Ce n’est pas juste parce qu’on parle d’un sujet qui nous passionne, mais il faut reconnaître que l’industrie du jeu vidéo est vraiment difficile à saisir… C’est un secteur dans lequel un produit cassé devient le champion des bestsellers (Fortnite : Sauver le monde n’intéressait personne jusqu’à l’implémentation d’un mode Battle Royale… And the rest is history !), un secteur dans lequel on peut investir à rebours des tendances (le succès de Limited Run Games alors que tous les voyants sont au rouge pour le jeu physique) et une industrie au sein de laquelle les GAFA, dont Amazon, ont toutes les difficultés du monde à s’imposer, eux qui sont pourtant partout ailleurs comme chez eux…
Amazon essaie depuis maintenant quelques années de s’immiscer dans l’industrie, pour l’instant avec peu de réussite. Certes, avec Twitch, la société de Jeff Bezos possède le plus gros diffuseur de jeux vidéo. Mais Amazon voudrait aussi faire des jeux. Et ça, jusqu’à présent, et malgré des fonds quasi-illimités, il n’y arrive pas… Après Breakaway en 2018, Amazon a ainsi coupé le développement de Crucible l’an dernier. Reste New World, un MMORPG dont la bêta devrait ouvrir au printemps 2021 (notez l’emploi prudent du conditionnel…).
Jason Schreier s’est penché avec Priya Anand sur la question pour Bloomberg, et a pu s’entretenir avec une trentaine d’employés et ex-employés des studios Amazon, et le résultat de ces conversations est désarmant de simplicité : Amazon ne sait pas faire un jeu.
À la tête d’Amazon Game Studio, Mike Frazzini, un ancien d’Amazon, qui s’y connaît en business… mais absolument pas en jeux vidéo ! Pour compenser ce léger déséquilibre, Mike aurait embauché des vétérans de l’industrie pour l’accompagner au sein d’Amazon Game Studios… pour mieux les ignorer par la suite ! L’article de Bloomberg raconte comment, à force de ne pas être entendus, ou de devoir appliquer des consignes contre-productives, nombre de ces développeurs expérimentés auraient préféré quitter les studios.
Les témoignages rapportés par Schreier sont affligeants. Les dirigeants d’Amazon Game Studios auraient ainsi demandé à leurs développeurs de produire un jeu qui deviendrait une franchise à plusieurs millions de dollars, « à la Call of Duty », un jeu qui devait aussi être « novateur, et jamais vu auparavant » (donc pas comme Call of, CQFD…). Les développeurs ont également eu toutes les difficultés du monde à faire comprendre aux dirigeants que les « sauvages » qui apparaissaient dans New World renvoyaient une vision raciste des populations indigènes Américaines. Il leur aura fallu faire intervenir un représentant des tribus des native americans pour se faire entendre… Ce à quoi s’ajoute la tristement traditionnelle ambiance « Boys Club » des studios de développement de jeux vidéo et dont les femmes font régulièrement les frais…
On découvre aussi que le moteur maison des studios, Lumberyard, aurait lui aussi posé quelques soucis aux développeurs parce que peu efficace, trop lent, et trop complexe à manipuler. On se souvient d’ailleurs que l’ambitieux projet Everywhere avait décidé de se passer du moteur Amazon
Peut-être que les conclusions de Bloomberg sur la façon dont sont organisés les studios vont permettre une prise de conscience et un changement radical d’organisation ? On verra de toute façon d’ici quelques mois si la sortie de New World – déjà repoussée d’une bonne année – sera maintenue, et l’accueil qui lui sera réservé. En attendant, il est toujours possible d’acheter les actions d’Amazon qui continuent de s’envoler malgré ses déboires en jeu vidéo.
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Team NG+