On a souvent tendance à résumer la carrière de Yuzo Koshiro à la bande originale de Streets of Rage. Difficile de nier qu’il s’agisse d’une œuvre majeure de sa carrière, si ce n’est son chef-d’œuvre absolu. Mais l’homme ne se limite pas à cela. Sa discographie non exhaustive compte plus de cinquante bandes originales, parmi lesquelles les incroyables OST de Sonic the Hedgehog sur Game Gear, Shenmue, The Legend of Thor, et un véritable monument de l’ère 16 bits : Actraiser. Petit trivia : il a même composé le thème de feu la chaîne NoLife.
Difficile de définir le « style Koshiro« , tant le compositeur est un touche-à-tout qui crée au gré de ses propres explorations musicales. Réduire sa palette créatrice à ses obsessions électro, dance et transe reviendrait à regarder une bibliothèque par le trou d’une serrure. Son parcours musical a débuté dès sa petite enfance (il commence à l’âge de trois ans), et a pris son envol sous la houlette d’un certain Joe Hisaishi (le compositeur attitré de Hayao Miyazaki) qui fut son professeur de violon à partir de son huitième anniversaire.
Puis jeune adulte, dans les années 80, il découvre les clubs undergrounds de Tokyo, et s’enivre de musique électro. Obsédé par l’idée de pouvoir créer ses propres musiques, il jette son dévolu sur le PC-88, un micro-ordinateur de NEC très populaire au Japon. Il continue encore aujourd’hui à travailler sur cette machine…
Pourquoi prendre le temps de faire la biographie (très condensée) de Kushiro-San ? Simplement parce que l’OST d’Actraiser peut être considérée à la fois comme une œuvre charnière et une sorte de synthèse de ce que le musicien sait faire de mieux, entre une approche minimaliste et épurée de la musique, et une culture musicale tournée vers les grandes œuvres classiques.
(Critique de Actraiser: Original Soundtrac & Symphonic Suite réalisée grâce au gracieux envoi du coffret double CD de la bande originale par Wayô Records)
Passage à l’Actraiser
Quand Actraiser sort en 1990 au Japon (1993 en Europe) sur Super NES, le jeu fait sensation. Malgré des limitations techniques évidentes, le titre est extrêmement ambitieux. Le joueur est un dieu qui a pour mission d’aider son peuple à prospérer. Le jeu alterne des phases de gestion façon Sim City, et des niveaux d’action-plateforme, dans lesquels on incarne un chevalier divin armé d’une épée.
Conscient du potentiel incroyable de la bande originale et de son immense qualité, les pontes de chez Nintendo décident de la mettre en avant en tant que démonstration technique de ce que leur Super Nintendo peut faire. La force de la bande originale composée par Koshiro pour le jeu vient de son souffle épique permanent.
Bien que les morceaux originaux soient assez courts (moins de trois minutes en moyenne) et conçus pour boucler sur eux-mêmes, tous transpirent d’un caractère grandiose. Après tout, n’incarnez-vous pas un dieu ? Les claviers de Sky Palace transportent immédiatement dans une atmosphère religieuse, propice à la réflexion sur le sort de vos ouailles. Ces mêmes claviers se transforment en cavalcade guerrière sur Fillmore, invitant à l’exploration et poussant le joueur à aller de l’avant grâce à un tempo relevé. Toute l’OST est ainsi composée de morceaux alternant respirations mystiques, et inspirations belliqueuses.
La totalité de l’OST originale, constituée de dix-neuf morceaux dans sa version d’origine, se voit augmentée de pas moins de quatorze morceaux, pour la plupart tout droit sortis du PC-88 du compositeur. Ces sonorités 16 bits sont impressionnantes d’efficacité, et malgré les limitations techniques de l’époque (de la Super NES et du PC-88), Yuzo Koshiro arrive à produire une palette d’émotions incroyablement large avec un minimum de moyens. Les morceaux God’s Trial et Endless Adventure sont les meilleures preuves du savoir-faire exceptionnel du compositeur, qui parvient à l’aide de quelques chipsets sonores et des loops minimalistes à venir toucher l’auditeur en plein cœur.
Le futur du passé
Ceci dit, les sensibilités auditives modernes peuvent rester hermétiques au charme désuet des sonorités 16 bits. Et il peut être difficile pour des auditeurs n’ayant pas connu l’âge d’or de l’ère SNES VS MegaDrive de se plonger dans une OST aussi riche que celle d’Actraiser. C’est là qu’intervient le second disque de Actraiser: Original Soundtrac & Symphonic Suite. Cette suite symphonique, interprétée par le New Japan BGM Philharmonic Orchestra en 2018, sous la direction de Yusuke Ichihara, vient sublimer la matière première de Yuzo Koshiro.
Les arrangements de Nijuhachi Haneda pour cette Symphonic Suite sont à la fois subtiles et puissants. Les cordes n’ont jamais eu autant de présence, et les percussions ont été magnifiées. La tétralogie d’ouverture Opening / Sky Palace / Advent / Fillmore est d’une beauté à couper le souffle.
Grâce à ce nouvel écrin, on redécouvre l’autre Yuzo Koshiro, celui qui est un maître de la composition symphonique, capable des plus grandes envolées lyriques comme des plus belles ruades de percussions. Ses compositions emportent dans un monde céleste, où le tragique et le trivial cohabitent avec maestria, et où chaque note, chaque souffle, chaque longueur est absolument maîtrisée. Tout est à sa place, sans trop ni trop peu, malgré le style parfois emphatique de certains morceaux.
Certains morceaux revivent, en particulier la trilogie finale Silence / Peaceful World / Ending. À l’écoute de sa version symphonique, on se rend compte que celle-ci était bien trop à l’étroit dans sa cartouche Super Nes, et elle peut enfin déployer ses ailes (à l’image de cet ange figurant sur le packaging de Actraiser: Original Soundtrac & Symphonic Suite) pour libérer un déluge émotionnel imparable. Un chef-d’œuvre.
Comme à son habitude, Wayô Records a gâté les fans d’OST de jeux vidéo, non seulement en offrant une seconde vie à une bande originale qui le méritait, mais aussi en proposant un magnifique objet, au packaging splendide. Disponible en édition double vinyles (dans un bleu océan superbe), ou double CD, ces deux éditions ont été illustrées par Ayano Koshiro, artiste qui avait produit les artworks originaux des jeux Actraiser 1 et 2, et qui a repris les pinceaux pour l’occasion.
Actraiser: Original Soundtrac & Symphonic Suite est l’archétype de ce qu’il faut faire pour rééditer une OST de jeu vidéo de l’époque 16 bits. En ramenant l’OST originale, augmentée de morceaux rares, puis en y ajoutant une réinterprétation symphonique de toute beauté, Wayô Records prouve une nouvelle fois son savoir-faire et la passion qui anime le label. Actraiser est un incontournable du catalogue de Wayô, et une petite merveille dans la discographie de Yuzo Koshiro, qui a enfin l’écrin qu’elle mérite.
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