Est-on encore surpris de voir débarquer un énième deckbuilder Rogue-like stratégique en 2025 ? Avec la sortie toute récente de Monster Train 2, l’arrivée imminente de l’héritier légitime Slay the Spire 2, et probablement encore des centaines de clones qui squattent les étagères de Steam, difficile de s’émerveiller à chaque nouvelle tentative.
Et pourtant, fruit du hasard ou flair, on s’est laissé tenter par l’aventure du jour : As We Descend, premier jeu du studio Box Dragon, déjà épaulé par Coffee Stain. Si l’éditeur ne croule pas sous les sorties, son catalogue a le mérite d’être solide, avec des titres comme Deep Rock Galactic, Valheim, ou encore l’étrange Goat Simulator.
Ce 28 mai marque le début de l’early access du jeu. Et nous voilà dans la cité qui descend dans les profondeur du monde, pour aller voir ce que ce nouveau prétendant a dans le ventre.
(Test de As We Descend sur PC réalisé à partir d’une version en accès anticipé fournie par l’éditeur)
Bienvenue, Sentinelle
Premier point à saluer : la direction artistique mêle habilement esthétique steampunk et influences médiévales. Un mélange qui pourrait paraître bancal sur le papier, mais qui fonctionne ici avec une belle cohérence visuelle. La cité, en toile de fond, s’enfonce lentement dans les entrailles du monde – un décor sympathique et même parfois inspiré, mais qui, à mesure que les parties s’enchaînent, finit par disparaître derrière l’essentiel : la mécanique de jeu. Une belle vitrine donc, mais qui ne détourne jamais du cœur du gameplay.
Le jeu ne bénéficie pas d’une réalisation graphique époustouflante, de celles qui mettent tout le monde d’accord dès le premier coup d’œil. Mais on est loin d’un travail paresseux qui compterait uniquement sur son game design pour masquer un manque d’ambition visuelle. C’est joli, original, malgré quelques procédés déjà vus comme cette rotation autour de la ville, qui rappelle inévitablement Frostpunk. Rien de révolutionnaire, mais ça fait le job, et pour un premier titre, c’est déjà une belle promesse.
As We Descend nous place dans la peau de la Sentinelle, un rôle attribué de force au sein d’un système manifestement autoritaire. Notre mission est de garantir la sécurité de la cité qui s’enfonce lentement dans les profondeurs du monde. Pour ce faire, on nous confie une petite escouade de soldats, nos premières unités.
Chaque unité est composée de 2 à 4 personnages, selon son type : par exemple, la Navigatrice compte deux membres, tandis que l’Avant-garde en aligne trois. À cela s’ajoute un petit deck de cartes, propre à chaque unité, que l’on mélangera au cours des combats.
Le gameplay se divise en deux temps. La première phase fait penser à un entretien stratégique : on place des cartes sur des lieux pour les explorer, en tirer des bénéfices ou déclencher des événements plus ou moins heureux. Une approche qui n’est pas sans rappeler Citizen Sleeper, dans sa façon de présenter l’exploration et la découverte d’évènement.
On envoie nos différents personnages dialoguer avec des marchands, échanger avec des mineurs, ou simplement faire une halte à l’auberge du coin, histoire de récolter un peu d’argent, quelques objets ou soigner une escouade mal en point après un affrontement musclé. Il est aussi possible de placer certains objets sur des lieux spécifiques pour en tirer profit : améliorer ses troupes, ressusciter un membre tombé au combat, ou drafter de nouvelles cartes pour étoffer les petits decks propres à chaque unité.
Slay the Sleeper
Placer une carte « Bataillon d’expédition » déclenche une phase de combat. À ce moment-là, on nous demande de choisir une cible : la décision se fait selon la récompense à la clé, la difficulté annoncée, ou encore le nombre maximum d’unités autorisées sur le champ de bataille. Une mécanique simple, mais qui impose de bien réfléchir à la composition de son équipe et à ses objectifs du moment.
Vient ensuite le moment crucial : choisir les unités à envoyer au front. On nous présente brièvement les monstres à affronter, leurs forces, leurs faiblesses… à nous de nous adapter. C’est un tournant stratégique important, même s’il peut sembler un peu opaque lors des premières parties.
