C’est en 2015 que Supermassive Games a sorti l’un des meilleurs titres de son catalogue. Débarqué en exclusivité sur PlayStation 4, Until Dawn a su rapidement trouver son public, se vendant vraisemblablement à plusieurs millions d’exemplaires, et fut même nommé en tant que meilleur jeu narratif aux Game Awards. Un beau succès qui a poussé le studio a lancer la production d’un film, prévu pour 2025. Depuis, le studio n’a pas chômé et a créé sa saga The Dark Pictures, reprenant peu ou prou la même structure ludique pour une réussite plus discutable.
Il n’est de fait pas très surprenant que le titre qui a fait le succès du studio soit remis sur le devant de la scène dans une édition, remaniée par le studio tier Ballistic Moon, plus en phase avec les standards actuels de production. Refonte visuelle, affinage de gameplay, changements scénaristiques, bref, le package semble complet pour une expérience proposée à plein tarif, 70 euros, sur PS5 et PC depuis le 4 octobre dernier. Mais cette cure de jouvence d’Until Dawn arrive-t-elle à justifier un nouveau passage à la caisse, alors que dans le même temps, un autre poids lourd de l’horreur vidéoludique fait aussi l’actualité ?
(Test d’Until Dawn Remake sur PlayStation 5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Souviens-toi l’été dernier
En sortant Until Dawn seulement quelques jours avant le remake de Silent Hill 2, ce n’est pas une balle que PlayStation et Ballistic Moon se sont tirés dans le pied, c’est tout le chargeur. Et en n’accompagnant ni ne communiquant autour du titre, celui-ci se retrouve à errer sur les différents magasins physiques ou dématérialisés dans une indifférence générale rarement observée. Pourtant, l’expérience en elle-même a de beaux arguments à faire valoir aux amateurs d’horreur.
Un périple qui repose principalement sur son ambiance. Until Dawn étant un titre narratif, pour fonctionner, il faut que le joueur arrive à s’impliquer émotionnellement. Quoi de mieux alors qu’une ambiance « teen movies », familière, mettant en scène une bande d’étudiants réunie pour leurs vacances afin de profiter de moments inoubliables ? Un été qu’ils ne risquent pas d’oublier, mais pour de funestes raisons.
Dès le prologue, le ton est donné. Il va y avoir du sang, des larmes, des morts et une tension palpable de tous les instants. On jongle entre les différents protagonistes au fil des chapitres, parfois interrompu par ce mystérieux psychiatre s’adressant à notre « nous » vidéoludique mais aussi à notre nous réel, jugeant nos actions des minutes précédentes. Une manière certes grossière pour briser le quatrième mur, mais qui a le mérite d’exister et qui ajoute encore un tantinet de mystère à l’ensemble.
D’ailleurs, maintenant notre introspection terminée, nous n’avons pas peur de le dire, nous avons flippé à maintes reprises durant l’aventure, hurlant même de surprise par instants, avec une mention spéciale pour le sanatorium, glauquissime à souhait, qui nous a obligé à prendre quelques pauses salvatrices indispensable à notre santé mentale.
L’ambiance qui se dégage d’Until Dawn est incroyable notamment grâce à un design sonore particulièrement réussi. Chaque grincement, chaque cliquetis, chaque bruissement de vent, tout a été savamment orchestré pour nous maintenir sous tension et parvenir à nous rendre captif du rail horrifique proposé par les équipes de développement. Une immersion qui sera plus renforcée encore en découvrant les événements de Blackwood Mountain muni d’un casque ou d’une installation sonore de qualité.
L’horreur est bien réelle et plus réaliste que jamais. En adaptant le jeu de base sous l’Unreal Engine 5, les décors, et surtout les personnages incarnés et rencontrés sont superbes, ce qui participe indéniablement à notre plongée dans l’univers. Il s’agit là d’ailleurs de la principale nouveauté apportée par cette remasterisation. Dommage toutefois que les équipes de Ballistic Moon se soient arrêtées en si bon chemin.
Car si d’un point de vue graphique, Until Dawn est horriblement somptueux, on ne peut en dire autant des autres aspects techniques du titre qui nous ont régulièrement sortis de notre torpeur.
Et au premier rang d’entre eux, qu’il aurait été judicieux de revoir la synchronisation labiale. Il n’y a rien de tel pour ridiculiser un doublage, pourtant très bon auditivement parlant, que de voir notre interlocuteur continuer de bouger ses lèvres alors que sa réplique est terminée depuis plusieurs secondes. Un problème heureusement facilement contournable en passant l’audio en VO (au demeurant tout aussi réussi).
Son gameplay aussi raide que son prix
Toutefois, et c’est probablement ce qui nous a le plus dérangé durant la dizaine d’heures nécessaire pour boucler l’histoire, les déplacements, et a fortiori les animations, sont particulièrement raides. On a l’impression que le moindre obstacle pourrait nous empêcher d’avancer, ou que nos jeunes héros, sans doute traumatisés par les horreurs vécues, se sont découverts une passion pour les embrassades murales (après tout, eux au moins ne risquent pas de nous tuer).
