Qui aurait cru, alors qu’était annoncé le rachat d’Activision-Blizzard en janvier 2022, que Microsoft serait toujours dans l’incertitude quant à la légalité de l’affaire un an plus tard ? Après l’instance américaine, la Federal Trade Commission, c’est au tour de l’Union Européenne de statuer. C’est dans une lettre reçue cette semaine par Microsoft que les responsables de l’Union Européenne ont présenté leurs réserves au sujet de l’acquisition. Si les détails du document n’ont pas été communiqués, il reste fort probable que le litige se fasse autour de la licence Call of Duty, au sujet de laquelle les représentants s’étaient exprimés :
« De telles stratégies de saisie pourraient affaiblir la compétition dans la distribution des jeux vidéo sur PC et consoles, avec pour résultat des prix plus élevés, une baisse de qualité, et moins d’innovation de la part des distributeurs de consoles qui risque, finalement d’être communiquée aux consommateurs. »
Cette lettre est en fait un document très formel, un « Statement of Objection », qui est en réalité la première étape d’un enchaînement pouvant se solder par un véto. La Commission Européenne met en garde Microsoft : le rachat n’est pas en règle vis-à-vis des lois régissant la libre concurrence. La lettre n’a donc qu’une valeur d’avertissement et ne représente pas un refus définitif, car il est trop tôt pour affirmer que le rachat est en train de péricliter.
Pour rappel, afin de pouvoir effectuer le rachat d’Activision-Blizzard, il y a trois instances que Microsoft doit convaincre : la Federal Trade Commission aux États-Unis, la Commission Européenne, ainsi que la Competition and Market Authority au Royaume-Uni. L’institution américaine est la première à avoir statué, et s’oppose au rachat. Cependant, la FTC à elle seule ne peut imposer son jugement : c’est la Justice américaine qui devra trancher. C’est en août 2023 qu’auront lieu les audiences, qui pourront aller jusqu’à la Cour Suprême dans le cas où l’un des deux partis ferait appel de la décision rendue.
Au cœur du litige, la licence Call of Duty, dont l’exclusivité donnerait trop de pouvoir à Microsoft sur le marché. Cependant, c’est surtout le passif de Microsoft qui inquiète la FTC. En effet, lors de l’acquisition de Bethesda, l’entreprise avait rassuré les différents régulateurs quant à la disponibilité des jeux du studio sur des plateformes concurrentes. Pourtant, les jeux de Bethesda annoncés l’année suivante n’avaient été disponibles que sur les machines estampillées Microsoft.
« La direction de Microsoft a déjà démontré qu’elle n’hésiterait pas à empêcher ses rivaux d’accéder à une partie de ses licences. […] Nous souhaitons empêcher Microsoft d’avoir la main mise sur un studio indépendant majeur et de l’utiliser pour affaiblir la compétition dans un marché du jeu vidéo dynamique et en plein essor. » – Holy Vedova, directrice du bureau de la Compétition du FTC
La Commission Européenne avait déjà affirmé être en accord avec cet avis, y ajoutant plus précisément que « Microsoft pourrait restreindre l’accès aux jeux consoles et PC d’Activision, surtout aux jeux chers et à succès (les fameux AAA) tels que Call of Duty ». Cependant, à cela s’ajoute des inquiétudes liées au marché du PC : tout comme les consoles, il serait peu surprenant que Microsoft restreigne l’accès de ses nouvelles licences à des machines estampillées Microsoft.
Enfin, la Competition and Market Authority est peut-être l’instance la plus claire sur les griefs causés par cette potentielle acquisition. De plus, l’autorité britannique ne s’inquiète pas seulement de l’équité entre les géants Microsoft et Sony. Par ricochet, la rupture de l’équilibre qui se maintient entre les deux géants mettrait l’implication dans le domaine d’entreprises moins investies dans la distribution de jeux vidéo comme Google, Amazon ou Nvidia en péril.
« La CMA est inquiète, car avoir un contrôle total sur un tel catalogue, surtout en tenant compte de la place forte que Microsoft occupe déjà dans le domaine des consoles de jeux, des systèmes d’exploitation, et des infrastructures cloud, pourrait mener Microsoft à porter préjudice aux consommateurs en affaiblissant la capacité de Sony – le rival le plus proche de Microsoft dans le jeu vidéo – à s’investir dans la compétition, tout comme il serait le cas pour d’autres rivaux ou de nouveaux arrivants, qui pourraient dans d’autres circonstances apporter une compétition saine avec des systèmes d’abonnements avec différents jeux ainsi que des services de jeu en cloud. »
La fin de l’hiver et le début du printemps de cette année seront une période décisive pour le rachat : les différentes autorités se rapprochent toutes de la fin de leurs investigations, avec une limite prévue en mars pour le CMA britannique et la Commission Européenne. De plus, depuis le 18 janvier, les pénalités que devrait payer Microsoft en cas de rétractation deviennent plus conséquentes. Celles-ci atteindraient 3 milliards de dollars dans le cas où Microsoft abandonnerait le rachat après le 18 avril.
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