Attendue et redoutée par des fans échaudés, le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, série au budget d’ores et déjà le plus important de l’histoire, vient de clôturer vendredi dernier sa première saison.
Deux choses sont certaines : tout d’abord, si ça n’avait été Amazon, probablement personne n’aurait eu la possibilité et l’audace de mettre autant de moyens afin de narrer une histoire inédite de la Terre du Milieu. Entre le coût pour simplement obtenir les droits des « périodes non-détaillées » par Tolkien, et la pression de produire une œuvre à la hauteur à la fois du classique original, pilier de l’heroic-fantasy moderne à la profondeur infinie, et de la trilogie fétiche de Peter Jackson, il fallait des épaules d’uruk-hai pour se lancer dans une telle entreprise.
Ensuite, cette première saison des Anneaux de Pouvoir ne saura satisfaire tout le monde. Ses créateurs font des choix ne pouvant respecter parfaitement le livre original et ses déclinaisons (le Silmarillion notamment), ce qui pourra contrarier les fans les plus intransigeants. Dans le même temps, l’histoire que l’on nous propose reste ancrée dans un univers qui date d’il y a bientôt un siècle, et certains lui reprocheront d’être trop classique par rapport aux récits fantastiques actuels, de ne pas prendre de risque créatif.
Cette première saison est donc un concours de dribles pour ses créateurs, n’ayant malheureusement pas la possibilité de décevoir tant l’investissement aura été important. À nos yeux, ce pari est réussi : cette nouvelle épopée en Terre du Milieu aura été enchanteresse.
(Critique incluant des images issues des différents épisodes et pouvant vous spoiler – vite fait – quelques éléments scénaristiques)
Une esthétique époustouflante
C’est sans conteste la plus grande réussite de la série : elle aura détruit des rétines et marqué par son esthétique. Le sens du détail et de la finition est présent à tous les niveaux, notamment dans le maquillage et les costumes, bluffants de réalisme. Pour citer l’autre, Amazon « a dépensé sans compter ».
Et il ne s’agit pas que de poudre aux yeux, non. Le résultat donne une tangibilité et une profondeur aux différentes espèces de l’univers de Tolkien, et stimule l’imagination du spectateur. On pourrait se perdre dans la beauté condamnée du monde que traversent nos héros.
D’ailleurs, le casting est tout simplement parfait. Tous les acteurs incarnent avec brio leurs personnages, avec une mention spéciale pour Morfydd Clark (Galadriel), Robert Aramayo (Elrond) et Daniel Weyman (L’étranger). Vous retrouverez également dans la série Josph Mawle (Adar), que vous avez déjà aperçu dans Game Of Thrones (Benjen Stark). Un casting cinq étoiles, donc, proposant des acteurs qui ne surjouent pas et saisissent parfaitement l’essence même de leurs protagonistes.
Enfin, le tournage s’est réalisé encore une fois en Nouvelle-Zélande, et la photographie est à couper le souffle. On retrouve les sensations d’émerveillement que nous avaient procuré les paysages de la trilogie du Seigneur des anneaux, et on sait tout de suite que l’on est en Terre du Milieu.
Une parfaite introduction à la richesse de la Terre du Milieu
Vous n’avez jamais mis les pieds en Terre du Milieu ? Tant mieux, car le lore est merveilleusement et savamment détaillé au fur et à mesure que la saison avance. Soulignons la qualité du premier épisode, qui est une parfaite introduction à l’univers de Tolkien, propice à tout néophyte.
Pour les vétérans, cet épisode aura été l’occasion de voir des événements et des lieux fantasmés, absents des films, comme Valinor et ses fameux arbres de lumière : Telperion et Laurelin.
Les événements du premier et du deuxième âge y sont aussi présentés, pour mieux marquer les enjeux du troisième âge et de la chute du Morgoth.
Pour les différents peuples, c’est une période de chamboulements. Les alliances sont révolues, les humains livrés à eux-mêmes, la présence (et la surveillance) des elfes mal vécue depuis qu’ils ont permis de gagner la guerre, tandis que les nains s’isolent pour mieux développer leurs mines.
Tous ces enjeux sont vite compris, mais c’est l’ombre et l’absence de Sauron qui pèse le plus, alors que personne ne sait où il a disparu depuis la défaite de son maître.
Le voyage et les rencontres sont les deux thèmes au cœur de cette première saison, dont les conflits et les velléités résonnent d’autant plus avec le contexte politique actuel. Plus que jamais, on ressent que les problématiques centrales de l’univers de Tolkien resteront pertinentes peu importe l’époque : la guerre, la peur des étrangers et, surtout, le vrai sens de l’espoir.
Certaines répliques à la qualité d’écriture irréprochable sont d’ailleurs de vibrants hommages au style de l’auteur, et resteront dans les esprits.
« Hope is never mere, even when it is meager. When all other senses sleep, the eye of hope is first to awaken, last to shut. » (L’espoir n’est jamais vain, même lorsqu’il est infime. Quand tous les autres sens sommeillent, l’œil de l’espoir est le premier à s’éveiller, le dernier à s’éteindre.) – Gil Galad, à Elrond.
L’émerveillement, plutôt que la réflexion
Aussi belle soit-elle, cette première saison des Anneaux de Pouvoir n’est pas parfaite. La faute à un récit trop simple, neutre (voire même gentillet par moment), loin de l’obscurité pesante la trilogie de l’Anneau.
Les surprises de fin de saison, bien qu’efficaces, sont amenées un peu grossièrement à notre goût, en exagérant sensiblement trop le trait.
La comparaison à Game of Thrones sera inévitable, mais totalement erronée à nos yeux. Là où Georges R. R. Martin nous raconte un récit politique, volontairement adulte depuis ses débuts, l’œuvre de J. R. R. Tolkien est fantastique avant tout, Bilbo ayant été initialement présenté comme un livre pour enfants (même s’il est bien plus que cela). L’univers du seigneur des anneaux se veut plus poétique, une invitation au voyage propice à l’émerveillement et au dépassement de soi malgré la noirceur de l’univers des hommes.
Et cette vision du monde, la série parvient très bien à le retranscrire malgré ses petits défauts.
L’émerveillement, plutôt que la réflexion, voilà comment on pourrait résumer cette première saison des Anneaux de Pouvoir. Le monde de Tolkien est loin d’être superficiel, au contraire, et c’est finalement la brièveté de cette saison qui la condamne à ne pas pouvoir développer tous ces sujets.
Mais après tout, ce n’est pas plus mal, car cela laisse une marge de progression aux saisons suivantes. Si celles-ci sont aussi qualitatives, elles ne pourront en être que meilleures.
À l’image du récit qu’elle présente et du contexte sociétal actuel, le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir est une série qui divisera. Si vous avez en vous un terreau fertile à l’imagination, et si la poésie du monde de Tolkien vous émeut, vous saurez trouver dans l’esthétique léchée de cette première saison de quoi vous satisfaire. Dotée d’une photographie de toute beauté, soutenue par un casting parfait, cette saison pilote nous aura enchantés malgré nos appréhensions initiales.
Idéale pour les profanes de l’univers de Tolkien, la série aura aussi été l’occasion de magnifier à l’écran des moments cruciaux du lore du Seigneur des Anneaux. Une réussite presque totale, et de bon augure pour les saisons à venir, que l’on espère encore meilleures.