Alors que le taux de complétion des jeux vidéo est de plus en plus bas, il existe encore des irréductibles qui semblent prêts à tout pour faire briller leurs trophées de platine ou encore afficher fièrement leurs 1000G. Trophées, succès, achievements, appelez-les comme vous voulez, le principe reste le même : donner des objectifs secondaires au joueur, parfois même complètement absurdes, afin de le faire rester plus longtemps et aller plus loin dans le jeu.
C’est au milieu des années 2000, avec l’arrivée de la Xbox 360, que l’innovation pointe le bout de son nez. Team Fortess 2, en son temps, proposait également des succès afin de débloquer des armes pour les différents personnages. S’ensuivit ensuite Sony qui, via une mise à jour sur sa PS3 qui n’en proposait pas à la base, ajouta le support des trophées. N’ayant, au départ, aucune valeur et étant plutôt décernés à titre honorifique, ces accomplissements sont devenus la norme et sont un passage obligatoire pour n’importe quel titre.
De la passion pour certains, de l’incompréhension pour d’autres
Au fil du temps, deux différents types de joueurs ont pu émerger : ceux qui étaient pour ce système qui les poussaient à réaliser des actions qu’ils n’auraient jamais réalisées sans, ou à explorer des endroits du jeu sur lesquels ils ne se seraient jamais attardés, et les autres, ceux qui trouvaient que ce système n’était qu’un allongement artificiel de la durée de vie, demandant au joueur de perdre du temps sur des objectifs abrutissants et sans saveur.
Les premiers se sont regroupés, formant différentes communautés soudées et qui s’entraident, rédigeant des guides et s’échangeant leurs trucs et astuces (comme PSTHC en France, par exemple). Ils se partagent leurs cartes de trophées, sorte de relique virtuelle dans laquelle sont listés leurs accomplissements, et organisent des sessions d’entraide pour les parties en ligne sur les jeux où le matchmaking ne fait plus son travail. C’est cet échange, ce soutien et ce partage qui entretiennent cette passion commune.
Les seconds sont bien plus silencieux, préférant vivre leurs jeux de leur côté, à leur manière. Et il n’y a rien de mal à cela, bien au contraire. Bien sûr, quelques-uns ne peuvent s’empêcher de se faire entendre, estimant que leur vision du jeu vidéo est la meilleure, et certains pensent même très sincèrement que le jeu vidéo se porterait bien mieux sans ce système de récompenses. Pourtant, il n’empêche en rien de profiter de nos jeux comme bon nous semble.
L’addiction, quand les succès sont source de dopamine
Aimer débloquer des trophées, il n’y a rien de mal à ça. Mais, parfois, cela peut doucement mener à une sorte d’addiction. On perd le plaisir de jouer, on achète ses jeux en pensant d’abord aux succès qui nous attendent et à la difficulté que l’on aura à compléter la liste et, surtout, on ressent une espèce de sentiment d’inconfort quand on laisse une liste à seulement quelques pourcents. Et on se force, on y retourne pour débloquer ces quelques bonbons numériques qu’il nous manque.
Et une fois que nous avons réussi à compléter la sacro-sainte liste, nous quittons le jeu et en cherchons un nouveau à compléter. Et le cercle se répète inlassablement. Certains se refuseront à jouer à certains titres à cause de la difficulté d’obtention du platine, tandis que d’autres se plongeront dans les titres les plus rapides et faciles à « platiner », à l’instar d’un certain “My Name is Mayo”. Ce titre, d’ailleurs, doit certainement sa renommée à la simplicité avec laquelle le platine est débloquable.
Ce sont ainsi des freins mentaux que s’applique seul le passionné hardcore, le chasseur de trophées de l’extrême, ne s’autorisant que les titres qu’il se sait capable de platiner et rejetant, de facto, tous ceux où la patience ou le temps viendrait à lui faire défaut. La satisfaction doit prendre la place de la frustration, et non l’inverse, quitte à se couper de tout un pan de l’industrie vidéoludique. Nous avons besoin de ce petit shoot de dopamine (l’hormone du plaisir et de la récompense) que nous procure le son que produit l’obtention du platine.
Les abus, ou quand courir mille kilomètres n’a rien d’amusant
Les développeurs savent bien que certains joueurs sont particulièrement attachés à leurs trophées et succès, alors pourquoi ne pas en profiter pour augmenter artificiellement la durée de vie du jeu ? Plusieurs exemples peuvent être trouvés avec le temps, mais des trophées où on nous demande de courir X kilomètres ou de rouler X heures au volant d’un véhicule existent en nombre conséquent.
