Lors du Nintendo Direct du 9 février 2022, Big N a mis les fans de J-RPG en état d’extase. Entre les trailers de Xenoblade Chronicles 3, et le retour de Live A Live et de Earthbound, les amateurs vont être gâtés. Mais s’il y a une annonce qui a fait bondir les cœurs, c’est bien celle du retour de Chrono Cross, ce J-RPG essentiel de l’ère PlayStation, qui a marqué de manière indélébile la ludographie de celles et ceux qui avaient eu la chance d’y jouer il y a vingt-trois ans.
Mais pourquoi cette annonce a-t-elle fait tant d’effet ? Si le terme culte est souvent employé à tort et à travers, il semble pourtant tout indiqué pour définir ce qu’est Chrono Cross. Sorti en 1999 au Japon et en 2000 en Amérique du Nord, sur PS1, véritable momentum du jeu vidéo, projet qui a rassemblé une brochette des meilleurs concepteurs de RPG de son époque, le titre de SquareSoft (alors sans Enix) avait happé le public dans un univers fantastique.
S’il est relié à Chrono Trigger (SNES, 1995) par ses thématiques (voyages temporels, uchronies, etc.), Chrono Cross n’en est pourtant ni la suite, ni le spin-off. Il possède sa propre identité et un scénario totalement indépendant de son illustre aïeul. À l’origine du projet, on retrouve Hiromichi Tanaka et Masato Kato, deux vieux roublards du J-RPG, tauliers de la maison SquareSoft.
Hiromichi Tanaka a débuté comme game designer sur Final Fantasy 1, 2 et 3, pour devenir producteur et scénariste sur Secret of Mana en 1993. Deux ans plus tard, il devient réalisateur de Trials of Mana. En 1998, Tanaka produit une œuvre majeure : Xenogears, pour laquelle il fut également crédité comme créateur du système de combat.
De son côté, Masato Kato n’a jamais changé de spécialité. Scénariste de formation, il écrit les scénarios de Ninja Gaiden II en 1990 et Princess Maker 2 en 1993 avant de créer l’une de ses pièces maîtresses : Chrono Trigger en 1995. Il enchaîne ensuite les masterclasses : Final Fantasy VII, Xenogears (sa première collaboration avec Tanaka), et il poursuivra sa route avec les titres comme FFXI, Baten Kaitos et Another Eden.
À la fin des années 90, réunir des géants tels que Tanaka et Kato sur le même projet était pour ainsi dire gage de succès assuré. Mais les deux hommes ne vont pas se reposer sur leurs lauriers et vont rassembler autour d’eux une dream team, avec une idée en tête : faire encore mieux que Final Fantasy VII, qui avait tout dévasté sur son passage en 1997, et rivaliser avec FF8, alors en production auprès d’une équipe concurrente chez Square.
Kato et Tanaka font appel à Yasuyuki Honne, directeur artistique sur Xenogears, pour concevoir l’identité visuelle de Chrono Cross, qu’ils souhaitent être aux antipodes de FF7. Les deux hommes pensent à un monde coloré, inspiré des paysages paradisiaques des Caraïbes et une ambiance chaleureuse qui contrasterait avec un propos très sombre.
Pour le character design, Akira Toriyama est un temps évoqué, car ce dernier avait réalisé le chara-design de Chrono Trigger. Mais là encore, Kato et Tanaka ne veulent pas d’impression de déjà-vu. Leur projet doit avoir une identité unique, mais l’idée d’avoir un mangaka à leur côté ne leur déplait pas pour autant. Ils contactent Nobuteru Yuki, designer sur la série TV Escaflowne et sur le long-métrage d’animation X1999. Son style à la fois réaliste et fantaisiste devait coller parfaitement à la vision des créateurs de l’histoire.
Enfin, la touche finale devait venir de la musique. Pour ce volet, pas d’hésitation possible, ce sera Yasunori Mitsuda et personne d’autre. Ses compositions pour Xenogears avaient déjà été mémorables, et pour Chrono Cross, il allait livrer l’une de ses plus belles œuvres, tantôt lumineuse, tantôt intimiste, pouvant basculer de l’épique au tragique en quelques secondes (son meilleur travail selon l’auteur de ces lignes).
Entourés d’une telle Dream Team, et avec les équipes bien rodées des développeurs de SquareSoft, Kato et Tanaka mettent tout en œuvre pour créer ce qu’ils veulent être le pinacle de leur carrière, le titre qui pourra surpasser Final Fantasy 7 (et 8 sorti en début d’année 1999).
Sur les plans techniques et graphiques, le titre fait jeu égal avec FF8, mais se démarque surtout par sa direction artistique colorée et chaleureuse. Pour ce qui est du système de combat, on est également en terrain connu, avec du tour par tour. Cependant, le battle system gagne grandement en profondeur, avec un système de combo, d’attaques possédant des propriétés différentes (aire d’effets, affinités élémentaires, dégâts par tour, etc.) et par le fait que chaque personnage apporte une approche différente des affrontements.
Plus encore, ce sera sur le scénario, et sur l’écriture des personnages que le jeu va bouleverser le public. Difficile d’en dire trop sans spoiler, sachez toutefois que chacun des protagonistes a bénéficié d’un soin considérable. Tous ont des motivations crédibles, et pas forcément altruistes… Kid, Serge, Guile, Steena, Fargo… Ces noms sont restés dans les mémoires de ceux qui ont pu mettre la main sur la précieuse galette à l’époque.
Cerise sur le gâteau : ce ne sont pas moins de 45 personnages jouables que Chrono Cross propose d’incarner. Impossible de tous les rassembler sur le premier run, certains d’entre eux n’existant que dans un monde particulier, ou ne pouvant être recrutés que lors de choix scénaristiques cruciaux, au détriment d’autres. Mais un petit tour de « New Game Plus » après avoir fait un premier run permet de pouvoir les avoir tous dans votre équipe.
À sa sortie, le jeu fait des ravages. Il cumule les notes parfaites dans la presse spécialisée et atteint rapidement le million et de demi d’exemplaires vendus. Malheureusement, malgré ce succès, le jeu ne sera jamais livré aux consoles européennes. Si aucune explication officielle n’est venue justifier cette décision incompréhensible (surtout au vu des succès de FF7 et 8), les rumeurs suggèrent que les pontes de Square de l’époque estimaient que le jeu était « trop complexe » pour le public européen…
Toujours est-il que cet écueil sera bientôt oublié grâce à la sortie de Chrono Cross: The Radical Dreamers Edition qui proposera le remaster du jeu d’origine, une bande originale remasterisée, et sera agrémentée de l’aventure textuelle inédite Radical Dreamers : Le trésor interdit au format audio. Le titre est prévu pour le 7 avril 2022 sur PC, Nintendo Switch, PlayStation 4 et Xbox One.
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