Fiche de perso est une rubrique dans laquelle nous tirons le portrait d’acteurs du jeu vidéo, réels ou fictifs, qui pèsent ou ont pesé sur l’industrie. Aujourd’hui, à l’occasion de la sortie de Yakuza: Like a Dragon, septième épisode canonique et quinzième jeu de la licence, nous revenons sur le parcours 100% SEGA de son auteur, Toshihiro Nagoshi.
Pour qui ne connaîtrait pas Toshihiro Nagoshi, le bonhomme pourrait tout autant passer pour une rock star. Perfecto cintré, coupe impeccable et sourire Ultra Bright, on a envie de demander « il est dans quel groupe, lui, déjà ? ». Sans être musicien, Nagoshi n’en est pas moins une sorte de rock star… du jeu vidéo ! Avec 30 ans de carrière chez SEGA – une fidélité rare –, on lui doit de nombreuses licences cultes dans des genres très différents, mais s’il fallait n’en retenir qu’une, cela serait sans conteste la saga de Kazuma Kiryu, Ryu Ga Gotoku, plus connue sous nos latitudes sous le titre de Yakuza.
Shenmue : legacy
Pour qui a connu Shenmue à l’époque de sa sortie, Yakuza ne peut représenter autre chose que l’héritage du titre culte de Yu Suzuki. Monde ouvert et liberté de mouvement dans un Japon réaliste, pléthore de mini-jeux, et surtout, une histoire mature et ancrée dans le réel (même si Yakuza sortira régulièrement des rails, pour notre plus grand plaisir).
Cette comparaison ne vient pas de nulle part. Elle pointe même du doigt un acte fondateur dans la carrière de Nagoshi : ce dernier est en effet entré chez SEGA dans l’équipe de Yu Suzuki (la légende du jeu vidéo ayant signé Shenmue, mais aussi Out Run, After Burner, Space Harrier, Virtua Fighter, entre autres). Cependant, à l’époque du développement de Shenmue, Nagoshi n’était pas en accord avec la direction que prenait le jeu, et après la sortie de ce dernier, il a souhaité prendre la tête de son propre studio : d’abord baptisé Amusement Vision, le studio prendra plus tard le nom de Ryu Ga Gotoku Studios, d’après le titre de sa saga phare.
Vent d’Ouest
Le premier gros succès portant la signature de Nagoshi est Virtua Racing, en 1992. La 3D en est à ses balbutiements, tout comme Toshihiro Nagoshi, qui, après des études en production cinématographique, n’est dans le business des jeux vidéo que depuis quelques mois. Cependant, sa connaissance des techniques du cinéma, des mouvements de caméras en particulier, intéresse particulièrement SEGA au moment d’entrer dans la 3D.
Mais le premier jeu sorti véritablement de son esprit arrive presque dix ans plus tard : Super Monkey Ball. L’idée du jeu était simple : revenir aux origines du média, avec un jeu aussi facile à comprendre et à prendre en main que possible. Le titre ne se vend pas aussi bien qu’attendu au Japon, mais cartonne à l’étranger. Il en sera de même pour le projet suivant de Nagoshi, F-Zero GX pour le GameCube. L’homme devient alors celui qui sera capable de sentir la tendance venue de l’Ouest.
Une reconnaissance qui sera paradoxalement un frein quant au développement de son prochain projet : Yakuza, un jeu japonais, situé au Japon, pour les Japonais. Un projet perçu comme un contre-emploi par les investisseurs que Nagoshi peine à convaincre. Cependant, le producteur est tenace, et ira au bout de son idée. Résultat : un instant classic qui se vend à pas loin de 250 000 exemplaires au Japon en 2005, pour finir sa carrière à 1 million de copies écoulées…
Une dizaine d’épisodes et de spin-off plus tard, Yakuza 0 et surtout juste après Yakuza 6 emportent enfin le cœur du grand public occidental, permettant ainsi à Judgment de sortir avec des sous-titres dans six langues. Peu enclin à se reposer sur ses lauriers, et alors qu’il aurait pu capitaliser sur ce succès nouvellement acquis, Toshihiro Nagoshi choisit ce même moment pour donner une nouvelle direction à sa saga culte, avec pour Yakuza: Like a Dragon un nouveau héros, et surtout un nouveau gameplay, abandonnant le combat façon beat’em all qui était de mise depuis presque quinze ans !
Et à nouveau, l’histoire et le public donneront raison au créateur. S’il s’en sort correctement au Japon, ses résultats déçoivent tout de même un peu, et c’est à l’international qu’il trouvera le salut. Nagoshi a encore visé juste, mais aujourd’hui, cela ne surprend plus personne…!
Nago a-go-go
Si SEGA était une personne, ce serait Toshihiro Nagoshi. Le producteur y a fait toute sa carrière, et est resté indéfectiblement fidèle à l’entreprise. Il s’est révélé en tant que créateur exactement au moment où SEGA abandonnait le hardware – après l’échec commercial de la Dreamcast – pour ne faire que dans le software, et il est pour beaucoup dans le succès de cette reconversion. Nagoshi est passé par la direction d’Atlus (développeur et éditeur de la série Persona, et propriété de SEGA) puis carrément par celle de SEGA, où il est aujourd’hui à la tête du département création.
Mais la part business du métier n’a pas rogné la passion, et c’est toujours l’amour du jeu qui anime le personnage ! On se souvient ainsi qu’il avait tenu à être présent pour présenter Yakuza: Like a Dragon lui-même lors de la conférence de presse consacrée au jeu, et cela alors qu’il sortait d’une opération du cœur. Toujours hospitalisé, il avait demandé une autorisation de sortie exceptionnelle à ses médecins pour venir présenter son dernier jeu à son public !
Jadis disciple de Yu Suzuki, Toshihiro Nagoshi s’est élevé à son tour au rang de légende du jeu vidéo. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il est loin d’être à la retraite, et que ses créations nous accompagneront sûrement encore tout au long de cette génération naissante.