Un autre abus un peu moins répandu est de faire débloquer un trophée dès le lancement du jeu, histoire de s’assurer de créer de la frustration chez le joueur complétiste afin de le forcer à rester. Votre liste est déjà commencée, vous n’allez pas la laisser à un pauvre pourcent. Par exemple, HyperDimension Neptunia Mk2 offre un trophée dès que le joueur lance la partie, lui nouant une corde virtuelle autour des chevilles et le traînant de force dans un univers qu’il n’aimera peut-être pas, lui qui était peut-être seulement curieux.
Sans parler des nombreux trophées, de plus en plus rares aujourd’hui, forçant le joueur à terminer le jeu dans une difficulté qui n’est peut-être tout simplement pas adaptée à son profil de joueur ou à jouer à un mode multijoueur dont il se contrefiche. Tout le monde n’aime pas le challenge, certains se contentent d’une bonne balade tranquille, portés par le scénario plutôt qu’un combat de tous les instants. La saga Uncharted, par exemple, demandait de terminer les titres en difficulté « Extrême » afin d’être platinés. Pour bon nombre de joueurs, cela relevait de l’impossible.
Un dernier type de trophées est à retenir, il s’agit de ceux liés à la collecte de différents items disséminés à travers les jeux. Lorsque ceux-ci sont intéressants, racontent quelque chose ou renforcent l’univers, la corvée n’en est plus réellement une, mais plutôt une invitation à rentrer un peu plus en profondeur dans le monde du titre. Par contre, quand il s’agit seulement de ramasser des drapeaux comme dans le premier Assassin’s Creed, la tâche peut paraître redondante et en fatiguer plus d’un.
Des pas dans la bonne direction
Mais alors, comment redonner du sens à cette fonctionnalité ? Certaines idées commencent à émerger ou sont déjà en place. Par exemple, si les trophées et succès vous importent peu, vous pouvez très bien désactiver les notifications liées à ces derniers, vous enlevant de la tête cette récompense virtuelle qui ne saurait que brouiller vos séances de jeu.
Autre chose qui est liée à un point cité plus haut, c’est que de moins en moins de titres demandent d’être complétés dans la difficulté maximum, rendant la pratique plus inclusive pour de nombreux joueurs n’ayant pas le temps ou les compétences nécessaires. Couplées à des paramètres d’accessibilités toujours plus développés, ces barrières de la difficulté en moins rendent la complétion plus plaisante et permissive.
Et une des dernières solutions à laquelle nous pourrions penser, et celle que Nintendo a l’air d’avoir choisie, serait de purement et simplement ne pas proposer de trophées/succès. En effet, à part peut-être à l’intérieur même de certains jeux, la Switch ne dispose d’aucune fonctionnalité de ce genre, et ses détenteurs n’ont pas l’air de la réclamer. Ce serait une solution de facilité, et un retour en arrière pour certains, mais la preuve est là : il est possible de proposer des jeux vidéo sans obligatoirement y inclure trophées et succès.
La meilleure solution : jouer le jeu, pour le jeu
En conclusion, même si certains se perdent dans la pratique de la chasse aux succès et trophées, la communauté qui y échange reste bienveillante et l’entraide est le maître-mot. Il y a bien des tensions entre les complétistes et ceux qui ne comprennent pas pourquoi ces gens se prennent la tête avec de petits badges virtuels, mais chacun finit par vivre le jeu vidéo à sa façon.
Il y a des choses à améliorer, et certaines qui s’améliorent déjà pour qu’obtenir le 100% reste intéressant ET divertissant en ne devenant pas simplement une série de cases à cocher sur un cahier des charges qui s’alourdit d’année en année. Le système doit accompagner le jeu, proposer quelque chose en complément qui viendra donner plus de substances à ce dernier, pas devenir un critère de sélection.
Si les succès vous débectent, ne les cherchez pas. Si vous les trouvez trop durs, faites le jeu dans la difficulté de votre choix en désactivant les notifications. Jouez au jeu pour le jeu, platinez ceux que vous voulez platiner. Ne vous imposez pas de barrières mentales inutiles qui ne feront que vous faire passer à côté de centaines de jeux que vous jugerez trop durs pour vous.
Entre vous et le jeu, il n’y a rien d’autre qu’une manette.