World of Demons, c’est fini ? Le jeu de PlatinumGames s’était fait discret depuis sa publication sur l’Apple Arcade en 2020, et il semblerait que le studio ait fait le choix d’officialiser cet abandon. À partir du 18 janvier, il sera impossible de télécharger le jeu et, début février, il sera impossible de lancer le jeu, même s’il a déjà été téléchargé.
On ne peut pas vraiment dire qu’il s’agisse d’un titre ayant forgé l’identité de PlatinumGames, au contraire : il en était plus le résultat, avec une esthétique similaire à celle de Okami, inspirée du Japon, d’encre et de monstres. Les deux jeux utilisent le folklore japonais et des visuels rappelant les ukiyo-e, ces peintures faites d’aplats et de lignes imprimées par xylographie vendues au cours du XVIIIe siècle.
Ce n’était pas que les visuels, non plus. Avec Hiroshi Yamaguchi à la composition, qui a travaillé sur une grande partie des titres du studio, et Ryoya Sakabe, qui a travaillé avec Hideki Kamiya sur la série Bayonetta sur le titre, World of Demons avait tous les éléments pour représenter l’ADN du studio.
Pourtant, le jeu n’était pas sorti sous une bonne étoile : pensé comme un titre free-to-play à micro-transactions, le titre n’avait pas vraiment gagné les faveurs du public en 2018. C’est lors de sa sortie sur l’Apple Arcade que le jeu a réussi à acquérir une petite réputation.
Cette fin de service intervient lors d’une situation complexe pour PlatinumGames, qui vient de perdre Hideki Kamiya, co-fondateur et la figure médiatique du studio. Beaucoup des titres qui font justement cet ADN, et, par ricochet, World of Demons, lui doivent beaucoup. La priorité du studio est de prouver que le départ de Hideki Kamiya n’affectera ni la qualité des sorties du studio, ni son identité.
En parallèle, Hideki Kamiya, malgré son nom, peine à trouver sa place lui aussi. Si des analystes supposaient qu’il pourrait être recruté par des entreprises chinoises, il semblerait que la sortie de PlatinumGames soit plus compliquée que prévu. Il mentionne notamment l’une des clauses de sa démission, qui lui interdit de travailler dans la même industrie pendant l’année suivant son départ.
Et en même temps, cette fermeture souligne la futilité d’une plateforme comme Apple Arcade : présentée comme un moyen d’accéder facilement à un catalogue de jeux riche, l’offre, pour le prix de 6,99€, peinait à convaincre. Les jeux proposés, aux yeux d’un public averti, manquent de contenu, mais le prix de l’abonnement est rédhibitoire pour quelqu’un qui n’est pas investi dans le passe-temps au delà d’une partie de Candy Crush dans le bus. Difficile pour un titre comme World of Demons d’y trouver sa place… et de valoir, pour PlatinumGames, les coûts engendrés pour maintenir le jeu en vie.
Cependant, la question la plus importante posée par cette fermeture – la question posée par toutes les fermetures de jeux à service – c’est bien celle de la préservation du jeu vidéo. World of Demons n’est qu’un des nombreux jeux à service qui disparaîtra en cette année 2024. Comme d’habitude, le titre, une fois fermé, ne laissera aucune trace, si ce n’est une icône d’application inutile sur le téléphone.
Alors, il est rare que nous faisions l’éloge des jeux à service dans nos colonnes : trop prédateur, trop concentré sur les rentrées d’argent, le jeu à service s’inscrit dans une vision du jeu vidéo qui le restreint à avoir le risque en horreur. Cela dit, ce n’est qu’une des nombreuses catégories de jeux concernées par la situation – et il serait mentir que de dire que tout est à jeter.
Certes, nous serions tentés de dire « bon débarras » face à la fin de service de certains jeux morts dans l’œuf. Pourtant, les mauvais jeux ne sont-ils pas tout autant une partie du paysage vidéoludique ? L’une des émissions YouTube de jeux vidéo les plus stables partait bien de ce principe là : rappeler à tous que le jeu vidéo, ce n’était pas forcément mieux avant. L’équipe du Joueur du Grenier, puisqu’il faut la nommer, a réussi à offrir une réelle vitrine aux jeux rétro, à travers la comédie créée des souvenirs des jeux peu mémorables.
Dans ce cas précis, la fermeture de World of Demons est un témoignage, à la fois de la situation chez PlatinumGames à l’aube du départ de Hideki Kamiya, et de la place du jeu vidéo chez Apple, qui fait des choix contradictoires. Il ne s’agit pas là d’un monstrueux jeu à service, ni d’un chef-d’œuvre caché. Avec ses qualités et ses défauts, sans doute dans le haut du panier de ce qu’avait à proposer l’Apple Arcade, World of Demons partira sans grand bruit. À voir si, cette fois, ce sera définitif.
Apple Arcade – Le tarif augmente, la qualité ne suit pas
n1co_m
Le jeu vidéo, un art éphémère ?
M⅃K
PlatinumGames – Hideki Kamiya quitte le studio
Al