We Happy Few, l’œuvre de Compulsion Games sortie au milieu de l’été 2018, avait su faire parler de lui et aussitôt tomber dans les limbes de l’oubli. Un jeu pourtant mal reconnu par les gamers, la faute à un enthousiasme débordant des développeurs qui ont fini par se perdre en chemin et rendre au final une copie assez brouillonne malgré de très bonnes intentions. De la même manière, Biomutant divise la communauté, tant par la réalisation que par son contenu.
Certains lui reprochent sa redondance et linéarité, d’autres louent ses qualités intrinsèques et son background bien plus dense qu’il n’y paraît. We Happy Few a souffert en son temps des mêmes maux, divisant tout le monde à son sujet : les joueurs, la presse… mais paradoxalement, tout le monde se devait d’en penser quelque chose.
Très éloignés en apparence, ces deux titres partagent beaucoup de points communs qui donnent l’occasion pour les nostalgiques des rues de Wellington Wells (comme l’auteur de cet article) de confronter les deux œuvres qui partagent quelques similitudes le temps d’un petit comparatif.
Petit studio, mais grandes ambitions
Experiment 101, petit studio suédois d’une vingtaine de personnes, a œuvré sur le titre Biomutant depuis 2017. Dès le début, le projet se veut ambitieux et compte proposer un univers post-apocalyptique singulier en monde ouvert. Or, pour une réalisation de cette ampleur avec les moyens d’un AA dont disposait les développeurs, il était à craindre que le jeu fasse le choix de la quantité au détriment de la qualité. Malheureusement, les critiques sont divisées : Biomutant se montre régulièrement dépassé par ses propres ambitions et certains n’hésitent pas à dire que celui-ci est déjà obsolète dans ses mécaniques et son gameplay, rendant de fait une copie déjà datée. En effet, ce monde ouvert, séduisant au demeurant, propose une aventure trop linéaire, des quêtes secondaires, certes en très grand nombre, mais d’un intérêt limité.
De son côté, Compulsion Games, financé par un fructueux Kickstarter en 2015, rend sa copie à l’été 2018, mais à la différence de Biomutant, We Happy Few va payer une succession de mauvaises décisions ne rendant la promesse de départ que partiellement tenue. En effet, d’un jeu de survie pure façon Rogue-like, nous arriverons au final à un FPS narratif mi-RPG, mi-survie qui ne rate rien, mais ne réussit rien non plus. Le gameplay bancal laisse trop souvent entrevoir les limites techniques du titre et cela tend à briser régulièrement l’immersion. Au final, débordé par ses ambitions, Compulsion Games a accouché d’un jeu moyen laissant les joueurs sur leur faim.
Des univers atypiques au charme indéniable
Biomutant prend le parti de nous immerger dans un univers post-apocalyptique étonnant et déroutant pour les non-initiés. Nous y incarnons un rongeur humanoïde mutant, dans un monde articulé autour d’un Arbre de Vie à sauver. Au bord de l’implosion, les environnements sont peuplés de diverses tribus qui essaient de survivre tant bien que mal. Biomutant nous plonge dans son monde grâce à une mise en scène décalée dont l’humour omniprésent sert la trame narrative avec intelligence et subtilité.
L’univers reste très attachant une fois immergé dans ce monde rempli de clins d’œil et d’inspirations diverses, quoique parfois un peu dérangeant. Experiment 101, malgré ses choix plutôt osés, reste fidèle à son identité visuelle et à ses convictions. On pourra regretter par moments quelques soucis de cohérence, mais sans grande incidence sur notre aventure pour qui ne s’y attache pas trop. De plus, les joueurs pourront influencer le destin de l’univers, avec un manichéisme franchement assumé. Voila qui offre à Biomutant ce supplément d’âme salvateur !
We Happy Few mise sur la dystopie pour nous faire voyager dans son univers pop acidulé So British des années 1960. Vainqueurs de la guerre, les Allemands sont revenus en 1943 avec leurs chars pour soumettre le peuple britannique. Imposant leur poigne de fer sur la Grande-Bretagne, les nouvelles autorités, soutenues par l’administration de sa majesté, déportent en masse tous les petits Anglais de moins de 13 ans, pour les envoyer dans des camps de travail outre-Manche.
Pour fuir la réalité et leur propre culpabilité, le reste de la population se réfugient dans la Joy, une drogue hallucinogène qui fait disparaître mauvais souvenirs et pensées négatives dans une explosion de couleurs. C’est donc dans la bourgade de Wellington Wells que va se dérouler le cours de notre aventure en trois actes. Compulsion Games propose un univers riche, qui balance entre « 1984 » de George Orwell dans le traitement des masses et leur asservissement, mais aussi un esprit de reconquête de sa liberté très « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick. La force de We Happy Few, c’est cette mise en abyme de notre propre société où les puissants sont dépeints comme des êtres qui jouissent de leurs privilèges sans vergogne avec une insouciance insolente, et les laissés pour compte qui luttent pour leur survie sans guère plus de morale puisque c’est la loi du plus fort qui prime dans les bas-fonds.
Épilogue…
En fin de compte, ces deux jeux proposent une expérience particulière et inédite. À bien des égards celle-ci se révèle dans les deux cas incomplète ou inaboutie. Mais force est de constater que tout l’attrait du jeu vidéo réside aussi dans sa capacité à nous offrir des aventures porteuses de messages et de sens, à la façon d’un film ou d’une œuvre littéraire. Or, dans nos deux exemples, la force de ces deux titres réside dans leur capacité à transcender leur imperfection pour porter une imagerie et un propos qui dépasse tout le reste, qui gagne une portée et un écho des plus inattendus, leur permettant de rester dans les mémoires d’un certain nombre de joueurs ayant eu le recul pour apprécier ce que le jeu avait à offrir au-delà de toute considération technique.
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