On navigue souvent entre l’incompréhension et la fascination face au succès de certains jeux. On peut s’interroger sur la popularité de titres qui semblent si « simples » alors que nos favoris restent dans l’ombre.
Pourtant, des jeux comme Among Us et Lethal Company excellent à capter l’attention médiatique. Leurs concepts, basés sur la tromperie, la coopération chaotique ou l’absurdité, sont parfaitement adaptés au streaming et créent du contenu instantanément viral.
Cette tendance soulève une question légitime : ne serions-nous pas en train d’assister à une véritable renaissance du jeu coopératif sous la forme du Le « FriendSlop » ?
Co op, grosse demande, petite production
Dans notre définition du jeu co op ici nous parlons de PVE (abréviation de Player Versus Environnement), exit donc toutes les formes de coopération face à d’autres joueurs comme League of Legends, Counter Strike et consorts… De plus, nous parlerons ici de genre, raccourci évidemment simpliste qui évite la répétition de formules longuettes.
Si le genre occupe les esprits, la situation est tout de même plus étrange quand on parle de sa place dans le marché. En effet, d’après Video Game Insight les jeux co op ne représentent en 2024 que 5% des jeux sortis mais plus de 45% des jeux vendus. Avec le succès fracassant de Palworld et Helldivers 2 (entre autres) occupant à eux seuls plus de 75% des ventes, les joueurs se sont immédiatement tourné vers la co op pour occuper leur soirée.
Mais la co op inclue également les jeux d’Hazelight Studios dont le fameux It Takes Two récolte le Game of the year 2021 et dont les ventes suivent le rythme pour ce dernier autant que pour le 3ème jeu du studio : Split Fiction. Situation étonnante puisque le studio semble être le seul à proposer une expérience en duo à la portée AA voir AAA.
En termes de marketing, le succès de ces jeux est facile à comprendre : les joueurs eux-mêmes se chargent de la promotion en en parlant autour d’eux. Les réseaux sociaux incitent au partage de moments mémorables, et les plateformes de streaming comme Twitch prospèrent sur la simple capacité d’un groupe d’amis à interagir et à s’amuser.
Les groupes génèrent d’eux même une pression sociale qui pousse à la caisse pour aller s’amuser avec les copains, opération facilité par le prix souvent dérisoire de ces jeux.
Pourtant la production, elle, ne suit pas vraiment. La faute certaine à une charge de travail supplémentaire au niveau du code, de potentiels serveurs (ajoutant par la même occasion une charge monétaire) et tout un tunnel de décisions à prendre concernant l’infrastructure globale du jeu.
En terme de game design par contre, les excuses se font plus rare. Le développeur n’est plus seul dans la fabrication du « fun » puisque le groupe d’ami qui se lance dans le jeu représente la seconde moitié de l’équation.
Nous voilà donc dans une étrange situation où certains groupes d’ami cherchent le prochain jeu qui occupera leur soirées… Et aucun gros studio ne répond à leur appel.
L’ascension de l’indépendance Post Burnout et la naissance du « FriendSlop »
Les détracteurs aiment appeler ce genre de jeu le « FriendSlop », une dénomination très critique visant à rabaisser ces jeux et à les qualifier de simples pièges à consommateurs. Ce terme regroupe ces titres sous une approche prétendument prédatrice, dont le but est d’utiliser l’algorithme pour pousser à l’achat de copies qui prendront la poussière après une semaine.
Pourtant après quelques recherches, on identifie clairement un point commun particulier. On ne parle pas ici de mécanique, d’identité, de ton ou de thème… les éléments qui différencient ces jeux des autres productions de l’industrie actuelle sont sur un niveau plus structurel.
Pour la plupart, ces jeux ont été créé dans un objectif de guérison ou d’abandon. Lethal Company est le 20ème jeu de son créateur Zeekerss, et on peut lire ceci dans une interview accordé à Push to Talk :
« Après avoir créé Dead Seater, j’ai réalisé que je retenais intentionnellement une grande partie de mon identité de mes jeux, car j’étais tellement concentré sur l’idée de faire quelque chose d’effrayant. Lorsque j’ai cessé de me confiner à ce seul objectif, mon jeu suivant, The Upturned, est soudainement devenu amusant. »
Il en va de même pour Semiwork qui, après 6 ans de développement sur Voidigo, a décidé de développer Project Clean. Un effort presque vain de ressusciter leur studio en y injectant les résultats financiers peu satisfaisants de leur premier titre. Si vous ne connaissez pas Project Clean, c’est parce que sa version Steam a été renommée R.E.P.O.
Tandis que pour Peak, l’équipe a partagé sur ses réseaux sociaux que le jeu est né d’un burnout général alors qu’ils étaient censés sortir Going Under 2. Une image presque ironique d’une critique du capitalisme qui se transforme en une randonnée amusante.
Ce n’est qu’après avoir joué à Peak ou à Lethal Company avec cette idée en tête que tout s’éclaire : ce genre de jeu si particulier n’est appréciable qu’avec les bonnes personnes, ravivant la flamme inextinguible du jeu de canapé qui sommeille en chacun de nous. Jouer à un « FriendSlop », c’est avant tout profiter d’une expérience humaine et désorganisée.
Si l’on catégorise le genre par un nom dépréciatif, il n’en reste pas moins plus sympathique qu’il n’y paraît au premier abord. Les créateurs d’Untitled Goose Game semblent l’avoir bien compris et teasent depuis quelques temps Big Walk, un petit jeu du même acabit qui contient à peu de chose près tous les codes du genre.
Considérer que les jeux consistant à s’amuser avec des amis dans un espace en ligne désorganisé méritent le terme de « Slop », n’est-ce pas une façon de critiquer injustement l’essence même du jeu vidéo co op sous prétexte qu’il est surreprésenté médiatiquement ?
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n1co_m