Parmi les titres disponibles au lancement de la Switch 2, au milieu des rares jeux inédits et des portages, l’on trouve un jeu un peu étonnant : Yakuza 0 Director’s Cut. Pas du tout inédit, mais pas exactement un simple portage, puisqu’on nous promet de nouvelles scènes, de nouveaux mode de jeu, et bien évidemment la 4k chère à la nouvelle console de Nintendo.
Sorti sur PS4 et Xbox One, jouable sur les PS5 et Xbox Series par la grâce de la fée rétrocompatibilité, le jeu n’était pas devenu inaccessible, et cette sortie sur Switch 2 ne vient absolument pas combler un vide. Cependant, elle offre cet épisode majeur à un plus large public en ajoutant un doublage entièrement en anglais, et surtout des sous-titres en français (entre autres), là où ils n’étaient jusque là disponibles qu’en japonais et en anglais. Des arguments suffisants pour replonger dans le Kamurocho de 1988 ?
(Test de Yakuza 0 Director’s Cut réalisé sur Switch 2 via une copie commerciale du jeu)
L’été de Kamurocho
Dans la timeline complexe de la saga Yakuza/Like a Dragon, Yakuza 0 arrive juste avant le 6, mais se déroule, comme son titre l’indique, avant le premier jeu. Du point de vue purement jeu vidéo, c’est à la fois un épisode qui se recentre sur les fondamentaux après un Yakuza 5 qui s’était éparpillé (un peu perdu, diront certains) en proposant au joueur d’incarner pas moins de 5 personnages différents. C’est aussi le premier titre original (après les Kiwami) à profiter du alors nouveau moteur Dragon Engine. C’est une étape importante pour la licence, et un choix judicieux pour un portage sur Switch 2.
D’abord parce qu’il fête ses 10 ans (l’original est sorti conjointement sur PS3 et PS4 au Japon au printemps 2015), et c’est un titre bien plus intéressant à ressortir que l’épisode 7 (qui rebootait la licence), sorti bien plus récemment et disponible sur les consoles actuelles.
Mais aussi, et surtout, le titre est une préquelle, et il n’est nullement nécessaire de connaître l’univers et les personnages pour se plonger dans le jeu. On y rencontre un Kiryu tout jeune (l’image est frappante quand l’on sort d’Infinite Wealth ou le personnage, cheveux gris, songe à sa fin de carrière !), qui n’est même pas encore yakuza au début de l’aventure.
L’autre personnage que l’on rencontre, c’est un jeune Goro Majima, arborant une longue queue de cheval, et encore mesuré sur son côté très Grand Guignol qui fera ensuite toute la saveur du personnage. Son destin va croiser celui de Kiryu pour la première fois dans cet épisode, avant qu’il ne devienne son « meilleur ennemi ». Enfin, revenir à Yakuza 0, c’est revenir au système du beat’em all, avec ses différentes techniques et ses coups spéciaux toujours aussi violents et déjantés.
Couci-(Ya)Couça
Le jeu propose un voyage dans le temps, en revenant sur le passé des personnages clé de la saga, et en choisissant pour théâtre les années 80, mais pas seulement. Hélas, après avoir passé quelques dizaines d’heures sur Like a Dragon: Infinite Wealth, le dernier jeu en date, ce Yakuza 0, même dans cette version Director’s Cut ressemble aussi à une forme de retour en arrière technique et fait un peu pâle figure.
Si les gros plans restent relativement convaincants (cela a toujours été une force de la série que de rendre presque photoréaliste les « gueules » des gangsters qui y tiennent les premiers rôles), dès que la caméra s’éloigne un peu, les textures sont moins détaillées, certains éléments deviennent anguleux, les PNG qui forment la foule anonyme des quartiers manquent cruellement de détails dans leur modélisation… Rien de foncièrement rebutant (d’autant que c’est compensé, on le verra, par d’autres qualités), mais la comparaison avec les derniers épisodes est douloureuse. Néanmoins, le mode portable de la Switch 2, moins regardant sur les détails, adoucit un peu cet aspect.
