Généralement admis comme un médium destiné au jeune public, le film d’animation a une tâche particulière : émerveiller son spectateur. Évidemment, cet émerveillement s’effectuera dans un premier temps par le biais de la forme. Un aspect sur lequel Le Royaume des Abysses, nouveau film de Tian Xiaopeng prévu pour le 21 février dans les salles obscures, l’emportera sans aucun mal (ou presque). Car, bien que celui-ci nous en mette plein la vue, il n’est pas dénué d’une poignée de défauts dans le suivi de l’action.
Mais, au-delà, ce qui posera légèrement problème est avant tout vers l’écriture de l’histoire. Ce n’est pas tant un souci quant à la qualité de la proposition (même s’il y a quelques problèmes sur ce point) qu’à la teneur même des thématiques mises en exergue. Les apparences sont trompeuses. Derrière des dehors enjôleurs et un message porteur d’espoir se cachent quelques ténèbres qui ne conviendront pas à tous, notamment chez les plus jeunes spectateurs.
Couleur et bonne humeur
Après son premier essai en 2015 avec le film Monkey King: Hero is Back (adapté de l’œuvre Voyage en Occident), qui a été un succès commercial en Chine comme en témoignent les 140 millions de dollars de recettes engrangés, Tian Xiaopeng s’est rapidement mis à la tâche sur la présente création. Le temps passé est impressionnant : sept années auraient ainsi été nécessaires à la réalisation de l’œuvre. Ce que l’on peut concevoir sans mal à la vue du résultat mis devant nos yeux ébahis.
Visuellement parlant, c’est effectivement ce que l’on peut littéralement appeler un feu d’artifice. Les couleurs pétillent et nous envoient dans un monde onirique. Une volonté partagée par le réalisateur lui-même. Car c’est dans cette finalité que ce dernier a développé, comme il l’a lui-même dit lors d’une interview, une technique novatrice mélangeant 3D et un style propre à renvoyer à la peinture chinoise à l’encre. Un amalgame qui aura pour effet de confronter deux mondes, l’un étant d’un réalisme froid et l’autre fantaisiste, touchant au style impressionniste.
Cependant, bien que cela puisse paraître bluffant, il y a malgré tout quelques points négatifs dans cette explosion de couleurs. Le Royaume des Abysses en fait trop, et cela pèse. Il est parfois bien difficile de suivre l’action, de s’y repérer et de distinguer nos personnages dans ce magma de bigarrures. Lorsqu’il y a un peu trop de mouvements, tout devient un peu confus au point de fatiguer notre œil qui tente de s’y accrocher. Ainsi à quoi bon tenter de faire du beau si le tout se retrouve caché sous une avalanche de détails ?
Ce surplus d’effets visuels peut donc véritablement irriter et lasser, allant jusqu’à décrocher l’attention du spectateur. Toutefois, il y a une cohérence dans cette effusion. Du moins, on peut lui en trouver une. Une cohérence qui prendra malheureusement tout son sens une fois l’histoire découverte dans sa totalité. Et c’est ce qui est regrettable ou, du moins, peut être considéré comme tel, car Le Royaume des Abysses ne tire finalement pas sa réelle force dans ses images.
Au sein de la lumière, l’ombre se cache
Évidemment, on se bornera au minimum vis-à-vis de l’histoire proposée. Trop en dire gâcherait probablement l’expérience. En fait, rien que d’en parler est un exercice périlleux. Cela créera forcément de l’attente, et donc annihilerait en quelque sorte une partie de la surprise. Et cette surprise, c’est l’élément fondamental du film. Alors, on vous avertit, si votre souhait est de découvrir peu à peu le film, il ne vous est que conseillé d’arrêter la lecture.
Toujours est-il qu’il est intéressant d’en discuter pour la simple raison que Le Royaume des Abysses est très riche à ce niveau. Et puis, il nous est difficile de cacher l’envie (un peu prétentieuse peut-être) de donner de la visibilité à une œuvre provenant d’une région du monde qui n’est pas souvent mise en avant dans le domaine de l’animation. Un secteur qui, on le remarque sans mal, est dominé la plupart du temps par des productions américaines (à l’instar des films Disney) ou bien par la l’animation japonaise et son représentant le plus solide : Ghibli.
