeux vidéo. Tout n’est qu’affaire de possibilités et de choix. Ce sont nos décisions, individuelles et collectives, qui donnent le tempo de notre marché préféré. Qu’est-ce que l’on souhaite pour le jeu vidéo de demain ? Le physique ou le dématérialisé, l’abonnement ou l’achat unitaire, Xbox ou PlayStation, le Day One ou le Slow Gaming… autant de choix dont les conséquences se répercuteront sur la décennie à venir. Alors, choisissons bien.
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