Autre comparaison difficile, les jeux d’arcade. L’un des plaisirs des jeux Yakuza, c’est d’aller visiter les salles d’arcade pour voir les jeux qui y sont proposés. Or ici, on ne trouvera que Space Harrier et Out Run, plus deux autres jeux qu’il faudra réussir à débloquer au cours de l’aventure. Un peu chiche quand on compare à ce que nous proposent les derniers titres… En parallèle, le titre n’est heureusement pas avare en mini-jeux, et on aura aussi l’occasion de jouer aux fléchettes, au billard, au shogi, de parier sur des combats de catch féminin (!) et bien évidemment de s’adonner au karaoké (et son morceau culte « Judgment », quel plaisir de le retrouver !), ou au Pocket Circuit.
Yakuza 0 est peut-être, de toute la saga, le titre préféré de l’auteur de ces lignes, et cette sortie sur Switch 2 était aussi une très bonne occasion pour relancer une partie. Mais l’on doit bien avouer que l’on n’avait pas le souvenir d’un jeu si bavard (pourtant notre test d’époque nous avait prévenus)… Les dialogues s’y multiplient et s’éternisent parfois, au risque de perdre quelques joueurs en chemin. Heureusement, l’écriture est, elle, au rendez-vous.
Classique
C’est, finalement, ce qu’on retiendra du jeu : ses qualités plutôt que ses défauts ; ce qui tient dans le temps plutôt que ce qui a vieilli. Et l’écriture, justement, conserve toute sa force. L’histoire est profonde, prenante, on s’attache à ces personnages qui en font des tonnes, mais qui possèdent aussi une vraie part d’ombre, à l’instar de Majima, habituel clown de la série (jusqu’au dernier titre en date, Yakuza Pirates in Hawaii, où il est une sorte de roi du cosplay), dont le passé est d’une noirceur difficilement imaginable. La fin reste un tire larme aussi puissant qu’il y a dix ans !
La mise en scène réussit aussi, plus que le petit lissage offert par la Switch 2, à faire oublier des graphismes qui ont une génération de retard. Kamurocho brille toujours de mille feux sous les néons de ses boutiques qui ne ferment jamais, et les cinématiques n’ont rien perdu de leur grandiloquence.
Director’s Cut
On ne reviendra pas sur cette mention honteuse qui vient brouiller les pistes, ne révélant rien de la nature de cette édition (portage, remaster, remake… ?). Nous avions consacré un papier à l’usurpation du terme, qui mentionne le « Director » (réalisateur) alors même que celui-ci (Toshihiro Nagoshi) a quitté le studio il y a plusieurs années…
Ce qu’il faut retenir, c’est que cette édition de Yakuza 0 bénéficie d’un léger lissage graphique, qui, s’il ne fait pas passer le titre dans la catégorie des « current gen », permet néanmoins de le (re)découvrir dans des conditions relativement confortables, sans tout à fait avoir l’impression de jouer à un vieux jeu. Le titre est pour l’occasion augmenté de nouveaux modes de jeu, arcade et multijoueur, qu’on essaiera peut-être par curiosité, mais qui, reprenant exactement le gameplay du jeu de base, ne présentent pas exactement de véritable valeur ajoutée. Il s’agit ici plus d’un ajout marketing permettant de « vendre » des nouveautés par rapport au jeu original, mais qui s’avère au final relativement anecdotique.
Yakuza 0 fête ses dix ans sur Switch 2, et comme un ancien grand sportif venu célébrer un jubilé, on est très heureux de l’accueillir pour un nouveau tour de piste, même si on sait que ses performances ne seront plus celles qu’on a connues par le passé. Et il faut reconnaître que finalement, il est plutôt en forme pour son âge !
Le jeu est comme ces classiques du cinéma dont les effets spéciaux ne sont plus à la hauteur des blockbusters de l’époque, mais qui représentent en eux même quelque chose : c’est un classique, un jalon de l’histoire du jeu vidéo. C’est enfin un excellent moyen pour celui ou celle qui aurait découvert la licence avec les aventures d’Ichiban Kazuga de plonger dans les origines de la saga, tant au niveau de l’univers que du gameplay.