GOTY de l’an dernier, Elden Ring est arrivé comme l’aboutissement d’une formule perfectionnée au fur et à mesure des sorties des studios FromSoftware, formule qui s’est imposée pour devenir un genre en lui-même, imitée par des productions comme celle de la Team Ninja, ou même conjuguée, en 2D par exemple, dans un jeu comme Blasphemous. Le cœur de cette formule est ce que ses aficionados aiment à appeler l’exigence, et que les autres joueurs appellent, eux, la difficulté. Les Souls-like sont des jeux difficiles, où l’accessibilité ne s’ouvre qu’à ceux qui voudront bien faire l’effort d’essayer, de mourir, d’essayer à nouveau et de mourir encore, jusqu’à arriver au niveau de maîtrise nécessaire pour progresser un peu (avant de mourir à nouveau, et alors de réessayer…).
Si le genre s’est imposé, et les travaux de Miyazaki sont régulièrement couverts de louanges, ce n’est pas sans avoir tout de même quelques détracteurs. Il est ainsi notamment reproché aux productions de se cacher derrière cette difficulté pour justifier des mécaniques nébuleuses, voire des erreurs de game design. Ainsi, pour reprendre l’exemple d’Elden Ring, le fait de ne donner aucune indication aux joueurs quant aux conséquences du choix de tel ou tel personnage au début du jeu est bien accepté par certains (ce serait à nous de « tester » et de comprendre les différences entres les « builds »), mais pointé du doigt par d’autres. De même que la (prétendue) prise en compte par le jeu lui-même des communautés, et des tutoriels publiés par des joueurs sur YouTube est pour certains le signe que le jeu est « de son temps », puisqu’il ne feint pas d’ignorer cette nouvelle manière de jouer. Pour d’autres, en revanche, la nécessité de recourir à des ressources extérieures au jeu est la preuve de trous dans la conception du titre…
On ne tranchera pas le débat ici. Cependant, il semble qu’un pan de l’industrie a décidé de s’éloigner de ces modèles de l’exigence, et même de proposer des recettes toutes contraires. C’est ainsi le cas des très gros jeux qui font l’actualité de ces mois de mai et juin.
Street Fighter 6 se repose ainsi sur l’accessibilité. Alors que le genre du vs. fighting était jusque-là réservé à des joueurs versés dans la discipline, capables d’exécuter des combos hyper complexes, et d’analyser les mouvements de l’adversaire à la frame près, le nouveau titre de Capcom insiste lui sur l’inclusivité. Il facilite les commandes, propose un mode solo en 3D façon « monde ouvert », plus proche de ce à quoi les joueurs sont habitués, et qui est en fait un immense tutoriel permettant d’appréhender les bases du jeu de combat (gestion de l’espace, anticipation des mouvements de l’adversaire, réactions à avoir selon les situations…). Autant de décisions de game design qui visent à ouvrir le jeu le plus largement possible.
On retrouve, d’une façon complètement différente, le même état d’esprit dans le dernier hit de Nintendo, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom. Avec ses mécaniques novatrices d’Amalgame et d’Infiltration, le jeu offre aux joueurs la possibilité d’être appréhendé comme bon leur semble. De façon un peu moqueuse, on peut lire çà et là que l’immense majorité des puzzles peuvent être résolus en collant suffisamment de planches les unes aux autres ! S’il y a une petite part de vérité là-dedans, cela montre surtout que le jeu ne s’est pas fermé aux solutions décidées par les auteurs. Ce système de bricolage qu’est l’Amalgame permet aux joueurs de contourner s’ils le souhaitent le chemin prévu par le jeu. La « révolution » de Breath of the Wild tournait autour du concept de « va où tu veux », celle de Tears of the Kingdom est plutôt « va comme tu veux » ! L’accessibilité, encore, comme maître-mot.
Le troisième gros titre de cette période décidément chargée n’est autre que le très attendu Diablo IV. Jeu de gamer par excellence, la licence attire à elle des joueurs qui ont parfois sur le titre des milliers d’heures de jeu, et qui revisitent encore et encore la carte pour obtenir les armes ou armures (distribuées aléatoirement) qui leur permettront de parfaire leur « build ». Là encore, plutôt qu’un défi coriace à la Souls, les développeurs se sont orientés vers une certaine accessibilité. Dans une interview donnée à France Info, l’un des réalisateurs du jeu, Joseph Piepora, explique ainsi le choix de la vue isométrique : « Cela nous permet de vous fournir la bonne quantité d’informations de combat afin que vous sachiez quand esquiver ou utiliser certaines capacités » – tout le contraire d’un jeu FromSoftware, donc, dont les mécaniques se découvrent « à la dure », au fur et à mesure des expérimentations. Il ajoute : « Pour ceux qui ne connaissent pas Diablo, Diablo IV est probablement le meilleur jeu de la série pour commencer ». Exactement la philosophie de Street Fighter 6…
Des jeux grand public qui restent malgré tout pointus, des titres qui s’adressent à tous sans se défaire de leurs mécaniques et de leurs subtilités, voilà un vrai défi de game design ! Un défi qu’ont décidé de relever des jeux AAA qui auraient pourtant pu se reposer sur l’assise de leurs marques respectives… On ne peut que souscrire à cette philosophie qui vise à accueillir chaque joueur, plutôt que de se réserver à une élite autoproclamée ! On espère que cette nouvelle façon de voir les choses fera école, et vu le succès rencontré par les trois titres en question, l’accessibilité pourrait bien devenir le point commun de nombreux projets dans les mois à venir…
Test Street Fighter 6 – Le versus fighting 6 étoiles
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Test The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom – Le voyage plutôt que la destination
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Elden Ring – Mais au fait, qu’est-ce qu’un Souls-like ?
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