Par exemple, en choisissant d’envoyer l’Arbalétrier et l’Acolyte, on fusionne leurs deux decks pour former le paquet de cartes utilisé pendant l’affrontement. Mais attention : chaque unité dispose de ses propres effets, bonus ou états spécifiques. Il est donc tout à fait possible de se retrouver avec une combinaison d’unités dont les cartes ne s’accordent pas du tout, au risque d’affaiblir l’efficacité globale du deck.
As We Descend se montre plutôt généreux dans sa conception (même s’il ne l’est clairement pas sur sa difficulté). Le jeu nous offre régulièrement l’opportunité de détruire des cartes, d’en drafter de nouvelles pour nos unités, ou même d’ajouter des traits. Ces ajustements permettent d’orienter progressivement la spécialisation d’une unité, de créer des combinaisons efficaces et d’adapter notre stratégie en fonction des troupes envoyées au combat.
Il est tout à fait possible, par exemple, de façonner une unité spécialisée dans le combat en solo, idéale pour préserver les points de vie de vos troupes de groupe — pratique pour garder des forces en réserve avant un affrontement contre un boss. Ce côté personnalisable est franchement agréable, même si un peu tributaire du facteur aléatoire propre au genre.
Côté affrontement, le système fonctionne plutôt bien dans l’ensemble, mais on peut sans doute lui reprocher d’être encore un peu brouillon. Les bonus et malus pleuvent en permanence, certains avec des explications pour le moins floues, et les actions automatiques de nos unités manquent parfois de lisibilité. On se retrouve de temps en temps à subir plutôt qu’à anticiper, ce qui peut frustrer, surtout quand on pense avoir bien préparé son deck.
Le champ de bataille se divise en deux zones : une zone de garde à l’avant, où les unités encaissent les coups, et une zone de soutien à l’arrière, plus adaptée aux unités fragiles ou utilitaires. Les ennemis suivent la même configuration. À chaque tour, on dispose de trois points d’action pour jouer nos cartes. Chaque unité possède aussi une action automatique déclenchée en fin de tour : attaque, pioche, gain de bouclier, etc. À force de frapper un ennemi, on peut même l’assommer, révélant ainsi ses points critiques, qu’il devient alors possible d’exploiter pour infliger de lourds dégâts.
Ce système, en apparence simpliste, cache en réalité une étonnante profondeur, à tel point qu’on se demande comment les développeurs parviennent à équilibrer leur jeu. Le placement des unités comme des monstres a un réel impact, certaines cartes gagnent en puissance selon la zone depuis laquelle elles sont jouées, et détruire certaines parties des ennemis peut carrément désactiver leurs capacités spéciales. La liste des subtilités est longue, très longue, et on va vous épargner une énumération sans fin… mais croyez bien que le jeu regorge de mécaniques à découvrir.
Down the rabbit hole
Alors voilà, on enchaîne les combats, les discussions en ville, on affronte un boss gigantesque… et puis, inévitablement, on tombe au combat (ou on triomphe, si tout s’est bien passé). C’est à ce moment qu’on découvre l’arbre de déblocage, qui vient prolonger l’aventure en ajoutant du contenu, des mécaniques, des options de gameplay. On débloque rapidement la Guilde, une nouvelle faction qui change complètement les règles du jeu, de nouvelles unités aux mécaniques originales, et les membres d’une autre faction pour créer des équipes hybrides.
Et ce n’est pas tout : cinq niveaux de difficulté à débloquer, chacun ajoutant des malus tordus et des objectifs de score, viennent renforcer le challenge. As We Descend en a clairement sous le capot.
Vendu à un tarif peut-être un peu élevé comparé à ses concurrents (comptez 30€, avec une hausse prévue au fil des mises à jour), As We Descend reste une itération solide et inspirée du Rogue-like deckbuilder. On pourra lui reprocher de radoter un peu côté visuel, décors ou musique, mais ces répétitions ne gâchent en rien le plaisir qu’on prend à enchaîner les runs.
Un jeu dense, exigeant, parfois un peu flou dans ses explications mais qui récompense l’investissement. As We Descend n’est pas là pour caresser le joueur dans le sens du poil, et c’est sans doute ce qui fera fuir les curieux… mais reviendra obséder les acharnés.