Passer à côté serait vraiment dommage. Alors oui, il n’est pas dénué de défauts plus ou moins lourds. Il y a ceux que l’on vous mentionnait plus haut à propos des effets visuels, mais il y a en aussi d’autres sur le plan scénaristique. En effet, sur la structure même de la narration, ou du moins vis-à-vis de certains éléments narratifs, Le Royaume des Abysses pêche. Quand certains y verront un manque d’identité véritable, d’autres n’éprouveront probablement que de l’ennui.
Ce qui pose problème touche à tout ce qui peut être considéré comme vecteur de dynamisme tels les parties chantées ou les passages humoristiques. Si les premières auront la fâcheuse tendance à rappeler d’autres œuvres du même genre (dont celle du spécialiste Disney), les autres auront peine à dégager un petit rire du fait de leur exagération. Et ce n’est pas tout. Il y aura, par exemple, l’intégration d’éléments qui font fausses notes. Chose que l’on remarquera avec la présence de petites créatures qui ont pour fonction d’être des espèces de mascottes. Une tentative qui, à nos yeux, est totalement ratée (et inutile).
À rebours de ce que l’on a raconté, il apparaît donc que ce qui est contenu dans le film est propre à satisfaire l’enfant et, très probablement, perdre l’adulte. Ainsi, il est donc une question qui peut survenir : pourquoi Le Royaume des Abysses n’est-il pas spécialement une œuvre à mettre entre toutes les mains ? Le souci réside dans un élément du récit bien particulier. Et là, c’est assez brutal.
Une belle découverte
Cet élément-ci porte l’œuvre et provoquera, nous l’imaginons sans mal, un déferlement d’émotions (du côté des plus sensibles), en plus de donner une autre dimension au film. Ce que l’on croyait être n’en est finalement rien. Et même, notre regard va jusqu’à modifier le jugement que l’on avait pu avoir sur le deuxième protagoniste de notre histoire. D’agaçant, et presque méprisable, le personnage prendra un tout autre visage, jusqu’à braquer l’intégralité de la lumière sur lui. Son caractère irascible qui l’anime tout au long du film trouve son explication. Et si, finalement, le procédé n’a rien de novateur, il reste particulièrement efficace.
L’explosion d’émotions transporte ainsi un film aux apparences banales et rébarbatives vers un niveau plus élevé, plus appréciable. Il tente de faire réfléchir, ou plutôt, il nous amène à nous questionner, à relativiser des situations qui nous submergent parfois. En tête des thèmes abordés, on retrouvera un sujet que l’on connaît tous, à des degrés différents certes : la dépression. Un message global empli d’espoir qui aura un effet positif sur le récit. En quelque sorte, il le dépouillera d’un certain manichéisme, entre bien et mal, ou plutôt entre un monde réel délétère et la magie onirique apaisante.
Cette dualité, on la voit, comme énoncé plus haut, à travers l’utilisation même des couleurs. Mais elle sera abolie, en faisant converger justement ces deux valeurs contraires. En substance, la conclusion tend vers la notion d’acceptation. Accepter les vicissitudes de la vie, comprendre que rien n’est tout blanc ou noir, et continuer d’avancer. Un enseignement simpliste ? À la réflexion faite, c’est peut-être le cas…
Le Royaume des Abysses est une curiosité à voir, et ce même si quelques fois la surabondance des détails aura tendance à perturber l’action qui se déroule devant nos yeux. Qu’à cela ne tienne, l’histoire nous permettra d’être pleinement indulgents vis-à-vis de cette illisibilité et nous donnera par la même occasion une justification à ce désordre.
Oui, bien qu’il pêche quelque peu par sa narration qui ennuiera certainement les moins réceptifs, Le Royaume des Abysses s’en sort assez bien grâce à un retournement de situation assez particulier, lequel relate en quelques manières un combat métaphorique, une lutte entre conscience et inconscience, rêve et réalité, une lutte à la fois cruelle et porteuse d’espoir pour son héroïne et pour le spectateur qui ne pourra vraisemblablement pas ne pas laisser rouler une petite larme.
Stray – Le chat vivra sa seconde vie en film d’animation
Tortuga76ers
Vampire Survivors – Une série d’animation dans les tuyaux
Lila
Borderlands le film – Pandora bientôt sur grand écran
EcureuilRouge