Mettez-vous deux minutes dans la peau d’un prof. Ce dernier, comme beaucoup, a un chouchou. Il ne le reconnaîtra pas, mais c’est pourtant un fait. Un gamin avec une bonne bouille, plutôt sérieux en classe, rigolo et attendrissant. Mais ce gamin, un jour, lui rend un travail franchement raté. Le prof sait que le petit n’a pas un mauvais fond, que les accidents, ça arrive. La mauvaise note, en vérité, il ne la mérite pas. Mais en même temps, difficile de nier les fautes énormes dans son devoir. Que faire ?
On se retrouve un peu dans cette situation avec Behind the Frame, un jeu pétri de bonnes intentions, charmant par endroit, mais plombé autant par son manque de moyens que par certaines incohérences…
(Critique de Behind the Frame réalisée sur PC via une version fournie par l’éditeur)
My little girl, drive paint everywhere
Dans Behind the Frame, on suit le quotidien d’une jeune peintre qui tente d’être sélectionnée pour participer à une prestigieuse exposition. Alors qu’elle réalise le tableau qui pourrait lui ouvrir les portes de la galerie, elle rêvasse en observant son voisin, un vieux monsieur taiseux, lui aussi peintre.
La jeune artiste se laisse aller à ses tâches du quotidien, mais quelque chose qu’elle a aperçu chez le voisin la travaille. Une toile, qui lui dit quelque chose, comme un souvenir qui se serait effacé…
Et en effet, les toiles du jeu sont comme autant de souvenirs qu’il faudra rendre à la jeune femme pour retracer son histoire.
Un charme indéniable se dégage du jeu, avec ses (courtes) scènes animées, plutôt réussies, le quotidien, tranquille et réconfortant, qu’on doit jouer (faire du café…). Et la fin est particulièrement maligne, même si dès le départ, on avait la clé pour la deviner (nous n’en dirons pas plus !).
I’m going cheap tonight
Hélas, tout cela est plombé par une écriture et un game design pas exactement en place. Des pseudos puzzles à six pièces niveau dix-huit mois, des énigmes déjà évidentes, et pourtant encore facilitées par de grossiers indices laissés par l’héroïne, ou encore des jeux de conséquences qui ne tiennent absolument pas debout, comme : j’ajoute telle couleur sur le tableau et pouf, un tiroir secret s’ouvre sous celui-ci pour me donner le prochain objet clé ?! Alors, la fin expliquera en partie cette « diablerie », mais tout de même…
Le jeu est saupoudré de genres, et finalement ne fait que les effleurer sans que l’ensemble n’ait vraiment de goût. Du life sim limité à trois ou quatre actions qu’on va répéter jour après jour, des puzzles beaucoup trop faciles, des énigmes environnementales qui semblent destinées à des enfants de moins de six ans, le tout pour habiller un visual novel que la toute fin réussit à sauver, mais de justesse.
Cependant, cela nous peine de devoir faire ce constat, car on sent malgré tout que le jeu a été conçu avec amour. La parabole que représente la peinture est touchante, les quelques tableaux dont il faut sortir, façon escape room, sont plutôt jolis… Malheureusement, on a l’impression que les éléments de gameplay ont été collés un peu artificiellement sur un visual novel dans lequel l’argument vidéoludique principal consistait avant tout à faire du « coloriage ».
Quelqu’un a dû souffler au studio que ce ne serait pas suffisant pour sortir le jeu, et les énigmes auront été ajoutées par-dessus le projet originel…
Dommage, avec une aventure qui se parcourt en une heure environ, cela aurait pu être le jeu idéal d’un dimanche pluvieux. Si graphiquement, Behind the Frame est charmant, la technique est à la ramasse (problème de budget, sûrement), mais surtout, côté gameplay, cela manque totalement de consistance. Dans le même genre, on conseillera avec beaucoup plus d’enthousiasme Assemble with Care, l’exclu Apple Arcade depuis passée sur Steam, qui assume aussi son absence de difficulté, mais maîtrise beaucoup mieux l’intégration d’éléments de gameplay dans sa narration, et a de plus la bonne idée d’être intégralement doublé avec beaucoup de talent par Rebecca LaChance.