L’année 2023 fut particulièrement riche en sorties, et l’industrie a renoué avec la croissance, après la toute petite baisse de forme de l’année 2022 (qui était surtout un retour à la normale après l’explosion de la bulle COVID). Dans son sillage, 2024 commençait sous de bons augures, bien qu’on ne s’y attendait pas forcément.
En quelques semaines, on a déjà vu sortir Prince of Persia: The Last Crown, Enshroudded, Palworld, Tekken 8, Like a Dragon: Infinite Wealth, Persona 3 Reload, Helldivers 2, Ultros, Balatro, Pacific Drive, Promenade, Final Fantasy VII Rebirth… Sans compter les portages plus qu’honorables que sont Brothers: A Tale of Two Sons ou Tomb Raider I-III, ou encore les épiphénomènes du streaming comme Supermarket Simulator. On peut dire que ce début d’année a été chargé.
Alors, 2024 sera-t-elle encore plus « grosse » que 2023, pourtant considérée par beaucoup comme « la meilleure année du jeu vidéo » ? Aussi surprenant que cela puisse paraître avec un tel démarrage, les analystes prévoient que non. Au contraire même, l’industrie connaîtrait un net recul en 2024, avec des prévisions les plus optimistes à -2%, allant même jusqu’à -10% !
Pour qui connaît un peu les chiffres du secteur, en croissance permanente (à l’exception du contrecoup du confinement, qui avait créé une bulle de croissance exceptionnelle), de telles prévisions s’apparentent de très près à une véritable crise.
Mais alors pourquoi ? Et surtout comment, avec un démarrage de l’année aussi tonitruant ? D’après Mat Piscatella, du cabinet d’analyse Circana, qui s’est entretenu avec GamesIndustry.biz, c’est d’abord le profil des gros hits du moment qui posent « problème ». Des Palworld ou Helldivers 2 ont beau se vendre par palettes entières, ce sont des jeux de « milieu de gamme » en termes tarifaires, vendus moins de 40€. Alors évidemment, 10 ou 15 millions de Helldivers 2 à 40€, ça fait toujours moitié moins de chiffre d’affaires que 10 ou 15 millions de Hogwarts Legacy à 80€ !
Ce sont aussi des jeux à la carrière plus courte. On l’a vu avec Palworld : s’il continue très honorablement son chemin, la folie des premières semaines est passée, et le nombre de joueurs actifs s’est passablement tassé. Alors que des titres comme Hogwarts Legacy ou Baldur’s Gate 3 se vendent aussi sur la durée.
Ainsi, Mat Piscatella déclare que pour maintenir un niveau similaire à celui de 2023, « nous avons besoin d’un autre titre encore au-dessus de Helldivers et Palworld pour espérer se mettre au niveau de ce qu’a fait Hogwarts l’an dernier, et qu’il fait encore un an plus tard ».
Mais à part un autre gros hit surprise comme les deux jeux cités ci-dessus, on ne voit pas de potentiel blockbuster à même de marquer l’année. Sony a d’ores et déjà annoncé que ce serait une année blanche en ce qui concerne ses grandes licences maison et Nintendo a prévenu que sa prochaine console n’apparaîtra pas avant 2025 (de même, très probablement donc, que le prochain gros titre first party). Microsoft a bien une cartouche ou deux encore en réserve pour 2024 (Indiana Jones…), mais qui serviront surtout à nourrir le Game Pass, et n’ont pas vocation à se vendre par pelletées. Dans ces conditions, on imagine bien l’année de disette pour l’industrie.
Attention, pour l’industrie, pas pour les joueurs ! De notre point de vue, désolé si Helldivers apporte moitié moins de points au PIB du pays Jeux Vidéo, mais ça ne change rien au fait que le jeu est un succès pour le public, la presse, et son studio, qui réussit son pari (et même un peu au-delà) et pourra donc sans problème lancer un prochain projet !
Reste un trou dans les prévisions de Mat Piscatella : il n’évoque pas du tout le mobile, pourtant responsable à lui seul de plus de la moitié des résultats du secteur. Ainsi, un seul gros succès mobile en Asie pourrait complètement effacer, à l’échelle globale, le petit coup de mou éventuel des consoles. Certes, on nous répondra : « mais qui veut d’un monde où le jeu vidéo est drivé par le mobile ?! ». Mais on rétorquera que, comme pour le réchauffement climatique, il est un peu tard pour réaliser, et qu’il faut maintenant faire avec…