Encore une fois, on ne sera pas surpris de voir Hollywood s’attaquer à une nouvelle adaptation d’une œuvre issue de la pop culture. Toutefois, si l’on ose la comparaison avec ce qui se fait actuellement, la pièce aujourd’hui concernée ne parlera pas forcément à tout le monde. Elle n’est certes pas inconnue, mais, c’est évident, elle n’a pas non plus le poids d’un One Piece, Naruto ou d’un Dragon Ball. Le manga en question, c’est l’œuvre cyberpunk de l’artiste coréen Boichi : Origin.
L’information vient de Variety : le titre, paru pour la première fois en 2016 et fini avec le volume 10 en 2019, aura donc droit à sa transposition sur grand écran. Une production qui sera à la charge de Majestic Limited, une société apparemment jeune fondée par Josh Boone, à qui l’on doit le film romantique Nos Étoiles Contraires, Danny Chan (producteur de l’horrifique Barbare) et Darius Shahir (producteur du film SF Midnight Special).
À la vue des noms susmentionnés, on peut s’attendre à ce que l’on nous offre quelque chose de sérieux, la plupart de leurs productions respectives ayant eu des retours plutôt positifs tant sur le plan de la critique que sur l’axe commercial. Et le manga mériterait certainement qu’on lui accorde un traitement digne de lui faire honneur, lui qui a remporté le Grand Prix de la 22e édition du Japan Media Arts Festival.
Largement inspiré par des poids lourds en matière de science-fiction, comme le Blade Runner de Philip K. Dick ou le cycle des Robots d’Asimov, Origin place le centre des événements dans un futur proche : 2048. Le héros (éponyme) court les rues de Tokyo afin d’affronter cet ennemi de l’homme qu’est l’androïde. Et la particularité de ce dernier, c’est qu’il est lui-même une de ces créatures humanoïdes. À travers cette œuvre, Boichi, de son vrai nom Mujik Park, tente d’explorer divers thèmes liés à l’humanité et de l’identité, dont, on l’imagine bien, la fameuse question maintes fois abordée de-ci, de-là : qu’est-ce qu’être humain, après tout ?
Variant entre les plaisirs de l’action et quelques considérations métaphysiques, Origin est une véritable prouesse artistique. Une caractéristique qui, d’ailleurs, définit bien l’artiste. Le souci du détail apporté à la totalité de ses créations relève quasiment de l’obsession, surtout vis-à-vis de la représentation des corps, et des corps féminins plus précisément. Pour cause, l’hypersexualisation y occupe une place non négligeable. Ce qui, diriez-vous, est quelque chose de commun dans les mangas. Toujours est-il qu’ici, avec Boichi, il y a un aspect presque pornographique qui pourrait tout simplement rebuter le public peu habitué à ce type de contenu.
Et c’est plutôt normal quand on regarde de près le parcours de l’artiste. Arrivé de Corée, en 2004, après s’être notamment illustré dans la bande dessinée destinée à un jeune public féminin, Boichi s’exerce à un style aux antipodes : le manga pour adulte (hentai). Et ce style définit en partie l’art de Boichi. Il suffit de se tourner vers des mangas plus large public (bien que ça reste dirigé vers un lectorat censément mature) pour le remarquer.
Space Chef Kaiser, lui aussi dessiné au début de sa carrière japonaise, contient un contenu à la teneur érotique plus que prononcée. Chose également présente dans l’un des ses hits et l’une de ses plus longues séries, Sun Ken Rock, et qui continuera de hanter bien d’autres œuvres, parmi lesquelles on compte donc Origin ou encore sa reprise, très commentée sur les réseaux sociaux, d’un passage de One Piece.
De la beauferie ? Peut-être. Toujours est-il qu’il s’agit de l’ADN propre à l’art de Boichi ; il constitue son univers, son essence. Ce qui, d’un point de vue sociétal, peut paraître totalement en décalage avec les valeurs que l’on tend à nous transmettre. Est-ce un tort ? Difficile à dire. Répondre, à la question serait débattre sur ce que l’on peut se permettre ou non dans l’art… Mais réduire l’auteur à cela serait une erreur.
Il ne faudra pas oublier sa virtuosité, comme nous le montrent les clichés rapportés ci-dessus, et omettre son éclectisme par exemple. Il l’a montré : que ce soit la science-fiction (Origin, Dr Stone), le polar (Sun Ken Rock) ou encore la fantasy (avec Sanctum par exemple), Boichi ne s’arrête pas à un genre particulier. Sans parler du changement qu’il apporte dans la tonalité des ses œuvres, lesquelles varient entre sérieux et « bouffonnerie ».
Sa carrière est couronnée d’un certain succès. D’ailleurs, l’adaptation animée de Dr Stone (laquelle est actuellement dans sa troisième saison) en est en quelque sorte une preuve. Mais aujourd’hui, elle s’apprête à prendre une nouvelle dimension. Car, avec Hollywood, l’auteur accède ainsi à une nouvelle notoriété. Ce qui aura inévitablement pour conséquence de porter ses travaux vers un nouveau public. Mais, encore faut-il que ce dernier en ait envie. Et cela, ce désir, c’est à la production et au metteur en scène de le susciter.
Le milieu cinématographique ayant déjà écumé différentes œuvres du genre aux thématiques similaires, l’histoire ne sera probablement pas des plus intéressantes. En fait, il y a même de fortes chances qu’elle renvoie à d’autres créations et aille vers le cliché. Dès lors, l’enjeu devrait être dirigé ailleurs : l’aspect et l’atmosphère. À la production donc de trouver l’esthétique qui fera honneur à l’art, à l’exubérance de Boichi et au dynamisme de l’œuvre original, sans pour autant tomber dans le pastiche et donner naissance à une œuvre kitch sans vie.
SEGA – Vers toujours plus d’adaptations et de rachats
Alexessa
Super Mario Bros. Le Film – Un succès appelé à être suivi ?
Al
Critique Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs – Les Gardiens de la Fantasy
M⅃K