Guetté comme une expérience Game Pass idéale, si on n’attendait pas la sortie du discret Unpacking avec le même niveau d’impatience que Forza Horizon 5, le jeu était clairement sur notre liste de titres à essayer. Parce qu’on a tous loué les qualités de joueur de Tetris du copain qui s’occupait de remplir et d’optimiser le volume du camion lors de déménagements, un puzzle game basé justement sur le fait de déballer ses cartons avait toutes les chances de parler au plus grand nombre. Mais si Unpacking était plus que ça ?
(Test de Unpacking sur PC réalisée à partir d’une copie commerciale du jeu)
Marie Kondo Simulator
Pour vraiment apprécier toutes les qualités d’Unpacking, il aurait fallu que vous vous lanciez dans l’aventure avant de lire cette critique. D’ailleurs, il n’est pas trop tard : allez jouer quelques heures, et revenez nous lire ensuite, voir si on est d’accord ! Parce que la découverte, peu à peu, du cœur du jeu est l’une de ses grandes réussites.
On aborde le titre avec l’idée de jouer à un puzzle-game qui consiste à réussir à ranger ses affaires dans l’espace dont on dispose. Et c’est un peu là-dessus que repose le game system, une sorte de Marie Kondo Simulator. L’influenceuse rangement prêche les vertus d’une maison en ordre et bien organisée, prêtant à son système le pouvoir de diminuer le stress, voire carrément de rendre heureux !
C’est aussi ce qu’on imagine pour le jeu : un titre zen, déstressant. Pas de timing, pas d’impératif, pas non plus de vraie difficulté : on sort des objets des cartons d’un clic de souris, et on les met à une place qu’on imagine être la leur d’un autre clic, l’objectif du jeu étant de vider tous les cartons en ayant casé chaque objet. Chacun se posera ses propres règles : tout caser à tout prix, et peu importe que les cravates soient rangées avec les culottes, ou organiser son appartement de façon militaire, en ne mélangeant surtout pas les livres et les jeux vidéo.
Ce faisant, on observe les objets qu’on manipule, ainsi que ceux qui occupent déjà les pièces, et on s’amuse à retrouver les références : là, un exemplaire du Zelda Wind Waker pour GameCube, ailleurs, un robot Gundam fièrement exposé sur une étagère… Et c’est là que la magie opère.
Mettre de l’ordre dans sa vie (et vice versa)
Parce qu’à force de voir passer la collection d’objets du personnage principal, invisible, de cette histoire, un profil finit par se dessiner. Dis-moi ce que tu as, je te dirai qui tu es. On cerne rapidement les grands traits du personnage, ce qu’elle aime, le métier qu’elle exerce… Et même, une véritable narration se met en place sans intervention de personnages, sans texte ni dialogue, sans même qu’on s’en aperçoive.
Il faut au passage signaler la maestria du pixel art. Le jeu se présente en effet ainsi, dans des décors (les pièces des maisons et des appartements qu’on investit) en 3D isométrique. Le sens du détail est tel qu’on réussit à reconnaitre les jaquettes des jeux que l’on doit ranger, et nous permet aussi d’apercevoir des détails sur des photos de famille, pourtant affichée en 6×12 pixels ! On s’amusera aussi à vérifier l’interactivité de certains objets : l’ordinateur s’allume, le mannequin peut prendre plusieurs positions… Et on vous laisse découvrir s’il est possible de démarrer le Game Cube.
Chaque niveau représente une nouvelle habitation, et on comprend rapidement qu’on suit la vie d’un personnage. Commençant le jeu dans une chambre d’enfant, on voit l’héroïne prendre son indépendance, puis on sera heureux d’ajouter sa brosse à dents dans un verre qui en contient déjà une. C’est ainsi que le gameplay lui-même raconte cette histoire. On est dans de la narration environnementale particulièrement intelligente.
Partager la vie de quelqu’un, c’est aussi partager son espace. Et justement, le jeu nous montre que ce n’est pas toujours facile de trouver de la place (sa place ?) pour ses affaires dans un appart’ déjà habité. À peine une métaphore… Autre exemple parlant – et attention au spoiler – après l’un des déménagements, il s’agira de ranger quelques photos. Et pour l’une d’entre elles, une photo de couple, le jeu refusera qu’on l’affiche à côté des autres, sur le tableau en liège. Il faudra la remiser dans une armoire qui ferme. C’est comme cela que le jeu nous fera comprendre la rupture qui a conduit à ce déménagement…
La magie de Unpacking fonctionne d’autant mieux quand on la découvre par soi-même. Voilà pourquoi il aurait mieux valu que vous vous essayiez au jeu sans rien en connaître d’avance. Quand on réalise que ce faux puzzle-game renferme en vérité un jeu narratif particulièrement malin, on ne peut être qu’émerveillé par le talent des game designers. La durée de vie, assez courte, est compensée par la joie que procurera le fait d’entrer malgré soi dans cette histoire.
On y reviendra de plus volontiers, pour examiner d’un peu plus près les objets du jeu, leur réalisation minutieuse en pixels, et à travers eux, les étapes de la vie de l’héroïne.