Combien de fois n’avons-nous pas râlé à cause d’un déplacement s’opérant dans une direction alors que nous souhaitions précisément aller à l’opposé, ou que, emporté dans notre élan, l’option pour ramasser un objet se dérobe, nous obligeant à opérer un demi-tour fastidieux. Une approche presque « point’n click » qui tranche avec la modernité des visuels affichés.
Fort heureusement, l’essentiel de l’aventure ne repose pas sur ces séquences et on fini par plus ou moins s’en accommoder, s’accrochant plutôt aux découvertes que nous ferons lors de ces explorations. Peu à peu, on accumule diverses pièces d’un puzzle qui se révèlera petit à petit pour peu que l’on prenne le temps de sortir du chemin battu. Mais attention, chaque décision entraine son lot de conséquences, petites ou grandes qu’il conviendra de prendre avec sagesse, puis d’en assumer les impacts.
Faut-il ouvrir cette trappe louche ? Doit-on fuir ou se cacher ? Quel chemin emprunter ? Autant de décisions à prendre qui pourront aboutir à la survie ou au trépas de nos chers étudiants. Until Dawn brille particulièrement lorsqu’il nous demande de faire des choix dans des situations stressantes et arrive tout aussi brillamment à équilibrer les conséquences de nos choix, ne nous condamnant généralement pas à une mort frustrante sans raison.
Si un de nos personnages doit périr suite à un mauvais choix de notre part, c’est parce que l’on aura mal interprété les cartes entre nos mains, et non à cause d’une action triviale réalisée trois chapitres auparavant, comme on peut parfois le voir dans d’autres jeux du genre. Il n’y a guère que sur les derniers pans d’histoire que les sanctions se font plus sévères, moments qui coïncident d’ailleurs avec une baisse en qualité narrative, l’accélération des événements entrainant du même coup quelques bizarreries scénaristiques.
C’est d’autant plus flagrant qu’au fil de cette nuit, nous nous sommes passionnés pour les acteurs de ce film interactif. On a appris à les connaitre, les comprendre et, même s’ils restent globalement des stéréotypes classiques de films d’horreurs, sont très attachants. Tous ne sont cependant pas logés à la même enseigne Si l’insupportable Emily, Jess ou Matt sont bien trop peu développés à notre sens, le noyau dur de la bande, et notamment Sam et Mike sont eux particulièrement réussis.
Dans son ensemble, Until Dawn ne réinvente pas la roue, mais ce qu’il fait, il le fait bien. Même les séquences de QTE, nous demandant d’appuyer sur les touches indiquées au bon moment, se fondent à merveille à l’ensemble et participent au maintien de l’intensité narrative. C’est simple, efficace, sans fioritures et permet quelques mises en scène, surtout lors des course poursuites, impactantes, renforçant, une fois de plus, l’immersion globale du jeu.
Et pourtant, en l’état, si l’on excepte sa mise à jour graphique, diverses options d’accessibilité (bienvenus) et quelques affinages, notamment au niveau des angles de caméra, Until Dawn 2024 reste pratiquement identique à sa mouture de 2015.
Il y a bien cet épilogue ajouté à cette remasterisation, laissant supposer qu’un second opus à la licence pourrait être annoncé prochainement, ou les changements de position et ajouts de divers items à collecter, mais il faut bien admettre que les apports ludiques de cette version sont bien minces. De quoi donc s’interroger sur le bien fondé de cette réédition qui, si elle peut paraître chiche en nouveauté, conserve et renforce même toute les qualités et le charme qui ont fait son succès il y a presque dix ans maintenant.
Hier comme aujourd’hui, Until Dawn reste un excellent survival horror que tout amateur de sensations fortes se doit de faire au moins une fois dans sa vie de joueur. L’ambiance qui se dégage de thriller narratif est exceptionnelle et, grâce à un design sonore particulièrement réussi, on s’immerge totalement dans cet univers qui n’en finit pas de nous faire frissonner.
Aussi, le titre est brillant lorsqu’il s’agit de nous faire prendre des décisions, parfois difficiles, pour nous faire progresser dans sa toile scénaristique. L’ensemble est équilibré et on nous laisse suffisamment d’indices ci et là pour que l’on puisse apprendre et comprendre par nous-mêmes la voie à suivre et les tenants et aboutissants d’une histoire qui a néanmoins tendance à s’essouffler sur la fin. Il faudra par contre s’acclimater à un gameplay, lors des phases d’exploration principalement, assez raide, impactant négativement l’immersion de l’ensemble.
Reste qu’il est pourtant difficile de pleinement conseiller Until Dawn, et encore plus si vous avez connu la version d’origine sur PlayStation 4, les ajouts proposés justifiant assez difficilement les 70 euros réclamés.
Lorsque l’on observe le travail réalisé sur le remake de Silent Hill 2, proposé au même tarif, il semble que les décisions prises quant au positionnement tarifaire d’Until Dawn auront des conséquences funestes sur son avenir commercial. Tant que la licence ne meurt pas…