À l’origine, il y a le film Turbo Kid, production semi-pro, réalisée par un collectif nommé Roadkill Superstar (RKSS). Film fauché, hommage aux productions des vidéo-clubs des années 80 et 90, ses auteurs auront quand même réussi à convaincre Michael Ironside (Highlander 2, Top Gun, Starship Troopers…) d’incarner leur grand méchant, et le festival de Sundance de sélectionner le film en 2015. En résulte un pastiche de série B hautement sympathique, dont la suite est désormais un jeu vidéo.
Mais un film fauché qui ne tient que par ses références peut-il engendrer un jeu vidéo qu’on prendrait pour autre chose qu’un objet marketing ? Si c’est fait avec le cœur, pourquoi pas…
(Test de Turbo Kid sur PC réalisé via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Soyez sympa, rembobinez
Il devait y avoir un air du temps en 2015. Car l’année où Turbo Kid était joué au festival du film indépendant de Sundance, un autre film pastiche des productions des 80’s était présenté lui à Cannes : Kung Fury, de et avec David Sandberg. Ce dernier aura eu un impact bien plus important que Turbo Kid, en partie grâce à un extrait de sa bande originale, « True Survivors », une chanson interprétée avec beaucoup de décalage par David Hasseloff.
Parodique, le film impliquait un flic fin connaisseur des arts martiaux, son co-équipier dinosaure, Hitler, des vikings, et des ninjas. Une franche rigolade qui gérait mal ses limites, et dans laquelle la parodie se muait en moquerie, l’humour en cynisme. Le film ridiculisait les séries B des années 80 plus qu’il n’y faisait référence. « Hitler contre des Dieux Vikings géants, ah, ah ! Ils étaient vraiment nuls les films de l’époque ! ».
Turbo Kid, lui, ne possède pas cet esprit méprisant. Il est beaucoup plus « premier degré », bien que le film ne se prenne pas au sérieux, et que les costumes et les effets spéciaux peuvent avoir cette patine un peu ridicule si l’on ne fait pas l’effort de « rentrer dans le film ». C’est d’abord une lettre d’amour aux productions VHS, aux films produits par Golan-Globus avec des ninjas ou des décors post-apo tentant de surfer sur le succès de Mad Max…
Et le jeu qui arrive presque 10 ans après le film est dans cet esprit, lui aussi un hommage au genre dont il se fait écho. C’est un pur platformer, à l’ancienne, sans ingrédients artificiels comme des éléments de Roguelite qui sont un peu trop la mode ces derniers temps. On aurait peut-être aimé que, pour pousser le jeu de la référence, et ainsi que cela se faisait systématiquement du milieu des années 80 à la fin des années 90, le jeu soit une vraie adaptation du film ; ce ne sera pas le cas. Turbo Kid, le jeu, est plutôt une suite du film, ce qui lui permet aussi plus de variété et de liberté dans ses décors, ses personnages…
Papervania
Platformer classique, donc, Turbo Kid s’inscrit totalement dans le sous-genre des Metroidvania. Pas de passage d’un niveau à l’autre, mais une carte qui s’ouvre au fur et à mesure des nouveaux pouvoirs et habilités du personnage. Et quelle carte ! Quand on pense en avoir vu les limites, on réalise qu’il reste un tunnel inexploré étendant encore le terrain de jeu…
Qui dit jeu de plateformes dit aussi boss de fin de niveaux. En l’absence de vrais niveaux, les boss ici gardent plutôt des zones et, comme dans un Mega Man, on ne les rencontre pas forcément dans l’ordre où l’on est en capacité de les vaincre. Ainsi, il sera par exemple impossible d’éviter les lasers de la Veuve d’Argent, et donc de vaincre cette dernière, tant que l’on n’aura pas récupéré la roulade d’esquive. Et la frustration de tomber sur un boss trop difficile laisse vite place à la satisfaction de comprendre comme cette nouvelle capacité que l’on vient de débloquer nous permettra d’enfin lui régler son compte !
Si le jeu se veut très classique dans son gameplay et son déroulement, il ajoute néanmoins un élément plus inhabituel et bienvenu : le BMX. Récupéré très vite dans l’aventure, ce dernier permet des phases de gameplay se rapprochant un peu d’un Trials Fusion, avec des rampes inaccessibles à pied et ses courses contre la montre disséminées sur la carte. Mais surtout, le BMX permet de retraverser en accéléré des zones déjà visitées et évite le sentiment de re-re-re-passer toujours par les mêmes chemins inhérents à certains Metroidvania. Des téléporteurs assurent aussi cette fonction qu’on accueille à bras ouverts quand on sort de Dragon’s Dogma 2 et de ses voyages à pieds interminables…
Turbo Grafx
Son positionnement hyper-référencé obligeait presque Turbo Kid a adopter le style pixel, et c’est en effet l’identité graphique du titre. La forme annonce ainsi clairement le fond ! L’histoire est assez peu intéressante, mais cela ne veut pas dire que l’écriture est en retrait : on croisera ainsi tout une galerie de personnages qui seront autant d’occasions de traits d’humour, de clins d’œil…
On notera aussi la présence du duo québécois Le Matos, déjà compositeur de la B.O. du film, à la musique, et le bonus d’un comic-book original, entièrement traduit en français (comme d’ailleurs l’ensemble du jeu) dont il faudra retrouver les pages à travers les Wasteland…
Turbo Kid, le jeu, est une adaptation parfaite de Turbo Kid, le film. Non pas parce qu’on y retrouve l’histoire, les décors ou les personnages du métrage, mais parce qu’il a su saisir l’esprit du film. Le jeu est rétro, sans être vieillot, et surtout sans être dans le ricanement vis-à-vis du matériau de base.
C’est de plus un très bon jeu de plateformes, à la difficulté maîtrisée se déroulant sur une carte étonnamment étendue pour un jeu de ce calibre. Bien sûr, cela reste une production un peu « niche », qui pourrait être moins bien reçue par quelqu’un n’ayant pas vu le film, mais c’est à peu près le seul défaut que nous avons identifié !